Le gouvernement soudanais et la guérilla du Spla sont arrivés, le 31 décembre, à conclure un pacte de paix qui va engager le Soudan dans une ère nouvelle. Les Nations unies et la communauté internationale avaient fixé une date butoir pour les deux protagonistes de la crise du Sud, le gouvernement de Khartoum et le mouvement d'opposition, le Spla de John Garang. L'accord de paix tant attendu a été enfin signé, qui doit mettre un terme à la plus longue guerre civile qu'ait connue le continent africain. C'est le 9 janvier prochain que sera paraphé à Nairobi, au Kenya, en présence d'un parterre de chefs d'Etat africains parmi lesquels les présidents sud-africain, Thabo Mbeki, nigérian, Olusegun Obasanjo, président en exercice de l'Union africaine, égyptien, Hosni Moubarak, de même que le chantre de la paix en Afrique, l'ancien président sud-africain Nelson Mandela, qui viendront apporter le soutien de l'Afrique au président soudanais, Omar Hassan Al Béchir et le leader du mouvement de libération du Sud-Soudan, John Garang. Les deux hommes étaient présents vendredi à Naivasha, au Kenya, pour la signature de l'accord de paix. Le président Al Béchir a déclaré, à cette occasion: «Nous ne voulons plus de guerre nulle part, nous voulons la paix partout au Soudan»: soulignant: «L'accord d'aujourd'hui parachève l'indépendance du Soudan, à qui il manquait la paix au Sud.» Le général Al Béchir ajoute toutefois «Mais notre joie ne sera pas totale tant que la paix des coeurs n'aura pas été établie au Darfour», province de l'ouest du Soudan où sévit, depuis février 2003, une autre guerre menée par l'Armée de libération du Soudan (SLM) et par le Mouvement pour l'Egalité et la Justice (JEM). La guerre du Darfour a déjà occasionné la mort de plus de 70.000 personnes, selon les chiffres de l'ONU, et près de 1,5 million de déplacés. Avec la fin de la guerre dans le sud, commencée en 1983, le Soudan s'engage dans un nouveau challenge, sans doute encore plus dur, consistant à consolider la paix d'une part, vivre intelligemment la transition de six ans, prévue par l'accord de paix de Naivasha. En fait, c'est la manière avec laquelle sera vécue cette transition qui préparera le pays au saut qualitatif de la démocratie qui forgera le Soudan fédéral en filigrane dans les accords précités. Le président de l'ex-mouvement rebelle de l'Armée populaire de libération du Soudan (Spla), John Garang se verra ainsi attribuer le poste de vice-président avec des pouvoirs étendus. Parallèlement un Parlement provisoire sera élu, qui comprendra un tiers de représentants du Sud, rédigera une nouvelle Constitution de même qu'un Sénat (chambre haute où seront représentés les 25 Etats du Soudan fédéral, tel que prévu, du moins, par la loi fondamentale de 1994. Ces divers aménagements constitueront en fait les institutions de la transition pour les six ans à venir. Après cette période transitoire, la population du Sud sera appelée à s'exprimer par référendum sur le choix de rester dans la fédération soudanaise ou d'opter pour l'indépendance. De fait, le challenge sera difficile tant pour Khartoum qui aura, durant cette première phase, à travailler pour la préservation de l'unité du pays, et amener le Sud à adhérer à la nouvelle politique d'ouverture du gouvernement, que pour l'ex-rébellion qui aura à jouer un grand rôle dans le maintien de la cohésion du pays et la consolidation des assises fédérales et démocratiques du Soudan. D'ailleurs, le président Al Béchir, dans ses déclarations, après la signature de l'accord de paix, n'a pas manqué de souligner que son gouvernement travaillera à rendre «attractive l'unité nationale» indiquant: «Nous oeuvrerons pour que l'unité nationale soit un choix attractif grâce au développement et à la reconstruction» affirmant d'autre part: «Nous nous engageons à appliquer les accords que nous avons conclus à Naivasha (avec l'Armée populaire de libération du Soudan) et à oeuvrer en faveur de la reconstruction dans toutes les régions touchées par la guerre.» Le vice-président soudanais, Ali Osmane Taha, qui mena avec John Garang les négociations de paix, et qui cédera son poste au leader du Sud-Soudan, affirma pour sa part que «Le processus de paix a été complètement achevé et il n'y a aucun problème qui ait été laissé sans solution», précisant: «Aucune controverse n'a été laissée de côté.» La classe politique soudanaise a plutôt bien accueilli l'accord qui, tout en ramenant la paix au pays va aussi lui permettre de consacrer ses forces et ses moyens à la reconstruction et au développement de plusieurs régions dévastées par la guerre. Mais, le vrai test pour les Soudanais sera la manière avec laquelle ils vont aborder et vivre les six prochaines années de transition.