Le verbe haut, comme il nous en a toujours habitué ; Lacouture reprend la chronologie et en fait un livre pertinent. La période choisie est longue, mais la manière qu'il a utilisée pour en rendre compte est irréprochable. Le journaliste ne s'est pas arrêté à une période donnée de la présence française en Algérie, qui a commencé avec le débarquement de Sidi Fredj, en 1830, mais saura aller au-delà. Tout en rappelant que l'Algérie préexiste à la France, il fera apparaître les tentatives de recentre commencées avec le « royaume arabe » de Napoléon III et les convulsions qui ont marqué la Belle Epoque et celles, moins glorieuses, qui lui ont succédé. Des personnages de l'histoire commune des deux peuples sortent du lot. Et apparaîtront sur la couverture de l'ouvrage. L'Emir Abdelkader et Napoléon III qui se sont connus et « appréciés » et, plusieurs années plus tard, Ferhat Abbas et l'homme du… 13 mai 1958, Charles de Gaulle, qui a imposé à ses compatriotes de la métropole et des « départements » d'Algérie le référendum et le départ durement ressentis par les pieds-noirs. Lacouture fera apparaître une facette moins glorieuse du personnage en mettent l'accent sur les massacres de mai 1945. De Gaule a insisté, rappelle-t-il, auprès de ses subordonnés d'Alger, sur la nécessité d'empêcher, par toutes les manières, que l'Algérie « ne nous glisse entre les doigts pendant que nous libérons la France ». Le journaliste passionné et racé ne cache pas, par contre, l'admiration qu'il partage avec Jean Daniel, préfacier de l'ouvrage, un autre journaliste, algérien de naissance, pour le pharmacien de Sétif, Ferhat Abbas. Lequel aurait voulu réunir les peuples d'Algérie avant d'être pris de court par les activistes qui l'ont rallié à leur cause, une année après le début des « événements ». « Qui a connu cet homme généreux sait que le patriotisme algérien porte en lui une part de la culture française, elle-même irriguée par le génie du Sud », relève Jean Daniel, auteur d'une préface admirable qui fait remarquer que la « la vie rapproche ceux que le feu a désunis ». Le mérite de Jean Lacouture est de ne pas se contenter de faire la chronologie des faits que l'on peut lire dans des manuels d'histoire, mais de parler d'une époque qui détermine les gestes d'un présent chaotique. Le passé ne passe toujours pas et l'actualité la plus récente est là pour en apporter la preuve patente.