Bersi Fetta, née Laoudia, est morte en 1958 à l'âge de 33 ans des suites des sévices subis au cours de ses multiples arrestations par l'armée coloniale. Elle aura marqué la région d'Aghribs, à commencer par ses proches. Ses enfants sont aujourd'hui pupilles de la nation. Sa sœur Ouerdia, âgée de 77 ans, témoigne : «Ce sont des moments terrifiants, gravés dans ma mémoire, je voyais ma sœur aînée, Fetta, en 1956, 1957 et 1958, traînée, elle et ses enfants, de nuit, sous une pluie battante, ou à des moments où la neige tombait drument, par des gendarmes français, sous des aboiements d'un chien berger, tenu en laisse par d'autres, alors que mon père, en protestant, était repoussé sous des coups violents, en lui reprochant «d'avoir permis à sa fille d'épouser un hors-la-loi»». Ouerdia Amenouche se souvient surtout du jour où sa sœur fut conduite pour un interrogatoire au siège de la mairie, à Tinkachin, actuelle école primaire et CEM d'Agraradj-Tamassit, ou, tout près, dans leur camion stationné sur la route. Le «tort» de Fetta, du village Agraradj, commune d'Aghribs (45 km au nord-est de Tizi Ouzou), était d'avoir épousé un combattant pour l'indépendance, qui avait entraîné toute sa fratrie, ses cousins et des villageois dans le sillage de la rébellion dès novembre 1954, en l'occurrence Bersi El Bachir, dit «Mohand Amokrane». Fetta, née en 1924, connaîtra, avec ses trois enfants (nés en 1946, 1951 et 1955), de fréquents embarquements nocturnes, sous la pluie, le vent ou la neige, en représailles à son «refus de convaincre son mari d'abandonner le maquis», tel que dicté par l'administration coloniale. Vivant dans de dures conditions sociales (manques d'habits et de nourriture), l'épouse du combattant et leurs enfants verront se répéter les supplices des embarquements nocturnes, chaque deux ou trois jours, à des moments choisis à dessein, dans l'espoir de surprendre à la maison le redoutable Bachir. Poursuivant ses représailles, l'armée française procédera encore au débuts de 1957, alors que la guerre de libération battait son plein, à la destruction, d'abord par bombardement au canon, depuis Agouni Ghezifene, puis par des incendies, de tous les biens de la famille. La maison des parents de Fetta connaîtra elle aussi une destruction par le feu. Par ces actes de destruction, l'armée française aura fait disparaître encore de précieux documents d'état civil (livret de famille et le carnet militaire de quatre années de mobilisation du père de Fetta pendant la Première Guerre mondiale, en l'occurrence Laoudia Mohand Lounès). C'est en conséquence des fumées inhalées, durant l'incendie de la maison parentale, que le petit Ramdane, fils de Fetta, âgé de 20 mois, finira par périr dans un terrible étouffement, alors qu'il était déjà affaibli par les coups de froid atroces. L'enfant était emmené lors des arrestations répétées, manu militari, à l'improviste, avec sa mère, souvent de nuit, sous des trombes de pluie ou de neige, et avec, comme habits, juste des gandouras en toile sur la peau, et les pieds nus. Ce fut avant la fin de l'année 1958 que Fetta, la maman, succombera elle aussi aux séquelles d'autres tortures, quelques semaines plus tard après la mort de son fils Ramdane. Deux de ses enfants, un garçon et une fille, survivront à la guerre. Ils connaîtront l'indépendance, sans père ni mère. Ils sont pupilles de la nation.