C'est inhabituel que l'armée américaine se mêle de politique et c'est également inhabituel qu'elle interpelle de manière aussi directe le pouvoir politique dans son ensemble. Elle est intervenue dans des débats liés à la poursuite de la guerre en Irak et en Afghanistan, se positionnant même dans ce dernier cas à l'idée d'ouvrir des négociations avec les talibans chassés du pouvoir en 2001, sans jamais quitter le terrain. C'est pourquoi, d'ailleurs, le nouveau président américain, Barack Obama, a placé l'Afghanistan en tête de ses priorités. Et en attendant le changement à la Maison-Blanche qui ne sera effectif que le 20 janvier, l'armée s'est laissée aller cette fois à des conseils. C'est ainsi que le chef d'état-major interarmées américain, l'amiral Michael Mullen, a mis en garde, lundi, contre la militarisation croissante de la politique étrangère des Etats-Unis, suggérant un soutien accru à une approche civile des problèmes sur la scène internationale. « Je pense que nous devrions montrer plus de volonté à briser ce cycle et à dire quand les forces armées ne constituent pas nécessairement le meilleur choix pour prendre la direction des opérations », a-t-il déclaré, lundi soir, devant le centre de réflexion Nixon Center. Ces vues rejoignent celles du secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, qui a lui-même appelé à plusieurs reprises à augmenter le budget de la diplomatie américaine et de l'aide au développement. Les propos de Michael Mullen interviennent au terme de deux mandats du président George W. Bush, au cours desquels les Etats-Unis se sont lancés dans deux guerres en Irak et en Afghanistan, qui ont épuisé ses forces armées. « Nos forces armées sont flexibles, bien financées, conçues pour prendre des risques » et « nous nous plions aux ordres des autorités civiles », explique le chef d'état-major. « Ainsi, quand nous sommes prêts à nous engager, comme nous le sommes d'habitude, nous recevons plus de ressources. Puis on nous demande d'en faire plus, etc. », poursuit-il. Or, « nous devons réassigner missions et moyens de sorte que notre armée soit placée à égalité avec d'autres au sein du gouvernement », recommande l'amiral. Le budget estimé du Pentagone pour l'année fiscale 2009 s'élève à environ 650 milliards de dollars, soit le plus gros poste budgétaire du gouvernement américain. A titre de comparaison, le budget 2008 du département d'Etat s'est élevé à 36,2 milliards. « Je veux pouvoir transférer des ressources à mes partenaires (du gouvernement) quand ils en ont besoin », et « pour commencer, ces partenaires devraient disposer des ressources nécessaires pour accomplir leur mission », souligne Michael Mullen. « Quand ils ont été sollicités, les membres de notre armée ont extrêmement bien rempli la mission d'ambassadeur. Mais à l'avenir, les ambassadeurs de la paix les plus efficaces ne seront pas ceux qui portent un uniforme ou des armes », conclut le chef d'état-major américain. Le message sera-t-il entendu par ceux à qui il est normalement destiné ? Plus que cela, se demandera t-on immanquablement, qu'est-ce qui motive une telle sortie dans un espace où chaque partie refuse de perdre ses prérogatives ? Le fait est effectivement nouveau, puisque l'armée US ne parle pas que de choses militaires.