Loin de retomber, l'affaire Benalla est en train de pourrir l'été d'Emmanuel Macron. Muré dans le silence et déboussolé, le président français n'a pas trouvé le bon moyen pour se sortir de ce scandale d'Etat. Revigorée, l'opposition de droite multiplie ses «assauts» en déposant une motion de censure contre le gouvernement, tandis que le mouvement les Insoumis demande à M. Macron de venir s'expliquer devant le Parlement. La pression ne retombe pas sur Emmanuel Macron. Confronté à sa première crise d'Etat depuis son accession au pouvoir en mai 2017, le président français est comme ce boxeur sonné par des coups imprévisibles venant de tous les côtés. Il n'arrive pas à s'extirper de l'engrenage dans lequel l'affaire Alexandre Benalla, son ancien garde du corps, l'a précipité. Loin de se dégonfler, le scandale prend chaque jour un peu plus de place dans le paysage politique français. L'audition, lundi dernier, du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, par une commission d'enquête de l'Assemblée nationale n'a pas permis d'éclairer les débats. Loin s'en faut. M. Collomb, en se défaussant, a indirectement enfoncé le palais de l'Elysée en indiquant qu'il «ne savait rien et qu'il ne connaissait pas Alexandre Benalla», quand bien même son ministère se trouve à 50 mètres à peine du palais de l'Elysée. Hier, c'était au tour de Patrick Strzoda, directeur du cabinet de M. Macron, d'être également entendu par la même commission. Lui aussi n'a pas pu apporter de nouveaux éléments susceptibles de répondre à certaines questions-clés, à savoir, qui a armé Alexandre Benalla ? Qui lui a donné l'autorisation de participer à une manifestation aux côtés des forces de l'ordre avec un brassard de sécurité rouge et, surtout, le plus important, pourquoi a-t-il assisté à des réunions le 2 et le 18 mai, alors qu'il était mis à pied, selon les dires de l'Elysée ? Et enfin comment est-il devenu un personnage majeur dans la galaxie Macron ? Des questions qui restent en suspens. Même la séance des «questions au gouvernement» d'hier n'a pas pu lever le voile. «On doit auditionner le président de la République» Remontée, l'opposition (de gauche comme de droite) a demandé au Premier ministre de venir personnellement s'expliquer devant les parlementaires. Certains députés réclament la démission de Gérard Collomb. D'autres du chef de cabinet d'Emmanuel Macron et de tous les autres chefs de la police française sous prétexte qu'ils ne savaient rien et n'étaient au courant de rien. Alors que le ministre de l'Intérieur devait être encore auditionné hier par le Sénat, d'autres auditions devraient avoir lieu aujourd'hui. On peut noter notamment celle de la directrice de l'Inspection générale de la Police nationale française, du directeur général de la Gendarmerie nationale et du directeur général de la police. Certains syndicats de police seront également entendus dans le cadre de la même affaire. Mais au-delà des auditions et des versions, estiment certains observateurs de la politique française, «l'affaire Benalla a bien montré comment le président Macron se comporte en monarque absolu, sous-estimant l'opposition, les institutions de la République française et n'en faisant qu'à sa tête». L'opposition, qui a fait de Benalla sa propre affaire, réclame l'audition d'Emmanuel Macron en personne. «On a passé deux heures et demie d'enfumage, de contournement, de non-réponses à nos questions. C'est indigne du point de vue du rôle que cette commission devait jouer», a dénoncé Alexis Corbière, député du mouvement les Insoumis de Mélenchon, à la sortie de l'audition de M. Collomb. «On doit auditionner le président de la République», a-t-il ajouté. Motion de censure contre le gouvernement De son côté, Jean-Luc Mélenchon a mis une pression supplémentaire sur le président français. «Il (Gérard Collomb, ndlr) ment. Il connaissait Benalla. Il n'y a pas eu d'enquête de la police nationale le 3 mai. Il ne savait rien, mais Macron sait tout. Il doit être auditionné», a-t-il demandé. L'ancien candidat du Parti socialiste à l'élection présidentielle de 2017, Benoît Hamon, pense que seul le Président est capable d'éclairer les lanternes du Parlement et des Français. «Il faut désormais que les commissions d'enquête à l'Assemblée et au Sénat convoquent le président de la République, parce qu'il détient la plupart des clefs de la vérité», a-t-il déclaré. Idem pour le parti Les Républicains (LR) qui a décidé de déposer une «motion de censure» contre le gouvernement afin de le contraindre à s'expliquer sérieusement devant la représentation nationale. Outrés et choqués, les Français suivent ce feuilleton d'été depuis leurs lieux de vacances avec dégoût. Sur les réseaux sociaux, on se demande «comment tout cela a été possible» et comment un homme de 26 ans, un Marocain sans instruction ni diplôme, a pu gravir ainsi les échelons de la République jusqu'à devenir l'un des collaborateurs les plus proches du président français ? D'autres pensent malicieusement que cet Alexandre Benalla détiendrait peut-être des preuves compromettantes contre Emmanuel Macron. Ce dernier qui a chuté à nouveau dans les sondages (32% soutiennent son action contre 60%) pourrait sacrifier son directeur de cabinet Patrick Strzoda, qui semble vouloir endosser toute la responsabilité de ce scandale politique à la française. Agé de 66 ans, il devrait partir à la retraite en octobre prochain. Mais est-ce que cela mettra fin au scandale ? Pas sûr...