Un garde rapproché devenu encombrant Les violences contre deux jeunes gens, le 1er mai, en compagnie de Vincent Crase, réserviste de la gendarmerie comme lui, employé par le parti présidentiel La République en marche, sont ainsi passées au second plan des griefs brandis par les ténors de l'opposition. L'affaire Benalla va de rebondissement en rebondissement et la justice française a franchi une étape hier, avec la mise en examen du désormais ex-chargé de mission au cabinet du président de la République, Emmanuel Macron. Alexandre Benalla est en effet inculpé pour des faits de «violences en réunion» et «immixtion dans l'exercice d'une fonction publique» par un juge d'instruction en charge de l'enquête proprement judiciaire. Mais la polémique est davantage nourrie par les découvertes qui se suivent, selon lesquels le mis en cause aurait continué à exercer son action, malgré une sanction prise par le chef de cabinet du président Macron, au lendemain des actes de violences à l'encontre non pas d'un, mais de deux manifestants, l'une étant une jeune femme. Frappé, très discrètement, d'une mise à pied de quinze jours, avec retenue de salaire, et surtout affecté à une autre tâche plus «administrative» que celle de chargé de la protection d'Emmanuel Macron, le chef-adjoint du cabinet, M. Benalla, a signé sa présence lors de la cérémonie d'entrée au Panthéon de Simone Veil puis dans le bus impérial de l'équipe de France, rentrée victorieuse du Mondial de football en Russie. Preuve que la déclaration du porte-parole de l'Elysée affirmant qu'il avait été mis fin à sa fonction de responsable de la sécurité du président est, pour le moins, erronée puisqu'on le découvre sur les images des vacances du couple présidentiel à Giverny, le 13 juillet dernier. Car la mise à pied n'aura été que formelle et son salaire n'en a pas subi le moindre effet. Cerise sur le gâteau, il a bénéficié tout récemment d'un appartement de fonction au Quai Branly, dans les dépendances de l'Elysée, d'un véhicule de service avec chauffeur et gyrophare et, enfin, pour clore le chapitre des avantages qui fâchent tant dans l'opposition que dans les rangs même de la République en marche, d'un sésame inexpliqué qui lui permettait d'entrer et de sortir, comme bon lui semble, dans les locaux de l'Assemblée nationale. C'est d'ailleurs la dernière goutte qui a fait déborder le vase! Les violences contre deux jeunes gens, le 1er mai, en compagnie de Vincent Crase, réserviste de la gendarmerie comme lui, employé par le parti présidentiel La République en marche, sont ainsi passées au second plan des griefs brandis par les ténors de l'opposition, notamment ceux de La France Insoumise et du Rassemblement national de Marine Le Pen. Celle-ci a d'ailleurs eu, hier, une altercation sévère avec un des barons de la République en marche, M. Christophe Castaner. Filmés, munis de casques et de badges officiels, en train de tabasser et malmener les deux manifestants, le jour de la Fête du travail à Paris, alors qu'ils accompagnaient les forces de l'ordre en qualité d'»observateurs», MM Benalla et Crase ne sont pas seuls à intéresser la justice. Trois policiers hauts gradés, soupçonnés d'avoir transmis à M. Benalla des images de vidéosurveillance, ont été également déférés devant le juge d'instruction et mis en examen tandis que les deux manifestants molestés par MM Benalla et Crase le 1er mai ont finalement été retrouvés par les enquêteurs et ont demandé à être entendus sur les voies de fait dont ils ont été victimes. Mais qui est, direz-vous, cet Alexandre - là? M. Benalla, d'origine marocaine, a été introduit au Parti socialiste par l'ancienne ministre de la justice, Najet Vallaud-Belkacem. Il a fait ses armes dans le service de sécurité du parti puis, volant de ses propres ailes, il a approché le jeune Macron pour devenir, avec son agence de vigiles, un proche parmi les proches du candidat à la présidence de la République. La boucle était bouclée pour un homme aux dents longues et dont certaines rumeurs évoquent des attaches particulières avec des services de renseignements étrangers. Ce qui est le plus étrange dans cette affaire, c'est bien sûr le silence du président Emmanuel Macron, confronté à la crise politique la plus grave depuis son arrivée à l'Elysée, en mai 2017! A se demander, comme l'a fait ouvertement Jean-Luc Mélenchon, au nom de La France Insoumise, si lui et son parti ont «quelque chose à cacher». Comme à son habitude, Mélenchon n'a pas été avec le dos de la cuillère, parlant d'un «Watergate à la française». Seuls, les porte-parole de La REM et du Modem tentent de relativiser les choses et de justifier le «silence» jupitérien» du chef de l'Etat, au motif que des propos avant les «résultats» des enquêtes lui seraient autant, sinon plus, reprochés. La commission des lois de l'Assemblée qui s'est investie de prérogatives d'enquêtes, a entendu hier le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, lui aussi accusé de «mensonges» devant le Sénat, la chambre haute du Parlement bicaméral français. Collomb a été mis sur le grill et le déjeuner de crise qui eut lieu samedi dernier entre lui, sa collègue de la justice Nicole Belloubet et le président Macron n'aura pas suffi à anticiper la bourrasque, le gouvernement ayant par contre jugé préférable de suspendre l'examen du projet de révision constitutionnel jusqu'à nouvel ordre. On se demande pourquoi! Voilà cinq jours que l'Assemblée est le théâtre de joutes verbales acerbes et parfois violentes autour de ce que le chef de file des députés Républicains, Christian Jacob, appelle «l'affaire Macron-Benalla» tandis que les groupes de l'opposition, toutes tendances confondues, maintiennent l'exigence de la venue du Premier ministre Edouad Philippe pour «s'expliquer» par-devant eux. Comme dans les meilleurs feuilletons d'amour, gloire et beauté, l'étrange affaire Benalla n'a pas encore révélé tous ses secrets.