Décidément, la culture n'a pas sa place dans le pays. Elle est tellement crainte que ses ennemis l'accusent de tous les maux. Cette phobie sciemment développée découle du pouvoir de l'homme cultivé à déjouer les manipulations hégémoniques des pensées rétrogrades. Une personne sans culture est un être sans personnalité. Et le pouvoir politique n'a eu de cesse de manipuler selon ses convenances l'identité de l'Algérien dans toutes ses composantes historique, culturelle et même religieuse. Il voulait en faire un être faible, maîtrisable à souhait. Un être incapable d'imposer sa présence dans la société et jouir de tous ses droits. Cette manœuvre de déculturation de l'Algérien n'est plus la chasse gardée des seuls tenants du pouvoir politique. Bien des émules s'emparent du stratagème pour bloquer tout sursaut de la société. Aucun signe de vie ou de joie ne doit être toléré, car il risque de se propager au point de réveiller les consciences en profonde hibernation. L'actualité de ces derniers jours foisonne de cet état d'esprit rétrograde. Nous citons l'arrêt de la projection d'un film dans la salle Ibn Zeydoun au Palais de la culture. Rapidement, la haute autorité du secteur trouve l'infinitésimal défaut d'adaptation de matériel de projection requis dans les salles de cinéma pour mieux cacher les véritables raisons de l'interruption du spectacle. A Ouargla, dans le sud du pays, des individus ont fait annuler un spectacle artistique en improvisant une grande prière sur les lieux, mais en prenant soin de s'incruster, sournoisement, dans les revendications légitimes de la population locale qui demande les mêmes privilèges que les villes du Nord. Malheureusement, les idées rétrogrades enrobées de revendications sociales, de puritanisme ou même d'écologie sonore ont atteint les quatre points cardinaux du pays. Car il se trouve que la ville balnéaire et de la science vient d'annuler un spectacle artistique pour des raisons de décibels ! Les oreilles d'une certaine population de Boumerdès ne supportent pas le tapage nocturne, même s'il s'agit de douce musique. Et des menaces pèsent déjà sur l'organisation du 10e Festival de la chanson raï, prévu début août à Sidi Bel Abbès. Conséquemment à ce travail de sape entretenu avec la complicité des dirigeants de la destinée du peuple, les prémices d'un esprit rétrograde et sclérosé refont surface à travers le comportement de beaucoup de citoyens. Sur les plages, on constate qu'en plus du barbotage en hidjab et parfois même en djilbab, un «parasol islamique» improvisé en forme de yourte asiatique se propage sur le sable d'été, pour mieux préserver l'honneur de la famille dit-on ! Mais les plus cocasses de ces hantises d'un autre âge sont celles avouées par des officiels chargés de la lutte récente contre le moustique tigre ou le ravalement des façades de bâtiments. Ils mentionnent dans leurs rapports que les chefs de famille refusent l'accès à leur domicile aux équipes techniques chargées des opérations d'utilité publique sous prétexte de la «horma» !