Le rectorat de l'université Mohamed Khider de Biskra vient de donner son aval pour un projet de recherche appelé «Science-Link Maghreb-Afrique sub-saharienne et changements climatiques», impliquant la mise en synergie de différents acteurs : scientifiques, politiques, économiques, industriels et éducateurs. Le projet en question a pour objectifs de contribuer à la réduction de la fracture numérique, de promouvoir le développement et le renforcement des collaborations scientifiques entre le Maghreb, l'Afrique subsaharienne et l'Europe, notamment la France, en matière de recherches multi et transdisciplinaires sur les littératies numériques, de constituer un réseau de chercheurs multidisciplinaires, de comprendre et analyser les différentes représentations interculturelles du monde et des changements climatiques à l'ère de la mondialisation, de décortiquer les effets des modifications climatiques sur les migrations et d'assimiler les conceptualisations nouvelles de la notion d'identité et aussi de passer en revue les effets de la mondialisation sur les conceptions juridiques du droit international. Fort ambitieux, ce projet s'appuyant sur les travaux de chercheurs du Maghreb et d'Afrique subsaharienne et de France s'inscrit dans une dynamique de création d'un espace de collaboration et de créativité en faveur de la recherche sur la construction des connaissances scientifiques et de la lutte contre le réchauffement de la planète. «Ce projet, conduit par des chercheurs du Maghreb, d'Afrique subsaharienne et de France vise à renforcer les prises de conscience et les synergies et à les orienter vers un nouvel humanisme capable de construire une société numérique équitable,», expliquent ses concepteurs. Renforcer les synergies Les travaux sur le numérique constituent un atout précieux et rendent possibles la conception et la mise en place de stratégies efficaces de développement scientifique à la base de la construction de la société de la connaissance et des nouveaux enjeux planétaires. Ces recherches rendent en effet possible la conception de nouvelles dynamiques de transition vers une innovation responsable, capable de maîtriser la société mondialisée et de faire face aux nouveaux défis et, en particulier, au réchauffement climatique, facteur d'inégalités entre les peuples et cause de graves menaces pour l'homme et la planète. L'apprentissage numérique des connaissances scientifiques en contexte plurilingue constitue un nouveau paradigme de recherche et un défi pour l'organisation et le fonctionnement des systèmes éducatifs et pour les conceptions nouvelles de l'apprentissage. Dans ce contexte, les conceptions et les pratiques pédagogiques ne peuvent se penser et se concevoir que de façon interdisciplinaire et elles nécessitent une analyse des contextes linguistiques et culturels, note-t-on. Les espaces numériques et internet sont très peu investis par les pays africains. Moins de 5% des contenus internet viennent de l'Afrique pour un continent qui compte 1,216 milliard d'habitants. L'accès à internet en 2017 reste faible avec un taux de pénétration de 28,3%, correspondant à 9,4% des utilisateurs dans le monde. C'est pourquoi ces recherches nouvelles sur les «digital humanities» qui s'inscrivent dans un «humanisme numérique» et une nouvelle vision du monde imposent que l'école et les systèmes éducatifs soient préparés à penser ces bouleversements en termes d'apprentissage-enseignement. Les écoles sont ainsi tenues de développer de façon interdisciplinaire le raisonnement scientifique et les projets scientifiques à la base de l'éducation aux changements climatiques, car «enseigner aujourd'hui dans ce contexte de globalisation nécessite d'être capable d'analyser et de comprendre ces défis et donc de s'adapter aux bouleversements multiples qui touchent à la fois les individus et leurs identités plurielles et les sociétés confrontées à la globalisation et aux changements climatiques», précise-t-on. Des scientifiques isolés Le numérique est certes un produit occidental, mais il est une réalité globale. Les modèles qui sous-tendent son fonctionnement sont tous ou presque dérivés de l'expérience occidentale. L'attractivité de l'Afrique se traduit aujourd'hui par sa présence dans les organisations internationales. «L'Afrique est un continent aux multiples potentiels. Pour les libérer, l'éducation, la science et la recherche, véritables moteurs du développement des sociétés, sont incontournables», dit Johanna Wanka, Or, les scientifiques sur le continent africain, bien qu'ils aient reçu pour certains des formations de haut niveau dans des universités occidentales, notamment en France, se retrouvent très souvent isolés de la communauté scientifique internationale à leur retour dans leur pays. Ce programme vise justement à réhabiliter leurs expertises et à leur offrir une tribune d'expression. La nécessité de «repenser les cultures africaines dans le champ de la rationalité scientifique» s'impose, mais, en même temps, oblige à s'interroger sur le modèle de mondialisation des savoirs à construire «en octroyant une place aux acteurs de la science situés dans des contextes culturels différents», ambitionne-t-on. Ces choix conduisent à établir de nouveaux liens entre le numérique, l'interculturel et les sciences, l'anthropologie et la toponymie cognitive, la science, la philosophie, l'éthique et les différentes composantes de la culture.