Une nouvelle langue en train de naître dans le sillage d'Internet… C'est à Mostaganem, en décembre (du 6 au 8), qu'aura lieu cette rencontre internationale dont le titre complet ne semble pas avoir été inspiré du style laconique des SMS : «La cyberlougha : plurilinguisme, contact des langues et nouvelles formes d'expression linguistiques au Maghreb». C'est qu'il faut bien des mots et des idées pour analyser ce nouveau langage porté par une grande majorité de la population, soit la jeunesse, mais aussi, de plus en plus, par d'autres tranches d'âges et groupes sociaux. Mais avant d'être porté, ce langage est inventé au rythme hyper rapide des nouvelles communications. Son élaboration progressive recourt à des trésors d'imagination et de créativité. Pour se pencher sur cette nouvelle «lougha» (langue) qui a tout l'avenir devant elle, une vaste mobilisation des spécialistes et des structures de recherche a été engagée. Ainsi, le colloque est organisé par le Laboratoire «Environnement linguistique et usages du français en Algérie» Elilaf/486, la Faculté des Lettres et des Arts de l'Université Ibn Badis-Mostaganem, en collaboration avec le Remate (Réseau Maghrébin des Technolectes), domicilié à la Faculté des Lettres et des sciences humaines de Kénitra (Maroc). Au moins cinq instituts et centres de recherche en Algérie ont déjà donné leur aval à ce projet et plusieurs spécialistes au Maghreb et dans le monde ont manifesté le vœu d'y participer. Le préambule du document de présentation montre toute l'étendue et l'intérêt de ce nouveau domaine d'étude. Il affirme en effet : «Les nouvelles formes d'expression linguistique, induites par l'usage des technologies de l'information et la communication (internet, téléphonie mobile, tablettes, informatique…), issues des productions langagières ou des langues spécialisées (Lerat,1995), ou carrément des technolectes (Messaoudi, 2010), sous leurs déclinaisons savantes ou celles contenues dans le champ de la communication sociale courante, sont à la fois des domaines qui fascinent des locuteurs et en ‘‘déconnectent'' d'autres. Elles mettent en jeu des dynamiques intergénérationnelles et des contacts inter-linguistiques dans leurs dimensions culturelles et interculturelles les plus fécondes.» L'univers d'Internet (réseaux sociaux, forums, noms de domaines, adresses e-mail…) et celui de la téléphonie mobile (SMS notamment) forment aujourd'hui un immense laboratoire linguistique, attestant que chaque media est poussé à développer non seulement ses modalités d'échange, mais également ses propres pratiques langagières. Ce phénomène est mondial et dans chaque aire géoculturelle il a pris les formes qui correspondent à son contexte avec des constantes internationales. Mais s'il a commencé à être étudié un peu partout dans le monde, il demeure en Algérie et au Maghreb limité au constat, étant rarement analysé alors que la richesse et la dynamique linguistique y sont remarquables. Le même document précise la paternité de l'adaptation du terme «cyberlangue» en «cyberlougha» qui revient au sociologue algérien Hadj Miliani. Ce sera la première fois que les linguistes, sociolinguistes et autres chercheurs concernés par la langue se pencheront sur ce domaine. Ils pourront atteindre à travers celui-ci de nombreuses questions. L'une d'elle, particulièrement importante, concerne les rapports entre les langues. La langue du numérique se présente comme un compromis permanent entre les langues maternelles (diverses formes d'arabe dialectal et de tamazight) et les langues étrangères, en premier lieu le français, s'agissant du Maghreb, sans oublier l'arabe classique ou scolaire qui trouve aussi des utilisations dans ce cadre. Pour les promoteurs du projet, nous assistons à une énorme mutation : «Ce type de traitement de la donne linguistique inféré par les nouvelles technologies est en train de bouleverser la configuration linguistique et sociolinguistique des pays du Maghreb». Ils souhaitent donc n'en perdre aucun aspect, et ce, dans l'esprit du colloque qui aura une «dimension empirique en priorité». Il s'agit, en quelque sorte, de planter le décor de cette cyberlougha. Le colloque s'articulera autour d'une plénière consacrée essentiellement aux approches de terrain, tandis que des ateliers répondront à divers besoins d'analyse et de méthodologie : corpus des SMS, MMS et leurs néographies ; sémio-graphies et signes ; productivité linguistique et contraintes matérielles des supports d'écriture ; langage des forums et réseaux sociaux, blogs, etc. D'ores et déjà, ce colloque s'annonce comme un moment particulièrement important par sa thématique, mais également par l'exemple qu'il apporte d'une jonction intelligente et vivante entre la recherche scientifique et l'évolution de la société. Contact et réception des propositions : ([email protected]). La date butoir d'envoi des propositions est fixée au 30 mai prochain.