Agouni Gueghrane Le village natal de Slimane Azem, dans la daïra des Ouadhias, à 40 kilomètres de Tizi Ouzou, où sera donné de coup d'envoi du centenaire de la légende de la chanson de l'exil et de la nostalgie. En effet, la célébration sera lancée par une semaine culturelle prévue à partir du mardi 28 août jusqu'au 1er septembre, au chef-lieu de la commune d'Agouni Gueghrane. Poésie, expositions, concerts, conférences, représentations théâtrales, témoignages... Ces activités porteront essentiellement sur des tables rondes et des témoignages sur l'itinéraire artistique du chanteur. Berbère Arab Aknin témoigne dans sa contribution : «L'année 1967 connaîtra deux événements majeurs : La création de l'Académie berbère en France et la guerre au Moyen Orient entre les Arabes et Israël. A la création de l'Académie berbère, les trois chanteurs Slimane Azem, Farid Ali et Taoues Amrouche joueront le rôle de cheville ouvrière du projet aux côtés de Bessaoud Mohand Arab, Abdelkader Rahmani, Mohamed Arkoun, Hannouz, etc. Tous les trois subiront l'ostracisme du pouvoir algérien durant toute leur vie. Je dois préciser que jusqu'à cette période, les chansons de Slimane Azem passaient normalement et régulièrement sur les ondes de la chaîne kabyle et ses disques 45 tours se vendaient normalement chez les disquaires en Algérie.» Cheikh Noureddine Les inséparables. Il avait consacré la dernière décennie de sa vie à travailler avec le défunt Cheikh Noureddine à la composition de petites comédies musicales. Tamghrth t slit, Encore à boire a Madame, Taqsit n l fil… autant de comédies et de sketches qui ont bercé toute une génération. Des thèmes immortels. Disque d'or Il recevra de M. Minichin, PDG de IME-Pathé Marconi, un disque d'or pour avoir vendu un très grand nombre de disques. De 1967 jusqu'au 1970, Slimane Azem a une popularité inestimable en dépit de la décision d'interdiction à l'antenne de la télévision algérienne. Exil Particulièrement connu pour ses chanson sur l'exil, lui qui a vécu toute sa vie en exil. Il a été même enterré à Moissac, en France. Ses textes sur l'exil sont immortels. Comme le chant nostalgique Effegh a yajrad tamurtiw et Ddunit. A ce jour, en Algérie, aucune structure ni édifice ne porte son nom. Famille C'est une famille de poètes. Son aïeul Sayd U Lamara (Azem Saïd) qui a vécu au XIXe siècle était connu pour être à la fois un poète et un amousnaw (savant). Lhadj Ammar Busad, décédé en 1974, était aussi connu comme un détenteur du savoir social et poète. Du côté de sa mère, son oncle Beddek Belaid, décédé dans les années 1960, était également connu pour être un poète qui a vécu toute sa vie au village, mais en marge de la collectivité. Génération Nombreuses — si ce n'est toutes — sont les chansons de Azem ont marqué une génération. Que ce soient la revendication anticoloniale ou celles liées à la vie, l'exil, l'amour et la cause berbère. Des années plus tard, l'œuvre est restée immortelle avec les reprises par une nouvelle génération de chanteurs. Une œuvre qui passe d'une génération à une autre. Hommage En dehors de cet hommage, nombreux sont les chanteurs qui se sont ressourcés à l'œuvre de Slimane Azem et ont repris ses musiques et ses poèmes. Le dernier était Mohamed Alloua, en reprenant le titre interdit Amekh anili Labe. Matoub lui avait rendu hommage plusieurs fois à travers des reprises comme Afegh Aya Jrah Tamurti-w (criquet sors de ma terre) ou Ami Slimène Iyad Masududh, en 1983, ou A Muh A Muh… Khechini Ruh Nekki-Adhekima-gh de Lounis Ait Menguelet raconte la rencontre entre deux artistes où Slimane Azem refuse de rentrer en Algérie. Brahim Izri et d'autres ont aussi rendu des hommages à travers leurs œuvres à ce monument. Indépendance Idhahr-ed waggur, une chanson ou il dit «la lune apparaît suivie de l'étoile», chantée en 1962 à l'occasion de l'indépendance de l'Algérie. Ici il parle du drapeau algérien et des couleurs nationales. Allusion faite à l'indépendance. Le chanteur a évoqué la Révolution, l'indépendance, la patrie, mais cela ne l'a pas empêché d'être la cible de virulentes rumeurs qui faisaient état d'un «traître». De mauvaises interprétations de ses chansons ont fait que Slimane Azem a été taxé à tort. Comme la chanson 19 dhi mars iwdhd ticuk (19 mars, le coucou arrive), a peine une allusion à l'armée de frontières. Mais pour ceux qui décortiquent et analysent ses chanson, à aucun moment le chanteur n'a pas été solidaire avec la Révolution. Il continuait d'ailleurs, comme tous les Algériens établis à l'étranger, de courtiser pour le FLN. Janvier Le 28 janvier 1983, le chanteur décède en France après une longue maladie. Le 31 janvier, il est enterré en terre française, lui qui a toujours rêvé d'être inhumé dans le Djurdjura. Une année auparavant, il avait fait ses adieux à l'Olympia. Kabyle Il a chanté en arabe, mais son art était exclusivement dédié à la défense de l'identité kabyle. La génération montante de Azem à l'époque a fait le serment de porter, chacun à sa manière, l'art de la chanson poétique kabyle. Dans les années 70, Slimane Azem orienta son chant vers le combat identitaire et ne cessa de caricaturer l'attitude des dirigeants de l'Algérie nouvelle. Légende C'est une légende de l'exil. Lui qui a côtoyé très jeune les frissons de l'exil et la nostalgie de sa Kabylie natale en atterrissant en France en 1937. Il commence ses chants par des textes sur l'immigration, pour enchaîner ensuite un riche répertoire d'un demi-siècle avec une centaine de mélodies. Matoub Lounès Le centenaire de Slimane Azem sera dédié à la légende de la chanson kabyle Matoub Lounès en hommage à la relation spéciale qui unissait les deux artistes. D'ailleurs, une virée des organisateurs est prévue vers le village natal de Lounès, Taourirt Moussa, pour y déposer une gerbe de fleurs et se recueillir sur sa tombe, et ce, juste après l'ouverture de l'événement. Négligence Le projet de rapatriement des ossements du chanteur, tant souhaité par sa famille, n'a toujours pas vu le jour. La famille Azem souhaite un rapatriement citoyen à la hauteur de la grandeur du poète Slimane Azem. Le projet de son rapatriement a été initié en 1990 par le chanteur Ferhat Mehenni, durant le Festival culturel Slimane-Azem qui a eu lieu dans la commune d'Agouni Gueghrane. Ostracisme Quiconque écoute Slimane Azem ne peut ne pas parler de l'ostracisme dont a été victime ce poète. Il a apporté une contribution inestimable à la culture berbère et algérienne. En 1967, le nom de Slimane Azem a été ajouté au manuscrit des personnalités interdites d'antenne (avec Enrico Macias, Johnny Halliday...) établi par les autorités algériennes. Depuis, l'artiste a été interdit d'antenne à la radio et de diffusion en Algérie. Dans une interview de Slimane Azem datant de 1977, rendue publique post mortem, à une question sur le pourquoi de l'ostracisme des autorités algériennes à son égard, il a répondu : «La seule vraie raison, c'est que je chante dans ma langue et que je refuse de me soumettre. Ils veulent faire de moi ce colis transportable à merci. Je n'en ai ni la personnalité ni la vocation.» Traitant de la censure dont il a été objet de la part du pouvoir algérien, il disait : «Les pouvoirs algériens de l'époque n'ont pas censuré Slimane Azem, mais plutôt la culture kabyle […] si c'était moi qu'on visait, j'aurais été facile à atteindre pour eux […] d'autres plus importants que moi ont été atteints.» Poésie Il était poète, auteur-compositeur et interprète. Un talent découvert par le chansonnier, comédien et auteur-compositeur Mohamed El Kamel, lorsqu'il interprétait ses premières chansons dans un café, dont il tenait la gérance dans le 15e arrondissement de Paris. Poète de son époque, Slimane Azem a marqué toute une génération. Un parcours exceptionnel. Il était le témoin de son époque qui a le plus marqué l'histoire. C'est une relation fusionnelle avec sa société et particulièrement avec son public. Ses chansons deviennent des proverbes. Il est alors une légende. Quatorzième arrondissement de Paris Si en Algérie, aucun édifice ni structure publique ne porte le nom de Slimane Azem, ailleurs, si. En France, par exemple, une placette porte le nom du poète et interprète berbère depuis 2014. La place est située dans le 14e, près de la place de Catalogne, au pied de l'église Notre-Dame-du-Travail, sur la rue Vercingétorix. Rachid Mérabet Réalisateur du documentaire Slimane Azem, une légende de l'exil. Le travail a été finalisé en 2011. Plusieurs travaux de recherches ont été effectués depuis sur le chanteur. Dans un entretien accordé à El Watan Week-end en juillet 2011, il affirme : «Quand J'ai commencé mon travail de recherche au début des années 2000, il n'y avait rien ou ceux qui avaient des documents les gardaient comme un trésor personnel qu'ils ne savaient pas valoriser. Le travail universitaire de traduction de Youcef Nacib m'a permis d'accéder en français à l'œuvre de Slimane Azem. Faire ce documentaire a été un honneur et m'a rempli du sentiment du devoir accompli.» Si Mohand Ou M'hand le père et le poète de la pensée libertaire en Kabylie. Si Mohand Ou M'hand a été la muse des plus grands poètes kabyles contemporains, ses textes ont été interprétés par de nombreux chanteurs de l'exil tels Slimane Azem, Hnifa, Zerrouk Allaoua.... Avec A moh A Moh ou encore Si Moh O M'hand aoui-kid yeran (Si Moh O M'hand si on pouvait te ressusciter, nldr), l'œuvre artistique de Slimane Azem s'inscrit dans la continuité historique de celle de Si Mohand Ou Mohand. Tabous C'est un chanteur qui a simplement cassé les tabous de l'époque. Arab Aknine relève dans une contribution publiée par El Watan en janvier 2017, l'importance de reconstituer le contexte sociopolitique dans lequel le poète Slimane Azem a vécu et émergé. Il disait : «Il est aussi essentiel que la place du chant et de la musique en général, érigés en tabous dans la société, soit restituée dans ce contexte. Non seulement le génie de Slimane Azem a réussi à contourner l'obstacle des tabous, mais il a pu en plus obtenir de la société la dérogation de traiter en public des thèmes aussi tabous que la séparation et l'amour, la musique, l'alcool, la perversion… sans subir la réaction inexorable de l'excommunication. Là, la similitude avec Si Mohand ou M'hand est à relever, car avant Slimane Azem, il a, lui aussi, dérogé à la loi intangible des tabous et aux règles inflexibles de pudeur dans la société.» Il a toujours dénoncé l'injustice et l'ambition des représentants du pouvoir algérien. Vigilance Le chanteur n'a pas échappé à la vigilance de l'administration coloniale à cause de ses chansons. On a dit de lui «prosélyte nationaliste dangereux». Il a été d'ailleurs interrogé sur sa chanson Afegh- ay ajrad tamurt-iw. Xaluta Propulsé par les conditions de la société, Slimane Azem sort Amek anili susta, une chanson politique engagée qui a été aussitôt interdite de diffusion à l'antenne. En 2017, le jeune Mohamed Allaoua a repris les paroles de ce titre avec un style de musique plus rythmé. Le jeune chanteur est depuis banni des radios et plateaux télé. Xef Teqbaylit yuli was Jusqu'à la fin de son parcours, Slimane Azem est resté fidèle à sa chanson libertaire. L'une de ces derniers titres, ghef Teqbaylit yuli was (ou sur la kabylité se lève le jour), a marqué avec acuité sa fidélité au genre de la poésie contestataire. Ce titre a été chanté à l'époque et en hommage au Printemps berbère. Zzux D Lmecmel Durant la décennie cinquante, une quarantaine de titres à thématique tirée des préocupations et conditions de la société ont été enregistrés par Slimane Azem, connaissant un franc succès tels D aghrib d aberani, Nettruhu nettughal, Ay afrux ifirelles, Zzman yexxerwed, Idher-d waggur, Ffegh ay ajrad tamurt-iw, Atas i sebregh, Idrimen, Yekfa laman, Ddunit tettghuru, Ketch d lmir, Berka-yi tissit n ccrab, Zzux d lmecmel, Ya Rebbi lmudebber, Akkagi i d-yeffegh lexbar et tant d'autres...