Dans le jargon des journalistes, l'actualité se dit « l'actu ». Une simple abréviation d'usage qui peut revêtir d'autres sens. L'actualité est hélas souvent celle des « actes » qui « tuent ». Mais elle peut être aussi un acte qui en tue d'autres. En effet, l'inévitable mise en avant d'un évènement en fait passer beaucoup d'autres à la trappe. Les gros titres deviennent ainsi les prédateurs de faits, sans doute moins spectaculaires, mais aux impacts parfois aussi profonds que les fracas de la une. Ainsi, tandis que l'armée israélienne abreuvait la terre de Ghaza de feu, de cendres et de sang et la terre entière, d'indignation et de colère, la Journée arabe de lutte contre l'analphabétisme, qui a lieu chaque année le 8 janvier, est passée inaperçue. Un fait compréhensible au regard de la tragédie qui se jouait en direct sur les écrans de télévision. Il n'est bien sûr pas question de comparer mais, à bien y regarder, l'analphabétisme est aussi une tragédie. Silencieuse, invisible, incolore, inodore, elle compte selon les derniers chiffres de l'Alesco (organisation arabe pour l'éducation, la culture et les sciences) près de 100 millions de victimes, soit le tiers de la population du monde arabe ! Si elle ne touche que les personnes au-delà de 15 ans - ce qui est le seul espoir d'une future résorption - elle frappe quand même près de 75 millions d'individus de 16 à 45 ans. Et, pire encore, une femme arabe sur deux ne sait ni lire ni écrire. L'Algérie, pour sa part, occupe une honteuse quatrième place au palmarès de l'analphabétisme dans le monde arabe avec un Algérien sur cinq atteint par le phénomène. Depuis l'indépendance, nous n'avons pas réussi à éradiquer ce mal, et l'adoption, l'année dernière, par le Parlement d'une loi-stratégie, en dépit d'initiatives positives çà et là, ne s'est pas encore traduite par une mobilisation à la hauteur des enjeux. Aussi, l'Alesco « déplore que les nombreux efforts déployés à l'échelle du monde arabe pour venir à bout de l'analphabétisme n'aient pas donné les résultats escomptés ». Je déplore, tu déplores, il déplore… voilà un verbe qui ne souffre pas de désaffection dans le monde arabe. Peut-être faudrait-il décréter que l'analphabétisme est une maladie dangereuse ? On sait déjà que l'ignorance, cousine de l'obscurantisme, est contagieuse - plus que le savoir hélas -, et l'on pourrait la traiter comme une pandémie. Il existe aussi un analphabétisme au sein même des alphabétisés, cet « illettrisme » qui fait qu'un étudiant en fin d'études est incapable de rédiger convenablement une lettre, voire même de s'exprimer clairement. Et de nos jours, la non-maîtrise d'internet peut apparaître comme un nouvel analphabétisme. Mais que l'on commence au moins par mettre fin à l'odieuse et terrible condition de celui qui ne sait ni lire ni écrire. Faute d'en faire une maladie, qu'on en fasse une affaire d'honneur. Du nif à l'alif, les chemins du savoir sont peut-être plus courts.