Le Musée régional du moudjahid de Tizi Ouzou a organisé il y a quelques jours, en collaboration avec le comité du village Ibsekriene (Aghribs), une journée d'évocation du chahid Si Abdallah, de son vrai nom Maghni Mohamed Salah, capitaine de l'ALN dans la Wilaya III historique. Cette activité a consisté en un déplacement à Ibsekriene, un des villages de la commune des Aghribs (daïra d'Azeffoun), à 55 km au nord de Tizi Ouzou, pour entretenir la mémoire et rappeler le parcours du capitaine Si Abdallah, un des premiers «novembristes» de cette région, tombé au Champ d'honneur, les armes à la main, au village Ihnouchene (Azeffoun). «C'était le 22 août 1959, pendant l'inénarrable opération Jumelles du général Challe, qui avait entraîné la mort d'innombrables maquisards et résistants dans l'ex-Wilaya III. Parmi ces martyrs, Si Abdallah, qui fut nommé successivement, de décembre 1957 à juillet 1959, chef de la zone II, puis de la zone III dans la Wilaya III. Il avait 40 ans», témoigne un ancien moudjahid. Après le dépôt d'une gerbe de fleurs devant la stèle commémorative du village, inaugurée le 19 août 2013, sur le site dit «Timri n-Ddaâwa», à l'entrée d'Ibsekriene, les organisateurs ont profité de cette occasion pour visiter et se recueillir au niveau des maisons parentales de Si Abdallah Maghni et de Mourad Didouche, deux des héros originaires de cette localité, évacuée, puis détruite entièrement par l'armée française entre 1957 et 1958. Dans la visite de ces lieux inspirant paix et respect, les organisateurs ont été accompagnés par des moudjahidine, notamment Arezki Almansba, dit «Arezki Mira», Ali Amgoud d'Ath Gouaret (Fréha), Boussoualem Saâdi d'Azeffoun, Mohand Arezki d'Ahmil (Yakouren), ainsi que de l'ex-député FFS Mohand Arezki Ferrad (Iachouba). «Si Abdallah, comme son frère Si Sadek, d'ailleurs, était un des plus justes hommes, à la bonté entière, parmi les ‘‘novembristes'' de la région», disait souvent de lui Ou-Idir Ouheddad (Kaci) d'Agraradj, un autre ancien moudjahid, aujourd'hui décédé. Ce dernier avait l'habitude de rappeler, à chaque occasion, une anecdote qui l'avait marqué profondément et ayant trait à un sage d'Agraradj, Boudjema Ou-Smaïl, en l'occurrence, pris en flagrant délit de détenir du tabac à chiquer, alors que la Djebha avait formellement interdit aux citoyens de fumer ou de chiquer, une stratégie visant à affaiblir l'économie coloniale française, disait-on. Le vieux Boudjema Ou-Smaïl sera condamné au versement d'une amende de 10 000 francs, montant équivalent à 100 DA d'aujourd'hui. Somme très lourde à l'époque, «Dda Boudjema», comme tout le monde l'appelait par respect à son âge, fit part à Ou-Idir Ouheddad, le seul lettré du village parmi les moussebels de la djebha, chargé des cotisations et de l'établissement de rapports périodiques sous la responsabilité de Si Abdallah Maghni, de son impossibilité à honorer l'amende. Ou-Idir Ouheddad saisira ainsi son chef quant au désarroi de l'auteur du «délit», sachant qu'il ne possédait pas le moindre sou pour régler une telle somme. Il lui fera savoir qu'il a pu, avec ses propres fonds et quelques emprunts, collecter un montant de 5 000 francs, qu'il a l'intention de lui remettre, en attendant de procurer le reste, «avec ta permission», lui suggéra-t-il, tout en lui décrivant la dure situation sociale du «fautif». Si Abdallah, très sensible, mais ferme quant au règlement, lui dira alors : «Tu sais, Idir, nous ne pouvons, en aucun cas, déroger au règlement de la djebha. Mais j'essayerai de te ramener moi aussi les 5000 francs restants, ensuite tu verses la totalité de l'amende, sans fuite quant à la provenance de l'argent, et tu m'établis normalement un rapport comme d'habitude, en mettant en garde ce chef de famille pour la prochaine fois.» C'est dire les rares qualités, à la fois de clémence et de strict respect du règlement du Front de la part de ce révolutionnaire de la première heure et dont le charisme dépassait les frontières de la contrée des Ath Jennad et d'Ibehriene.