Les fortes pluies qui se sont abattues, mercredi dernier, sur la ville de Tébessa et ses environs n'ont pas été une aubaine pour la population. En un laps de temps très court, les quantités très importantes enregistrées ont été à l'origine d'une véritable catastrophe. Ce qui a provoqué le débordement de l'oued Nagues, le plus grand cours d'eau qui traverse la ville, avec toutes les conséquences désastreuses vécues surtout par les riverains, mais aussi par les habitants et les automobilistes de passage. Cinq jours après ce sinistre, des équipes de pompiers et de nettoyage s'affairent encore à dégager les déblais et autres objets charriés par les eaux à travers les rues boueuses de la partie basse de la ville de Tébessa, dévastée par les inondations. Les habitants des quartiers d'Oued Nagues, Diar Chouhada, du boulevard Houari Boumediene et autres continuent à nettoyer leurs maisons délabrées avec des moyens rudimentaires. Des tonnes de boue s'entassent encore dans les différents accès des lieux. Pratiquement toutes les routes ont été rouvertes à la circulation, entre autres la trémie de la route d'Annaba, qui s'est transformée en grande piscine. Il a fallu plus de trois jours aux équipes de la Protection civile pour pomper les importantes quantités d'eau. Le curage des caniveaux, des regards et des avaloirs des eaux pluviales se poursuivent toujours. La cellule de crise installée quelques heures après le sinistre est toujours fonctionnelle. Des sorties quotidiennes sont effectuées par les autorités locales pour venir en aide aux riverains dont les maisons ou magasins ont été ravagés. Une commission a été désignée par le wali de Tébessa pour recenser les réseaux des eaux usées et d'AEP défectueux dans les quartiers touchés par la montée des eaux. Un constat accablant Le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales, et de l'Aménagement du territoire, Noureddine Bedoui, avait dépêché vendredi dernier une commission en vue d'évaluer la situation qui prévaut dans la ville de Tébessa et évaluer les dégâts occasionnés, notamment dans la partie basse après le débordement d'Oued Nagues. Cette dernière a dressé un constat accablant mettant en avant la responsabilité des préposés, entre autres les services municipaux et ceux de l'hydraulique, mais aussi des citoyens, face à un phénomène qui risque de causer de sérieux problèmes dans cette partie de la ville. En parcourant en amont l'oued Nagues, tout le monde peut constater le sous-dimensionnement de la galerie sans prendre en compte le débit des eaux. L'entrée de l'oued a été partiellement obstruée par des gravats et des ordures ménagères. Les voisins parlaient également de décombres et de carcasses de voitures jetés dans le cours d'eau. Les maisons bâties sur la dalle couvrant l'oued ont rendu impossible l'accès à l'intérieur pour d'éventuelles opérations de nettoiement et d'entretien, du fait qu'elles ont été construites sur des puisards destinés à cet effet. «Il n'y a pas eu jusque-là un projet pour résoudre définitivement le problème de l'oued ; il y n'a eu que des petites opérations d'entretien et de curage», a fait savoir Slimane Zanagui, inspecteur général auprès du ministère de l'Hydraulique et des Ressources en eau. Pour sa part Abderrahman Sidini, inspecteur général du ministère de l'Intérieur, dira : «Les premières conclusions qui ressortent de cette visite est la nécessité d'élaborer une étude pour protéger cette ville contre les risques des inondations». Une catastrophe prévisible «C'était prévisible et par manque d'études préalables, approfondies et prospectives de ces quatre oueds qui traversent la ville, il faut s'attendre au pire», dira un urbaniste exerçant en France. Par manque de curage des caniveaux et les cours des oueds, dont deux avaient été dallés dans les années 1980 et qui ne sont pas accessibles aux opérations d'entretien, les conséquences les plus graves ne se sont pas fait attendre, et ce depuis plusieurs années dans la mesure où, chaque année, les Tébessis vivent un véritable cauchemar avec les premières pluies. Tout le monde se souvient des dégâts considérables causés en septembre 2015 à l'université de Tébessa où une partie de la clôture s'était effondrée suite aux crues d'Oued El Anba, ou encore en octobre 2009 quand les inondations qui avaient touché la ville avaient provoqué des dégâts énormes qui se chiffreraient à plusieurs centaines de milliards de centimes. Des citoyens sinistrés de plusieurs quartiers se sont adressés aux autorités locales pour intervenir et demander des comptes et des explications sur les projets réalisés jusque-là concernant notamment les réseaux d'assainissement des eaux usées. Leurs doléances sont restées lettre morte. Une situation qui a provoqué l'ire de ces derniers. Ainsi, avant-hier, les habitants de certains quartiers touchés par les inondations, à l'image de ceux de la Rocade et de Merdja, ont manifesté leur colère en bloquant l'axe routier devant l'hôtel Benousman menant vers le centre-ville, en utilisant des pierres et autres objets. Au quartier la Remonte, les voies de circulation sont submergées par les eaux usées, et ce, depuis plus de deux ans. Par manque de plan des réseaux au niveau des services techniques de la commune de Tébessa, les entreprises qui se sont succédé pour mener un projet de réhabilitation de ce réseau errent toujours pour trouver l'avaloir qui déborde et qui est caché sous terre. Une centaine de voitures ont été emportées par les crues. La plupart de ces véhicules ont été réformés. En se rapprochant des agences d'assurances, leurs propriétaires ont été surpris d'apprendre que leurs dossiers ne seront pas pris en charge, car les compagnies d'assurances en Algérie ne remboursent pas les catastrophes naturelles. «Je suis allé voir l'agence d'assurance, mais le chef d'antenne m'a expliqué que les assurances en Algérie ne remboursent que la grêle, chose que nous ignorons», s'est indigné Ammar, un sinistré. Ces victimes se trouvent dans l'expectative. Elles ont décidé de s'adresser aux hautes autorités de l'Etat pour prendre leurs revendications en considération.