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L'histoire est écrite par les vainqueurs mais l'histoire des vainqueurs n'est pas l'histoire qui finit, tôt ou tard, par reprendre ses droits Abdelmadjid Merdaci. Sociologue, historien et auteur
Abdelmadjid Merdaci est professeur des universités, sociologue, historien, auteur de plusieurs ouvrages dont le Dictionnaire des musiques citadines de Constantine. Il signe régulièrement des contributions sur l'histoire du nationalisme algérien et sur l'histoire de la guerre d'indépendance. “GPRA. Un mandat historique. 19 septembre 1958-3 août 1962″. Un nouvel ouvrage vient d'apparaître à l'occasion du 60e anniversaire de la création du GPRA. Il est édité chez les éditions du Champ libre. Il est signé Abdelmadjid Merdaci. Une vente-dédicace est organisée demain à la librairie du Tiers-Monde à partir de 14h.
L'ouvrage relève une singularité dans la direction de la guerre de libération. Pouvez-vous revenir aujourd'hui sur les effets durables de la formation du GPRA ? La formation du GPRA constitue une rupture dans le mode de direction du FLN et de la lutte de libération nationale dont l'un des effets majeurs, du fait de la reconnaissance internationale, aura été de changer la nature du conflit. Dans sa première déclaration en qualité de président du GPRA, Ferhat Abbas n'avait pas manqué de relever que l'événement marquait la restauration d'un Etat violenté par la colonisation. En fait, il convient de rappeler que l'idée de constituer la direction du FLN en gouvernement avait été suggérée au CCE dès février 1957 par Hocine Aït Ahmed et il est notable que sa formation ait été aussi une manière de transgression des attributions du CNRA seul compétent statutairement en matière de désignation de l'exécutif du FLN. Le CCE, issu de la réunion du CNRA du Caire en août 1957, s'est de fait autoérigé en gouvernement et avait mis en place dès avril 1958 les instruments – les départements – qui allaient être promus en ministères. Il faut aussi appeler l'attention sur tous les travaux préparatoires de la constitution du GPRA qui fut en fait acquise dès le 9 septembre 1958. Vous avez qualifié cette période d'un mandat historique… Le mandat du GPRA est historique d'abord par sa durée – quatre années – comparativement aux premières directions du FLN. On peut aussi le considérer ainsi qu'il aura été à l'œuvre dans la conclusion de la lutte armée et la concrétisation des objectifs fixés par la proclamation du 1er novembre. Le GPRA aura eu à gérer l'une des séquences les plus dures et les plus complexes de la guerre de libération avec, en particulier, les violences sans précédent des opérations Challe contre les maquis de l'ALN d'une part et la montée en puissance des divergences et des appétits de pouvoir au sein du Front d'autre part. En dépit de cela, le GPRA n'avait pas rompu et avait su obtenir l'adhésion progressive de l'opinion algérienne. Vous dites dans votre introduction du livre que la réflexion aura pleinement atteint ses objectifs si elle ouvrait droit, aussi peu que ce soit, à l'histoire d'une guerre d'indépendance dense, complexe dont le GPRA fut aussi l'acteur incontournable. Que voulez-vous dire ? En me lançant dans le projet d'écriture de cet ouvrage, j'ai pu faire le constat que le GPRA subissait encore un ostracisme éditorial qui renvoie aussi à la censure dont il fut l'objet dans l'espace public national. La crise de l'été 1962 relève aujourd'hui du seul champ de l'histoire et rien ne peut justifier que des acteurs éminents, comme Abbas, Krim, Boussouf ou Benkhedda, pour ne citer que ceux-là, soient encore assignés à l'oubli quand ce n'est pas au procès en sorcellerie. Soixante années après sa création, que reste-t-il aujourd'hui en mémoire. Peu d'écrits ou d'ouvrage existent sur cette structure… J'ai envie de rappeler une formule qui m'était venue sous la plume dans une récente contribution. On dit que l'histoire est écrite par les vainqueurs mais l'histoire des vainqueurs n'est pas l'histoire qui finit, tôt ou tard, par reprendre ses droits. Celle du GPRA, dans sa densité et sa complexité, attend de l'être, et mon souhait est que l'ouvrage que je propose soit une manière de premier pas.