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Assia Guemra. Danseuse, chorégraphe, comédienne, professeur et formatrice : «Le spectacle Nôun est philosophique et spirituel»
Publié dans El Watan le 29 - 09 - 2018

A l'occasion de la célébration de ses 40 ans de carrière, Assia Guemra a présenté, vendredi soir, sa pièce chorégraphique de danse orientale contemporaine Nôun, à l'opéra Boualem Bessaïeh, à Alger. Rencontrée une semaine avant, lors de la projection au Palais de la culture du film documentaire Hizam qui lui est consacré, Assia Guemra revient avec beaucoup d'émotion sur son riche parcours, auréolé de succès.

Le public a été convié à découvrir en premier lieu le film documentaire Hizam, signé par le réalisateur algérien Hamid Benamara…
Je tiens avant tout à remercier les organisateurs de Salama Magazine et l'association Femmes en communication de m'avoir conviée. Projeter ce film à Alger, a un autre sens pour moi. Il a été projeté un peu partout en Europe. Et à chaque fois, il a eu un accueil très chaleureux et émouvant. Il y a un débat autour de ce film qui est assez particulier. Je tiens à signaler que Hizam n'est ni un film ni encore moins une histoire sur un parcours. Il s'agit plutôt de mini-parcours et de bouts de vie qui se rencontrent. Toutes les personnes que vous avez vues dans ce film sont pour la majorité mes élèves, lequels ont eu des parcours différents.
Quelle est la genèse de ce film documentaire Hizam ?
En fait, le réalisateur, Hamid Benamara, qui est un ami, est venu prendre quelques plans de mon spectacle Hizam. Il m'a dit qu'il allait venir aux séances de cours et faire des plans. Je lui ai dit qu'il était chez lui et qu'il pouvait venir quand il voulait. Et un jour il m'annonce qu'il était en possession d'une banque de données d'images pour réaliser un film. Je l'ai mis à l'aise en lui disant qu'il pouvait faire ce qu'il voulait. Le tournage a duré 16 ans. Je n'ai pas eu mon mot à dire, ni changer un iota, un seul plan ou une seule phrase. Ce film documentaire ne m'appartient pas. Il est à Hamid Benamara.
Hizam est exclusivement axé sur le travail gestuel du miroir…
Il est tout à fait exact qu'il y a dans Hizam un travail de gestuelle du miroir. Il faut savoir que dans la danse, nous faisons un travail de miroir. Vous avez vu quand je mets en face de moi une jeune fille et que je lui dis, ‘‘je suis ton miroir''. Cette gestuelle du miroir, on la retrouve dans l'art martial. Sans prétention aucune, je suis une artiste aux compétences multidisciplinaires puisque je suis une sportive de haut niveau. Je suis diplômée d'Etat en arts martiaux, instructrice fédérale, arbitre nationale et internationale. Je pratique depuis 40 ans le karaté, le judo, le sabre et le taekwondo.
J'ai été triple médaille d'or et d'argent aux Championnats de France de 1983 – 1984 et 1985. Pour revenir à la gestuelle du miroir, on retrouve dans le film le cinéaste et écrivain syrien Mohammad Malas. Dans ce miroir, on se retrouve nous-mêmes en train de nous mirer. En fait, on n'en finit pas. Même Hamid Benamara est dans le champ du miroir. Je pense que tout cela est voulu et c'est très bien pensé. Je pense que c'est un film en miroir qui s'ouvre sur de la poésie et qu'on retrouve d'ailleurs tout au long du film.
Est-ce que cela a été facile pour vous de basculer des arts martiaux à la danse orientale contemporaine ?
Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Cela s'est fait sur une période de quinze à vingt ans. Cela s'est fait naturellement. Je pense que c'est un appel. Les arts martiaux, c'est toute ma vie. C'est un art qui m'a beaucoup aidée à suivre entre autres le sens des cinq éléments de la nature, à savoir le bois, le feu, la terre, le métal et l'eau, pour ensuite les convoquer tout le temps dans mes créations.
Assia Gamra est connue à l'international, mais peu dans son pays. Si on venait vous solliciter, êtes-vous prête à faire profiter de votre savoir-faire d'éventuels intéressés ?
En toute sincérité, je n'attends que cela. Pour ne rien vous cacher, on aimerait bien, avec le président international du Conseil de danse, Alkis Raftis, monter des choses, notamment une section et des écoles en Algérie. Pour rappel, ce dernier est présent à Alger pour rencontrer les officiels algériens pour discuter autour de la possibilité de créer une section algérienne de danse, reconnue à l'international.
Il faut savoir que j'ai monté la première certification internationale d'étude en danse avec le conseil international de la danse de l'Unesco. Nous délivrons des certificats officiels, valables dans 170 pays dans le monde, sauf hélas en Algérie. J'espère que nous arriverons à monter une section CID en Algérie. Je sais qu'il existe en Algérie beaucoup d'écoles privées de danse.
Actuellement se tient à Alger le Salon de la danse et du sport. Je pense que les portes sont en train de s'ouvrir. Maintenant ce que l'on pourrait faire, c'est ouvrir une école de formation d'Etat, pourquoi pas une académie pour monter un diplôme d'Etat. Dans toutes les danses représentées, la certification internationale Unesco c'est quelque chose, mais quand on a aussi un diplôme du pays, c'est encore mieux. A titre d'exemple, un diplôme au même titre que l'Opéra de Paris, qui a une école de formation. Je sais aussi qu'il existe de performants ballets en Algérie. Je pense qu'on devrait ouvrir les chemins par rapport à cela.
La danse orientale est devenue au fil du temps une danse de société…
La danse orientale n'est pas simplement à un pays, mais elle est présente dans le monde entier. La danse orientale n'est pas devenue un phénomène de mode, mais une danse de société au même titre que n'importe quelle danse. Qui dit danse orientale — comme je l'ai expliqué dans le film Hizam — dit danse du ventre. Cette danse est la base de la vie. Cette danse à l'origine a pour symbolique de mimer l'accouchement. Jusqu'à présent, très peu de personnes donnent une véritable signification à cette danse. C'est une danse qui est plus que millénaire.
Parlez-nous de votre spectacle chorégraphique Noûn qui sera présenté à l'Opéra Boualem Bessaïeh à Alger ?
Avant tout, je dirais que c'est exceptionnel qu'on puisse programmer de la danse orientale contemporaine dans un lieu aussi prestigieux que l'Opéra Boualem Bessaïeh. Je suis très honorée de pouvoir présenter cette pièce que j'ai créée spécialement pour l'Algérie. Noûn s'inspire de l'ouvrage, le langage des oiseaux, (manteq-u at-tayr) du poète persan Farid-ud-Din Attar. Je me suis inspirée de ce poème philosophique dont j'ai pris des passages pour travailler sur la gestuelle des sessions de Noûn.
Les compositions de cette fresque ont été spécialement créées pour l'Algérie. Dans l'Egypte ancienne pharaonique, le Noûn c'est l'océan primordial, c'est là d'où nous venons et c'est là où nous retournerons. Il y a cette dimension qui est quasiment spirituelle et martiale à la fois. Le Noûn dans la lettre arabe, c'est un contenant et un contenu. Il faut savoir que le spectacle sera donné par huit danseuses de ma compagnie Tellurgie, constituée d'une acrobate, d'un calligraphe, d'un ingénieur du son et de sept musiciens de différentes nationalités. Le spectateur ira à la découverte de la musique, de la danse et de la gestuelle du corps.
Quels sont les grands artistes que vous avez rencontrés tout au long de votre carrière et qui vous ont fascinée ?
Il m'est très difficile de réponde à cette question, car j'ai croisé d'énormes stars internationales. Il y a eu ma rencontre avec Abdelhalim Hafez, deux avant sa mort. J'étais chez une cousine à Paris. Il était là. Je vais vers lui. On se regarde et je ne sais pas ce qui s'est passé. On s'est pris dans les bras. On ne s'est dit aucun mot. C'était comme si un pan de vie s'était posé sur moi. C'était extraordinaire, car non seulement il a bercé tout le monde, ma mère, et moi ensuite et jusqu'à aujourd'hui, je danse sur ses musiques. Il y a aussi deux autres personnages : l'écrivain et journaliste, Michel Random, et le compositeur et chanteur libanais, Marcel Khalifa. J'ai connu, aussi, d'autres célèbres danseurs.
Quelle est votre actualité future ?
Il y a une autre date pour mon spectacle Noûn, prévue éventuellement en mars prochain au Théâtre régional d'Oran, en Algérie. Je compte me produire, également à Dubaï et en Grèce. Pour le moment, je reste sur cette lourde création de Noûn. Je ne peux pas plancher tout de suite sur un autre projet. Pour le moment je pense rester sur Nôun.


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