Mais qui va donc affronter Bouteflika lors de la prochaine élection présidentielle ? Voilà une question qui embarrasse davantage les gens du pouvoir que les citoyens pour qui les jeux sont déjà faits avant même que la compétition ne s'ouvre. En l'absence de postulants crédibles, on cultive, en effet, en haut lieu, la crainte d'un échec annoncé d'une consultation à sens unique et sur laquelle pèse de surcroît la menace d'un très fort taux d'abstention. L'ex-chef de gouvernement, Benbitour, est allé jusqu'à prédire que la participation ne dépassera pas les 10%, compte tenu de l'indifférence qui frappe l'opinion publique de plus en plus déçue par les promesses d'une alternance politique mainte fois clamée, mais jamais tenue. De quoi donner des sueurs froides dans le dos du sérail au moment où on s'apprête à célébrer la grande messe. Même si cette prévision paraît exagérée, elle renferme malgré tout une part de vérité puisque les Algériens semblent aujourd'hui plus préoccupés par le nouveau... bouquet proposé par Canal+ que par le décor très superficiel qui sera planté par le FLN en ce début de mois de février lors de son meeting à la Coupole pour annoncer en grande pompe la candidature officielle de Bouteflika. Entre un show version Belkhadem qui n'annonce rien de nouveau dans la vie de tous les jours, même si son opportunité est qualifiée d'historique pour l'avenir de l'Algérie, et une offre télévisuelle qui compte sortir les consommateurs d'images des griffes du piratage, c'est toujours l'idée du concret qui l'emporte. Un bon programme de télé ça vous sauve de la sinistrose, tandis qu'une nouvelle mandature de Bouteflika ne changera pas le monde. Est-ce un raisonnement qui relève de la plaisanterie ? Pas si sûr... Pour avoir confirmation, il n'y a qu'à demander aux intéressés ce qu'ils en pensent pour être fixé sur le désiderata populaire. Que voulez-vous, la vie politique chez nous est tellement alambiquée qu'elle ne répond plus à aucune logique. Quand des leaders de partis qui ont pignon sur rue et qui, au demeurant, se sont tissés de bonnes toiles autour des sphères du pouvoir sacrifient leurs propres ambitions pour se mettre au service d'un candidat qui devrait en principe être leur adversaire politique, qui osera encore louer les mérites du multipartisme dans notre pays pour lequel pourtant les forces démocratiques se sont battues pour l'imposer à la société ? Dans le monde entier, lorsqu'on se résout à faire de la politique et à vouloir faire gagner son parti dans les différentes élections, municipales, régionales, législatives, etc., c'est pour conquérir un jour le pouvoir suprême, celui d'être au sommet de l'Etat. Ce principe universel ne s'applique pas à nos « grosses cylindrées », planquées au sein de l'Alliance présidentielle, qui préfèrent l'assistanat au vrai combat politique. Pour elles, il est hors de question d'avoir, à ce stade de l'épreuve électorale, une autre mission que celle de défendre le programme et l'image du Président en exercice qui leur a permis de rester à la périphérie du pouvoir. A côté, il y a tous les réseaux de soutien sortis de l'ombre qu'on active pour faire campagne et, dans le sillage d'une tradition encore plus détestable, les « affranchis » de dernière minute, dont le président du PSND est la parfaite illustration, lesquels après des années d'hibernation refont surface pour rallier la troupe. A quelques encablures du grand événement institutionnel que l'Algérie va vivre, une chose pourtant paraît hors norme : c'est le curieux effacement de la télévision nationale qui, contrairement à ses habitudes, ne s'y est pas encore impliquée totalement. Certes, dans les JT, on nous renvoie subrepticement, toujours cependant avec la même litanie, aux activités des partis solidaires qui mettent en place les conditions idoines pour la réussite du scrutin et bien sûr la victoire incontestable de Bouteflika, mais l'essentiel n'est pas encore mis en branle, autrement dit on semble se retenir pour chauffer le bendir. Peut-être que ça viendra dans les jours à venir, mais pour l'heure avec le manque de visibilité qui caractérise cette élection, l'Unique tarde à trouver ses repères. Les débats politiques sont insignifiants et l'opposition, ou ce qu'il en reste, a de moins en moins de chance à être conviée sur les plateaux pour donner son opinion. En fait, dans cette morosité ambiante à laquelle les Algériens sont habitués, la nouveauté est donnée par le bouquet spécial Maghreb de Canal+ qui met les téléspectateurs dans une expectative culturelle plutôt que politique. Entre pouvoir se divertir à travers le petit écran et se gargariser de discours politiques qui ressemblent à de vieilles rengaines, le choix est vite fait. Reste à savoir si la proposition de Canal répond aux attentes ou non, mais il s'agit là d'un autre débat.