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« Le pouvoir ne craint plus les pressions extérieures »
Rachid Tlemçani. Enseignant-chercheur au département des sciences politiques, université d'Alger
Publié dans El Watan le 29 - 01 - 2009

Rachid Tlemçani a été invité par plusieurs universités américaines telles Harvard et Georgetown University et des think-tanks comme Carnegie. Il a dirigé plusieurs groupes de recherche sur la question élections/démocratisation. Il a publié plusieurs ouvrages, dont Elections et Elites (Chihab), des ouvrages collectifs, un Dictionnaire du vote (PUF), des articles dans des revues internationales et des contributions dans la presse nationale. Il analyse ici les différents enjeux se rapportant à l'élection présidentielle d'avril prochain.
Dans un de vos précédents entretiens accordé au quotidien Liberté (paru en mai 2004, soit un mois après l'élection présidentielle), vous dites, je cite : « Le mal qui ronge la société algérienne est beaucoup plus profond que l'enjeu de la tenue d'un scrutin, même régulier et transparent. » Aujourd'hui, quelle est votre appréciation de la crise nationale ?
Ce que j'ai dit lors de cet entretien ou ce que j'ai écrit bien avant reste valable, malheureusement. Les éléments structurants de la crise nationale sont toujours présents, pour ne pas dire qu'ils sont devenus aujourd'hui plus complexes qu'en 1988. Le renchérissement des revenus pétroliers a complètement perverti la question de la gouvernance. Ces revenus ne sont pas investis rationnellement dans des projets contribuant à la mise en marche d'un mouvement irréversible conduisant à la modernité. On n'a pas été en mesure de prendre les grandes décisions, de crainte de remettre en cause des intérêts bien établis dans l'économie de bazar. Cette stratégie aurait rompu l'équilibre instable sur lequel repose le système politique, semble-t-il. L'immobilisme devient alors une forme de stratégie reposant sur le principe de « tag ala men tag », en évoquant la « guerre de tous contre tous » de Hobbes.
Comment expliquez-vous cette fuite en avant ?
Parce que les responsables ne pensent pas qu'ils sont comptables devant leurs électeurs, les autorités n'ont pas de comptes à rendre, la prise de décision est le fait du prince. Des budgets boulimiques sont consacrés pourtant à mettre en place des institutions qui ne sont finalement que des coquilles vides. Pour les nostalgiques du parti unique, la décision est même devenue, dans certaines instances, plus opaque que sous l'ancien régime. Le cas de la loi sur les hydrocarbures de 2005 n'en est qu'un parmi tant d'autres.
Pensez-vous que « la rue algérienne est politiquement en grève », comme l'a écrit il y a peu à la une El Khabar ? Serait-ce, d'après vous, une réaction « épidermique » à un scrutin qu'elle juge de « trop », « inutile » car dépourvu d'enjeux réels ? Ou serait-ce plutôt l'expression d'une résistance « passive » qui renvoie à la fois à « l'impasse » dans laquelle s'est engouffré le régime, à toutes les attentes sociales et politiques non satisfaites, bref à une rupture profonde entre le peuple et les institutions censées le représenter ?
Il y a un fait indéniable : les Algériens ne s'intéressent pas aux élections telles qu'elles sont structurées et organisées. Les Algériens sont pourtant très politisés, pour ne pas dire surpolitisés sur certaines questions. Pour eux, les jeux sont pipés. Le jeu électoral est fermé d'avance. Très étrange, on ne fait pas appel à la mobilisation citoyenne pour faire changer le cours des événements ; on a plutôt tendance à recourir à sa capacité de nuisance qui s'avère destructrice pour l'intérêt national. Cette pratique implique que l'élite politique n'a pas encore atteint l'âge de raison. On vit dans l'ère du pré-politique. Sans grande surprise, des candidats changent de « casquette » une fois élus.
Dans un peu plus de deux mois, le pays a rendez-vous avec une échéance électorale présentée comme « capitale ». La presse indépendante fait régulièrement état du peu d'engouement, du désintérêt populaire pour cette élection. Les principales forces politiques de l'opposition ont clairement signifié qu'elles n'allaient pas prendre part à ce qu'elles qualifient d'ores et déjà de « mascarade » électorale...
La génération post-indépendance, représentant plus de la moitié du corps électoral, ne s'intéresse vraiment pas à la tenue des élections. Pour ces électeurs, la rente de représentativité est au centre des enjeux électoraux. L'on constate que très peu d'Algériens, à l'exception des commis de l'Etat, toutes fonctions confondues, s'acquittent de leur devoir électoral, même lorsque le temps est clément. Plus surprenant encore, un nombre considérable de ces électeurs ne croient même pas à l'acte électoral. L'augmentation récente des honoraires des députés dépassant de 30 fois le SMIG alors que ce rapport est de l'ordre de 10 dans les pays démocratiques a aggravé considérablement la décrédibilisation de leur représentativité, d'autant plus que cette hausse a eu lieu à la veille de la révision constitutionnelle. Entre temps, des enseignants ont recours à la grève de la faim pour avoir un salaire décent de la part d'un Etat riche. Les élections précédentes ont-elles tenté de remédier à cette « hogra » (injustice) ? Il ne faut donc pas s'étonner de constater que les jeunes se détournent des élections pour porter leur regard vers d'autres cieux. Nombreux sont ceux qui sont convaincus que s'ils ne brûlent pas des pneus ou ne séquestrent pas des responsables locaux, ils ne parviendront pas à se faire entendre et respecter. Dans un tel contexte, ce n'est pas l'urne, mais la violence qui devient un instrument de régulation entre gouvernement et gouvernés et entre Etat et société.
Par quelles particularités se distinguera le prochain scrutin ?
La faible participation électorale et le nombre réduit de candidats les plus sérieux sont les deux particularités du prochain scrutin. Pour rappel, le taux de participation a été faible dans notre pays. Il a à peine atteint les 35%, selon les chiffres officiels, au cours des élections législatives et locales de 2007. Pour le prochain scrutin, la participation électorale, selon toute vraisemblance, sera moins importante que les précédentes. On parle même d'un chiffre record de 11%. Même dans ce cas de figure, il n'y a aucun texte pour invalider ce scrutin. La loi électorale devrait définir un seuil de participation pour valider les scrutins. A défaut d'une adhésion massive, on avait compté sur l'influence médiatique des candidats pour crédibiliser davantage le prochain scrutin. Ce scénario n'a pas fonctionné pour des raisons de calculs politiciens, comme prévu. Jusqu'à aujourd'hui, des personnalités médiatiques n'ont pas montré un intérêt particulier en ce qui concerne la présidentielle. La grande surprise est venue du RCD lorsque son leader, le docteur Saïd Sadi, a annoncé avec fracas qu'il n'y participerait pas. Or il avait pourtant participé aux précédentes présidentielles. Tout monde s'attend à un tsunami électoral au profit du président Bouteflika. Notons aussi qu'avec ou sans la participation du RCD et du FFS à la présidentielle, le taux de participation sera très faible en Grande et Petite Kabylie, comme ce fut le cas en 2002. Ces partis n'ont plus d'assise sociale importante, comme d'ailleurs les autres. Quand les partis politiques de tendance démocratique abandonnent le champ des luttes sociales au profit des islamistes, il ne faut guère s'attendre à une grande participation électorale. Cette désaffection est aggravée par l'irruption, sur la scène politique et médiatique, des archs, un mouvement qui a assené un « sale coup » au multipartisme. Quant aux autres partis, leur poids électoral n'est pas signifiant dans la région. Les « grands » partis n'ont même pas été capables de mobiliser dernièrement leurs états-majors pour soutenir la lutte des Palestiniens, une cause pourtant déjà acquise. Par contre, si le FFS et le RCD appellaient au « boycott actif », il serait alors très difficile de dissimuler un fiasco électoral, ayant lieu de surcroît en Kabylie, qui est perçue comme le fief de la démocratie algérienne. Plus problématique encore, si le cheikh Abdallah Saâd Djaballah, susceptible de porter l'emblème de « l'islamisme indépendant », ne se présente pas, ce scrutin en pâtirait davantage.
Dans ce cas de figure, quels sont les scénarios plausibles ? Comment le régime va-t-il évoluer : radicalisation, changement ou implosion ?
Dans ce cas de figure, le président élu sera perçu comme un président ne représentant pas tout le territoire national et toutes les sensibilités politiques. Les militants de la « ouhda thalitha » porteront d'une certaine manière la responsabilité du scénario-catastrophe. Comme second scénario, certains observateurs estiment que le 3e mandat serait de courte durée. Les résultats de ce scrutin importent peu, son enjeu véritable est, paradoxalement, l'après-Bouteflika. La grande inconnue reste donc qui succédera au raïs. Le duel Belkhadem-Ouyahia sera-t-il surpassé au profit d'une plus large ouverture politique ? Pour sauver le régime de son implosion, cette ouverture est préconisée par tout le monde, mais aucun groupe ne veut en payer le prix !
Pensez-vous que le pouvoir politique maintiendra malgré cela sa feuille de route, quand bien même cette élection souffrirait de l'absence de la « caution démocratique » ? ou un fort taux d'abstention ? Quelle serait la réaction de Washington sous la présidence de Barack Obama ?
Le pouvoir maintiendra en effet sa feuille de route. Il dira à ses adversaires que « les chiens aboient, la caravane passe ». Il ne craint plus la pression extérieure que certains groupes tenteraient d'exercer sur lui. Le dépôt d'une partie des revenus énergétiques au Trésor américain, d'une part, et la normalisation acquise dans la lutte contre le terrorisme, d'autre part, ont renforcé sa crédibilité extérieure. Mais avec l'élection de Barack Obama à la Maison-Blanche, les relations algéro-américaines prendront, selon toute vraisemblance, une autre tendance. Les priorités de sa politique étrangère seront différentes de celles de l'Administration Bush. « Les menaces potentielles contre la sécurité américaine proviennent des Etats qui ne parviennent pas à subvenir aux besoins de leurs populations et ceux qui s'accrochent au pouvoir par la corruption et la tromperie », selon le nouveau président, qui mettait en garde les pays musulmans lors de son investiture.
Dans sa récente contribution parue dans El Watan, le général à la retraite Rachid Benyelles soutient que l'armée a été évincée du champ politique. Les « faiseurs de rois », les « généraux » ont perdu, selon lui, toute influence sur le cours des événements. Pensez-vous que l'armée a été réellement « neutralisée » par le président Bouteflika ? Quelle est votre réaction en tant que politologue sur cette déclaration appelant à la mise sur pied d'un « conseil national pour l'instauration de la démocratiec (CNID), etc. ?
Pour ma part, je n'ai pas l'habitude de réagir aux déclarations des hommes politiques et particulièrement celles émanant des personnes en retraite. Par contre, cette contribution m'interpelle à plus d'un titre. S'il se fait le porte- parole d'une tendance au sein de l'institution militaire, elle est en effet très intéressante. Elle n'examine pas toutefois rigoureusement la relation de l'armée avec la politique. Cette relation repose en réalité sur 4 variables essentielles évoluant dans une économie de bazar : la Présidence, l'état-major de l'armée, la police et le DRS. Pour renforcer son pouvoir, le président de la République a su magistralement faire jouer ces appareils les uns contre les autres. Tout compte fait, l'état-major est apparemment le grand perdant de cette lutte. L'armée fut « éjectée » de la scène politique au profit de la professionnalisation de ses structures. Le grand vainqueur est le DRS qui est devenu, tout en se redéployant horizontalement et verticalement, une structure indépendante, comme l'Etat hégélien, au-dessus des sensibilités politiques et des groupes de pression. Sur la base de cette nouvelle configuration, des cercles de pouvoir tentent de pousser les islamistes à accaparer le pouvoir formel. Selon des think-tanks, la stabilisation de la « rue arabe » passe inévitablement par une alliance stratégique entre le turban et le képi et entre la mosquée et le bazar. L'islamisme « modéré », quand il est bien guidé économiquement, par les institutions multilatérales, serait en mesure de produire de la croissance économique et de créer des emplois pour une jeunesse sans repères. Selon cette vue de l'esprit, l'islamisme modéré peut assurer à la fois la stabilité politique et le décollage économique.


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