Près d'un mois après l'ouverture des hostilités visant à évincer le président de la Chambre basse du Parlement, Saïd Bouhadja, devenu persona non grata, l'issue du processus exécuté par Djamel Ould Abbès et ses alliés de la majorité se dessine. La commission juridique de l'Assemblée nationale a emboîté le pas au bureau de cette instance en «confirmant que tous les éléments juridiques de l'état de vacance sont réunis, pour incapacité du président de l'APN à assurer ses fonctions, à cause de son désaccord avec les députés et son refus de démissionner». Le sort de Bouhadja sera définitivement scellé lors d'un vote en plénière pour désigner un nouveau président. C'est le résultat des manœuvres, orchestrées en coulisses avec la bénédiction de la présidence de la République. Dans la foulée, l'agenda électoral est maintenu. Trois jours avant, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, avait affirmé que les échéances électorales, notamment la présidentielle, se tiendront dans les délais fixés par la Constitution. Une déclaration qui intervient après celle du Premier ministre qui a rejeté toute éventualité de report de l'élection présidentielle et écarté tout recours à la dissolution de la Chambre basse du Parlement. Les observateurs s'interrogent sur la raison inavouée qui a incité le pouvoir à décréter Bouhadja indésirable. Le président de l'APN ne cesse pourtant de revendiquer une loyauté sans faille vis-à-vis de Bouteflika. La confiance est unilatéralement rompue. Qu'importe, le poste de président de l'APN constitue-t-il vraiment un enjeu majeur susceptible de représenter une quelconque menace pour le pouvoir ? La réponse est dans la Constitution : l'article 102 de ce texte fondamental stipule qu'«en cas de conjonction de la démission ou du décès du président de la République et de la vacance de la présidence du Conseil de la nation, pour quelque cause que ce soit, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit et constate à l'unanimité la vacance définitive de la présidence de la République et l'empêchement du président du Conseil de la nation. Dans ce cas, le président du Conseil constitutionnel assume la charge de chef de l'Etat (…)». Le président de la Chambre basse du parlement ne peut ainsi en aucun cas accéder, même temporairement, à la fonction suprême de l'Etat. De son côté, l'opposition dénonce «un coup de force», qualifiant cette destitution de Bouhadja d'«inconstitutionnelle, le texte fondamental stipulant clairement que le président de l'APN est élu pour un mandat de cinq ans». Mais, dans les couloirs opaques du pouvoir, on ne s'encombre pas de «fioritures liées à la légalité». En la matière, le pouvoir n'en est pas à son premier passage en force. C'est même sa marque de fabrique depuis l'été 1962. Et Bouhadja, qui a fait carrière à l'intérieur de ce système, en sait quelque chose.