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Prix Nobel d'économie 2018 : tendances et espoirs
Repères économiques
Publié dans El Watan le 22 - 10 - 2018

Le prix Nobel d'économie décerné annuellement est fort attendu par la profession des économistes et le grand public. Il est attribué par le comité Nobel, mais le financement provient de la Banque centrale de Suède, car Monsieur Nobel n'a pas prévu dans son testament d'inclure l'économie avec les autres sciences qui devaient être honorées par le prix qui porte son nom.
Ce n'est pas un hasard que chaque année on essaye de lire entre les lignes le pourquoi et le comment des choix. En économie, les prix décernés sont des indications sur les futures tendances des financements de la recherche et des attributions de prix de toutes sortes.
En 2018, le prix Nobel d'économie a été attribué à deux économistes américains, William D. Nordhauss et Paul Romer. Par cette décision, sans grande surprise, on a essayé d'honorer des contributions dans le domaine du développement durable. De surcroît, le réchauffement climatique devient la préoccupation n°1 des intellectuels et des citoyens intéressés. Mais peu de travaux en dehors de la climatologie lui sont consacrés.
Mais il y a des débuts ici et là qui n'ont pas été suffisamment vulgarisés. Certes, les économistes ont été largement absorbés pour apporter plus de lumière sur les causes, les conséquences et les remèdes à apporter aux dernières crises subies. On n'a pas encore digéré d'un point de vue théorique la problématique de la crise des subprimes.
Alors on ne peut pas peser lourdement sur les décisions pratiques. On est vite revenu au «Business as Usual» sans vraiment bien maîtriser les mécanismes de la crise de 2007-2008. Le gros des travaux se concentre sur ces derniers événements, alors que d'autres bouleversements, plus graves encore, continuent de menacer la planète : la démographie et surtout le réchauffement climatique.
Le développement durable à l'honneur
Le volume des travaux sur les récentes crises a fait quelque peu de l'ombre à une notion qui commence à être vieille : le développement durable. Vieille, mais oh combien importante ! C'est du développement durable que le salut peut venir aux problèmes démographiques et climatiques.
C'est dans cette logique que semble s'être engouffré le comité qui a décerné les prix Nobel d'économie. Paul Romer est professeur d'économie à l'université de New York. Il a été économiste en chef de la Banque mondiale d'où il a démissionné (à cause des rapports édulcorés que cette dernière produisait chaque année). Ses travaux portent sur l'impact des innovations technologiques sur la croissance économique.
En effet, il ne s'agit pas d'empiler des équipements du même genre pour obtenir plus de production. L'investissement dans l'intelligence humaine, la créativité, la recherche et développement contribue énormément à la croissance économique.
L'investissement dans le «soft» aboutirait à produire plus, polluer moins et atteindre plusieurs objectifs alignés à la fois. Les innovations technologiques peuvent être orientées vers les objectifs de production de biens et services conjointement avec plus d'efficacité dans l'utilisation des ressources.
William Nordhauss a travaillé sur beaucoup d'autres thèmes avant de s'intéresser à l'économie des changements climatiques. Il a été surtout célèbre durant les années soixante-dix par la théorie des «cycles économico-politiques».
A la veille des élections, les politiciens gonflent les dépenses publiques pour créer une embellie artificielle de courte durée. Sur le moyen terme, l'inflation gommera le peu d'améliorations fictives créées. Mais le prix Nobel lui a été décerné pour ses travaux sur l'économie du réchauffement climatique.
Le jour de sa nomination, la séance de commémoration par son université (Yale) fut retardée jusqu'à la fin de ses cours, laissant des journalistes et des personnalités en attente des heures entières. Il a créé avec son équipe de chercheurs le fameux modèle DICEM (Dynamics Integrated Climate Economic Model) pour estimer les répercussions économiques et climatologiques des décisions publiques de lutte contre le réchauffement climatique.
Grâce à ce modèle, on a appris beaucoup de choses. Par exemple, que le carbone contenu dans les biens et services a baissé par unité de production, mais de très peu. Et que la quantité de carbone déversée dans l'atmosphère continue d'augmenter du fait de la croissance mondiale.
Il propose une taxe sur les biens et les services en fonction de la quantité de carbone qu'ils incorporent. Ainsi, les consommateurs vont acheter ce qui contient moins de carbone (car moins cher). Les entreprises vont orienter leur recherche et développement pour produire avec le moins de carbone possible pour éviter des taxes pénalisantes.
Choix pertinents
En fait, tous les Etats recherchent en priorité la croissance économique. Mais cette dernière de nos jours a deux tares. Premièrement, elle corrige de moins en moins le chômage. La relation emploi-croissance devient de plus en plus faible.
La deuxième est pire encore : la croissance envoie dans l'atmosphère de plus en plus de carbone qui induit plus de réchauffement climatique et donc de pertes de ressources et plus de menaces pour l'humanité. Les gains minimes par unité produite sont plus que compensés par une croissance mondiale plus forte (supérieure à 3%). Ainsi, la décision de 2018 a été largement saluée par la communauté scientifique.
Ce n'est pas le cas il y a quelques années, lorsque le prix Nobel d'économie en 1997 fut décerné à Robert Merton (Harvard) et Myron Scholes (Stanford) pour leurs travaux sur les modélisations financières. Ces deux derniers ont fondé une entreprise financière, la LTCM (Long Term Capital Management) qui fit faillite en 1998 avec une perte colossale de 19 milliards de dollars.
L'économie a commencé à peine à s'intéresser aux défis les plus importants de l'humanité : la surpopulation mondiale et le réchauffement climatique. Bien que le premier thème (population) soit analysé par une floraison de disciplines, le second commence à peine à intéresser les sciences sociales.
Mais généralement, on arrive vite à la conclusion que tous les maux globaux de la planète proviennent d'une insuffisance de coordination politique. Actuellement, tous les efforts faits par les scientifiques semblent être annihilés par un désordre politique mondial. Le retrait des USA de l'accord sur le réchauffement climatique en est un bel exemple.


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