Le secteur des télécommunications n'est pas à l'abri de la conjoncture, mais il peut aussi profiter d'une crise qui accroît les besoins de communication et fait naître de nouveaux usages, explique le président de l'institut d'études Idate, Francis Lorentz, dans un entretien à Reuters. « Les télécoms sont sensibles à ce qui se passe dans l'économie générale », dit-il en refusant le qualificatif d'« acyclique » parfois apposé à l'industrie. « Mais c'est un secteur qui, non seulement n'amplifie pas les crises, mais a tendance à les amortir, car le besoin des télécommunications n'est pas affecté par les difficultés économiques », explique-t-il. « Il peut même, dans certains cas, être accru, car on économise sur les transports physiques avec les vidéoconférences, par exemple », ajoute Francis Lorentz. Le président de l'Idate met ainsi en avant l'attrait renouvelé des services pouvant engendrer des économies, à l'image des sites internet de comparaison de prix dont le trafic progresse de 30% à 40% par an, et du commerce électronique qui permet de faire mieux jouer la concurrence. Selon l'Association de l'économie numérique (Acsel), les transactions sur internet ont progressé de 26% en décembre. « La crise joue alors un effet d'accélération dans l'adoption de nouveaux modes de consommation, de nouvelles pratiques », analyse Francis Lorentz. Au plan comportemental, il voit aussi dans le climat d'inquiétude actuel un aiguillon à la communication. « Les réactions face à la crise conduisent à la diversification des besoins de communication, d'interconnexion, de développement des réseaux sociaux (...) Il y a un phénomène de peur qui joue en faveur d'une hausse des communications », ajoute-t-il. De sorte que, même en période de crise, « il y a du trafic qui se développe très vite ». « Cela ne se traduit pas nécessairement par des recettes supplémentaires pour les opérateurs », met-il toutefois en garde du fait de la multiplication des forfaits et de « la pression sur les tarifs liée à la concurrence », notamment en Europe. L'Idate anticipe une hausse de 3,8% du marché mondial des télécoms en 2009 après une croissance de 4,2% en 2008 et de 6% en moyenne ces trois dernières années. En Europe, le marché devrait stagner en 2009 avec notamment une poursuite du déclin structurel de la téléphonie fixe (-5%) et un ralentissement de la croissance en téléphonie mobile (+3%). Interrogé sur le caractère optimiste de cette prévision, il reconnaît que « la décélération risque de s'accélérer. C'est un vrai risque », car « indépendamment des travaux à caractère scientifique, intuitivement on peut se dire que l'on n'est pas arrivé au fond du cycle de crise dans l'économie générale ». De plus, si les communications de base ne devraient pas souffrir de la conjoncture, la « consommation de confort » devrait être affectée. Les consommateurs hésiteront à deux fois avant de renouveler leur portable. Le premier fabricant mondial de mobiles, Nokia, prévoit une baisse de 10% de son marché en 2009. Quant aux nouveaux usages « de luxe » telle la télévision sur mobile, ils devraient pâtir du ralentissement économique. « Un certain nombre d'investissements vont être retardés et les utilisateurs ne seront pas prêts à payer des montants significatifs pour avoir accès à la télévision sur un mobile », prédit Francis Lorentz.