Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Yazid Zerhouni, est encore une fois passé maître dans l'art de travestir la vérité ! Deux morts, des dizaines de blessés et d'énormes dégâts matériels, lui font tout simplement dire que les affrontements entre deux communautés à Ghardaïa sont « une affaire de mafia de quartiers ». Ce sont, selon lui, des « bandes de jeunes qui ont envahi la rue ». Et cela, d'après le premier responsable chargé de notre sécurité intérieure, « ne doit pas étonner, car ceci se produit dans bon nombre de quartiers, notamment à Alger ». Il y a deux constats à faire. Le premier nous amène à penser que soit le ministre de l'Intérieur est très mal informé, par les réseaux de son département, de la gravité de la situation à Berriane, soit il a voulu, à dessein, minimiser les faits et tronquer la réalité. Et le second qu'il est désolant de considérer comme tolérable la violence dans les quartiers de la capitale et de réduire au niveau de querelle entre voyous ce qui se passe entre les communautés ibadite et malékite à Berriane. Les autorités locales et les partis politiques ainsi que les notables de cette localité, en proie à une violence inouïe, s'inquiètent, au plus haut point, de la tournure prise par ces événements qui sont en train de produire une fracture irrémédiable entre des citoyens du même pays. Mais apparemment pas notre ministre de l'Intérieur qui n'en est cependant pas à sa première gaffe. Ses propos sur les affrontements communautaires de Ghardaïa nous rappellent exactement ceux qu'il a tenus après l'assassinat, en 2001, dans une brigade de la gendarmerie à Beni Douala dans la wilaya de Tizi Ouzou, du jeune Guermah Massinissa. Un assassinat qui était à l'origine des événements du printemps noir de Kabylie. Zerhouni remet ça ! Et l'on comprend très bien à présent pourquoi la violence n'est pas près de quitter cette localité où les deux communautés ont pourtant, pendant longtemps, cohabité. Si elle persiste, c'est parce qu'on a considéré le problème avec beaucoup de légèreté, pensant que c'était juste une chamaillerie de gamins. Mais lorsqu'on creuse un peu, l'on ne peut croire naïvement, comme cela, qu'à un niveau aussi élevé de responsabilité l'on puisse ignorer le degré de gravité de la situation à Berriane. On peut cependant mettre cela sur le compte du laisser-aller ambiant. Berriane est une contrée lointaine et l'écho du drame qu'elle vit ne franchira pas les portes de la citadelle algéroise, mais l'on veut aussi ne pas croire que derrière le pourrissement de la situation se cachent des calculs inavoués. Les soupçons des Ghardaouis à ce sujet sont clairs. Ils s'interrogent sur les desseins de ceux qui déclenchent les hostilités. Mais dans un cas comme dans l'autre, la responsabilité de l'Etat est largement engagée.