Le Salon international du livre ouvre ses portes pour de nombreux Algériens en les invitant à venir en masse, dans un langage pompeux fleurant bon la fraternité intellectuelle. Toutefois, le slogan «Livre ensemble», clinquant, mais creux, est en réalité une pirouette linguistique vite mise à nu par la réalité du terrain. Comme du «pipeau» ! En cette année 2018, la maison d'éditions Tafat a décidé de jeter l'éponge et de brandir l'emblème du boycott. Non par fatigue ou lassitude, mais pour dénoncer l'irrespect, l'arbitraire et l'ostracisme que nous oppose le commissariat du SILA. En l'espèce, nous devons une explication simple à nos auteurs, nos lecteurs, nos collègues et aux dernières consciences de la nation. Il n'est pas exagéré aujourd'hui d'annoncer qu'un acharnement stalinien est orchestré au sein du commissariat pour isoler notre maison, pour ne pas dire l'excommunier littéralement des travées du Salon. En 2017 déjà, la maison Tafat a été délogée de son stand habituel, sans préavis et sans explication rationnelle, au profit d'un groupe étranger, pour être jetée dans un angle mort, malpropre et incommodant pour l'exposition de livres, où il est impossible d'organiser des séances de signatures, tant la chaleur de l'après-midi est amplifiée par les vitres et atteint les proportions de celles d'un hammam. Nous avons tenté, naturellement, de prendre contact avec le commissariat, mais chacun à la même réponse entre les lèvres. «Je ne sais pas, ce n'est pas moi !», répétée comme le leitmotiv de jeunes bidasses. Cette insolence caractéristique du service public est un avant-goût des coups bas à venir, mais dont nous n'avons pas encore pressenti l'arrivée. A ce moment-là, nous avons pensé, naïvement, que cet impair est passager et sera vite enterré. Hélas, à notre grande surprise, en cette année 2018, le commissariat a choisi de reconduire son mépris. Dès le mois de mai, en effet, nous avons introduit une demande de participation avec l'option de construire par nous-mêmes notre stand de façon à offrir un meilleur accueil à nos lecteurs, souvent nombreux lors des séances de dédicace. A l'approche de l'événement, nous apprenons avec stupéfaction que non seulement le stand souhaité n'a pas été attribué, mais pire, le stand réservé pour la maison Tafat est situé dans une traverse infréquentable où il est impossible à la fois d'exposer et d'organiser des séances de signatures – quinze au total. Ça ressemble à un cachot ! Questions : pourquoi le commissariat ne s'astreint-il pas au devoir d'informer pour nous tenir au courant que notre demande initiale n'est pas exaucée ? Pour quels motifs une demande propice à la réussite de l'événement est contrée par une réponse à l'opposé de nos souhaits ? Pourquoi le commissariat trahit-il notre confiance ? Et puis, assez sérieusement, n'y a-t-il pas lieu de penser à l'existence d'un code de l'indigénat non écrit et que nous subissons de plein fouet ? Le Salon international du livre est une occasion pour faire rencontrer des livres et des auteurs avec un public. Mais force est de constater que le commissariat s'entête à annihiler nos efforts, comme si nos écrivains étaient des charlatans à cacher autant que faire se peut ! Pourtant, il est admis que la vocation du commissariat est de contribuer à la réussite de cet événement culturel et non à poser des entraves aux participants. Nos auteurs, qui sont des libres penseurs, des chercheurs et des créateurs d'œuvres d'esprit, dérangent-ils ? Ces griefs, exprimés ici, sont aussi ceux de nombreux collègues qui triment à longueur d'année pour réussir le Salon et finalement, leurs projets tombent à l'eau… Nous vivons cette situation comme une mise en quarantaine, où nos efforts sont méprisés, nos auteurs insultés et leurs travaux intellectuels guère considérés. La bonne réception de nos plumes au niveau des librairies contraste avec le camouflet que nous promet le commissariat. Cependant, si cette malheureuse expérience nous renseigne sur les agissements nuisibles et irresponsables du commissariat, elle incite par ailleurs la corporation à une levée de boucliers pour sauvegarder son sanctuaire. Le SILA étant, d'abord et avant tout, l'affaire des éditeurs : ce sont eux qui le financent et produisent sa matière première qu'est le livre, il leur revient donc le droit d'avoir leur mot à dire pour la réussite de tous. S'associer à l'organisation de l'événement est chose équitable et indiscutable. Ainsi «Livre ensemble» prendra tout son sens le plus noble.Le temps est venu pour que chacun fasse son examen de conscience. Et bon vent pour les participants de cette année !