Peut-on faire l'impasse sur le GPRA ? Indiscutablement non, conclut le lecteur du dernier opus de Abdelmadjid Merdaci, GPRA, un mandat historique, paru aux éditions du Champ libre. D'emblée, l'auteur affirme qu'il s'agit d'un acteur majeur et incontournable de l'indépendance, ayant fait l'objet d'une mise en cause durant la crise de l'été 1962 et ensuite d'un refoulement opéré par une histoire officielle construite sur l'imaginaire guerrier (version des vainqueurs) et relayée par les médias et l'école. Cet imaginaire guerrier a imposé, écrit l'auteur, un rapport névrotique et simplificateur au passé et l'extinction du désir de savoir chez les jeunes. Si l'on veut donc connaître le potentiel de cette rente mémorielle qui alimente le pouvoir et décrypter le présent algérien, il faut reconnaître un intérêt à revenir au GPRA. La construction de l'ouvrage, comme le style employé par l'auteur, facilitent la compréhension de cet épisode décisif dans la naissance de l'Etat algérien. Merdaci explique en effet que la naissance, la vie et la disparition du GPRA sont au cœur de la question du pouvoir, et que la crise de l'été 1962 apparaît comme une suite logique à la lumière des multiples crises et remaniements du GPRA. La chronologie des événements, sériée avec détails et références, consolide le raisonnement du chercheur. L'une des dates ayant le plus marqué le GPRA en amont, serait le CNRA d'août 57. Il s'agit pour le Pr. Merdaci de «l'un des refoulés majeurs des événements marquants de la guerre d'indépendance, qui reste à ce jour mis sous le boisseau». A l'issue de ce conseil, les maquisards, conduits par Krim Belkacem, renversent le rapport de force à leur faveur, en isolant AbaneRamdane par l'écartement de Benkhedda et Dahlab, et en introduisant 5 chefs militaires. Ce CNRA consacre le primat du militaire sur le politique, même si paradoxalement, avertit Merdaci, les dispositions que Abane introduit à la Soummam ne sont pas remises en cause. Au-delà des faits, somme toute connus, l'auteur tente de déceler les signes des tensions internes et des situations conflictuelles créées souvent par les ambitions des uns ou alors pour des raisons objectives, comme le souci d'équilibre. GPRA, l'épreuve du pouvoir La naissance du GPRA est annoncée officiellement le 19 septembre 1958. Sa composante, qui allait changer à plusieurs reprises, reflète le changement des rapports de force entre militaires et politiques, entre l'intérieur et l'extérieur ou encore les velléités d'immixtion de l'Egypte de Nasser qui tentera, entre autres, de renverser le GPRA en provoquant le «complot des colonels». Néanmoins, dès sa constitution, le GPRA change la donne de la confrontation avec la puissance coloniale dans un contexte international marqué par la guerre froide.La nature juridique du conflit change et élève le statut des porte-parole de la cause algérienne à l'étranger. L'auteur met en valeur le bond qualitatif qu'apporte le GPRA à la Révolution algérienne, aussi bien à l'endroit de l'opinion internationale qu'au sein du peuple algérien. D'ailleurs, «au-delà du climat de crise de l'été 1962, la charge symbolique de l'entrée du GPRA dans la capitale et la liesse populaire qui l'avait entouré avaient valeur de quitus historique pour son action». Ni les succès inscrits à l'actif de Ferhat Abbas, Youcef Benkhedda et leurs ministres, ni la sympathie populaire n'intercèdent cependant en faveur de ce gouvernement face à d'autres forces en action au sein du FLN. Des crises à répétition viendront ébranler le GPRA. En décembre 1958, Amirouche mobilise les chefs de wilaya contre «l'attentisme et l'incurie» du gouvernement en matière d'arment du maquis. Huit mois plus tard, les 3 B, Krim, Boussouf et Bentobbal organisent un conclave des colonels qui accouche d'un nouveau CNRA, lequel procède à un remaniement du GPRA. La crise de l'été 1962, en plus de consacrer l'élimination politique du GPRA, aura marqué son implosion et rendu publics les stratégies et calculs de ses principaux membres, affirme Merdaci. Et d'ajouter que les principaux membres de ce gouvernement vont connaître les pires traitements, notamment l'emprisonnement, l'assignation à résidence, l'exil, et dans trois cas, l'assassinat politique (Khider, Krim Belkacem et Boudiaf). D'autres ont choisi de quitter la scène politique au lendemain de la crise de l'été 1962, à l'image de Boussouf, Mahmoud Cherif ou Lamine Debaghine. En tentant à rendre justice à cette institution, toujours otage d'un imposant silence d'Etat 60 ans après sa naissance, Abdelmadjid Merdaci n'entend pas non plus faire le procès de ceux qui s'y sont opposés. Son ouvrage, conclut-il, invite plutôt à libérer l'histoire des peurs, des mensonges et des occultations.