Cette interview du mari d'une des patientes – décédée depuis – a été réalisée jeudi après la visite du matin, avant l'annonce officielle du décès de sa femme et au moment où il espérait encore la voir se réveiller. M. Bouhenna se dit croyant et que son seul regret est que sa femme n'ait pas eu la chance de dire ses dernières volontés. Comment va votre femme, ce matin ? Son état est stationnaire, il s'est légèrement amélioré mais elle a rejeté le tube hier et on y a vu un signe de résistance. On garde espoir. Les médecins nous ont demandé d'ajouter des protéines au potage qu'on lui donne à midi et le soir, je suppose donc que ça va mieux. Le réanimateur m'a dit qu'on ne peut pas la déplacer, mais je ne cesse de leur demander pourquoi ils ne ramènent pas des experts pour voir la situation des malades, en même temps que l'expertise des bouteilles de gaz. Le directeur m'a dit qu'il attendait l'avis du médecin qui a répliqué que tant qu'elles ne sont pas réveillées, les dégâts causés par le gaz et la montée de la tension ne peuvent être mesurés. Comment se déroulent vos journées depuis ? J'ai pris un mois de congé, car je suis enseignant et je ne pouvais plus affronter mes élèves. Je suis donc tout le temps au chevet de ma femme. Je ne veux pas la perdre et je me sens coupable d'autant que c'est moi qui l'ai convaincue d'effectuer cette opération à l'hôpital public, alors qu'on aurait pu payer 15 000 DA pour la faire dans une clinique privée. Mais je n'ai fait que l'encourager et la pousser à accepter l'offre du médecin de l'hôpital, qui nous a persuadés qu'il s'agissait d'une petite opération de 40 mn tout à fait bénigne. On est venus à pied, heureux de se débarrasser de sa difficulté à monter les escaliers jusqu'à notre appartement, au 3e étage. L'anesthésiste nous a donné le choix entre une anesthésie partielle ou générale, et c'est la seconde qu'on a choisie, car ma femme est d'un tempérament anxieux. Donc vous imaginez ma surprise et ma colère. La rumeur rajoute à notre inquiétude. Dès le départ, c'est le gaz anesthésiant qui a été incriminé ; on m'a dit que l'étiquette de la bouteille a disparu et on veut responsabiliser l'usine de la faille. Le fait est que la coupure d'oxygène qu'on veut avancer comme cause de l'incident est à exclure parce que le protoxyde ne fonctionnerait pas sans. Quelles sont les démarches que vous avez effectuées durant ces neuf jours ? J'ai vu tous les médecins et le directeur. Je ne cesse de leur demander de bouger, d'appeler des experts s'ils n'arrivent pas à trouver de solution, de comprendre ce qui s'est réellement passé, de voir s'il y a possibilité d'améliorer l'état de ma femme. Il ya une légère amélioration mais elle rechute à chaque fois et c'est à se demander si elle n'est pas déjà morte et qu'on la garde sous respiration artificielle juste pour la forme. Cependant, je veux que l'hôpital de Ouargla assume sa responsabilité et puisque l'affaire est arrivée à un si haut niveau, le ministère doit faire quelque chose. Mais là c'est l'attente sans aucun réconfort. Le directeur renvoie la balle au réanimateur et ce dernier me demande d'attendre. On me demande d'implorer Dieu. Je suis croyant, mais je crois que c'est une erreur humaine qui a invalidé ma femme et ces gens ne veulent pas reconnaître qu'ils ne font pas ce qu'il faut. J'ai rédigé une plainte, mais le procureur de la République n'était pas à Ouargla la semaine dernière ; je la dépose samedi chez le procureur général.