Les deux femmes opérées de l'hôpital Mohamed Boudiaf de Ouargla sont mortes dans la nuit de jeudi à vendredi, après 9 jours de coma profond, a-t-on appris de source médicale. Ouargla. De notre bureau La journée de vendredi a été consacrée aux formalités d'usage et aucun responsable n'était joignable. La première patiente, S. S., opérée mercredi 25 janvier pour un petit problème au genou, a été la première à rendre l'âme vers 19h au service de réanimation. La seconde, Mme K., est quant à elle décédée à 23h30 ; elle avait été opérée d'une perforation du tympan. Tous les efforts de réanimation entrepris par le médecin réanimateur se sont avérés inutiles pour sauver les deux patientes, a-t-on appris de source médicale. A l'hôpital de Ouargla, c'est la consternation générale d'autant plus que durant les 9 jours qu'a duré le coma des deux opérées ont été les plus longs pour l'ensemble du personnel médical et paramédical. C'est d'ailleurs le cas de toute la population de Ouargla, tenue en haleine pendant tout ce temps. Tout le monde a en effet suivi avec intérêt et compassion cette affaire qui survient trois semaines après le succès retentissant des cinq premiers implants cochléaires dans la région. Un succès qui a permis à l'hôpital de Ouargla d'acquérir une notoriété régionale, sinon nationale. Mais revenons à la journée du mercredi 25 janvier 2009. Ce qui s'annonçait comme une journée ordinaire au bloc opératoire, avec des opérations bénignes, a plongé toute la ville dans le désarroi et la tristesse. Sur les 4 opérations effectuées ce matin-là, deux présenteront des complications. L'une d'elles, celle de Mme S. S., a été programmée à la dernière minute après trois reports dus à la saturation du bloc à cause d'accidents de la circulation puis à l'annonce de la grève des praticiens, nous informe M. Bouhenna, le mari de la victime. Désarroi des familles Au moment où les deux premiers opérés quittaient le bloc, l'équipe médicale est alertée par des arrêts cardiaques simultanés, suivis d'une montée vertigineuse de la tension artérielle à 22/8. Selon toute vraisemblance, la cause des deux incidents n'était pas une complication opératoire mais une erreur de manipulation des gaz utilisés pour l'anesthésie. Les patientes ont donc inhalé de l'oxyde de carbone au lieu de protoxyde d'azote, gaz hilarant utilisé pour détendre les patients avant l'anesthésie. Le jour même, après transfert des comateuses au service des soins intensifs où elles ont été mises sous respiration artificielle suite à la reprise de leurs fonctions cardiaques, le bloc opératoire a été fermé et les opérations d'urgence ont été réalisées sans utiliser de protoxyde d'azote. L'équipe médicale avait pris les devants et était convaincue que l'erreur n'était pas médicale ; il fallait orienter l'investigation vers d'autres problèmes. Outre la fermeture du bloc et l'exigence d'une commission d'enquête, des photos ont été prises à l'intérieur du bloc opératoire et des niches contenant les obus de gaz pour être présentées à la commission ministérielle demandée le jour même par l'administration et diligentée le samedi suivant. Entre temps, les rumeurs allaient bon train sur les tenants et les aboutissants de cette affaire et les familles étaient dans le désarroi et les maris désespérés. L'un d'eux est sous le choc et le second dénonce ce qu'il croit être une bavure et va déposer plainte aujourd'hui même. La mort de sa femme, jeudi soir, l'a anéanti mais il compte poursuivre la démarche jusqu'au bout pour connaître les vraies raisons de son décès. La commission d'enquête, diligentée par le ministère de la Santé samedi dernier, a inspecté le bloc opératoire et la niche à obus de gaz anesthésiant. Elle a vérifié la traçabilité des obus de gaz livrés par la direction régionale de l'ENGI de Ouargla et demandé le transfert de l'obus mis en cause par route. M. Bouameur, directeur de l'hôpital, devait le transporter lui-même, étant convoqué au ministère aujourd'hui. Mais la mort des deux patientes survenue jeudi a bouleversé la situation et remis à l'ordre du jour toutes les interrogations posées par les familles, l'équipe médicale et l'opinion publique : les malades étant intransférables, pourquoi l'hôpital n'a-t-il pas recouru à des experts, alors que les familles étaient sans cesse confortées dans l'idée que leurs êtres chers allaient se réveiller ? Pourquoi les familles n'ont-elles pas été informées des tenants et des aboutissants de cette tragédie ? Pourquoi le bureau du docteur Tellissi, orthopédiste qui a opéré Mme S. S., a-t-il subi une effraction dans la nuit de mercredi à jeudi, sachant que ce dernier avait remis des photos de la niche des obus à la commission d'enquête et que lors du passage de ladite commission, le contenu de la niche n'était plus celui des photos prises le jour de l'opération ? Comment l'ENGI a-t-elle pu récupérer l'obus de protoxyde d'azote incriminé pour vérification en usine puis le remettre à l'hôpital avec une attestation de conformité alors que l'opération n'a pas été certifiée par un ingénieur des mines, selon nos sources ? Enfin pourquoi un nouvel obus de protoxyde d'azote a-t-il été utilisé au bloc opératoire après l'interdiction d'y opérer ?