Pour sa quinzième édition, qui s'est tenue samedi et dimanche à la mairie du 13e arrondissement de Paris, le Maghreb des livres a introduit une innovation : celle de donner la parole à des élèves d'établissements scolaires. Des élèves de seconde d'un lycée technique du Pas-de-Calais et d'un collège parisien ont travaillé avec leurs professeurs de français sur la guerre d'indépendance de l'Algérie à travers les bandes dessinées de Jacques Ferrandez Carnets d'Orient et sur la situation au Proche-Orient à travers les livres de Yasmina Khadra L'attentat et Les sirènes de Baghdad. Ils ont présenté les textes et nouvelles qu'ils ont rédigés à l'issue de ce travail et ont dialogué avec les deux auteurs. Avec la participation du journaliste et écrivain, Jean Lacouture, qui vient de publier L'Algérie algérienne : fin d'un empire, naissance d'une nation aux éditions Gallimard. « Avant, on n'avait pas travaillé sur l'Algérie, c'est grâce à notre professeur, on a aussi travaillé avec notre cœur », explique un des lycéens. « Est-ce que ce travail a changé votre approche du monde ? », leur demande Yasmina Khadra, et d'ajouter : « Nous, en tant qu'aînés on a failli, ce monde va vous appartenir, il n'y a pas pire que la haine. Essayez d'en avoir une synthèse sans frustration, sans préjugés », et un peu avant, à propos de ce qu'on qualifie de « valeurs occidentales », l'écrivain dira qu' « il n'y a que des valeurs humaines. Le respect de l'autre n'est pas l'apanage de l'Occident, il est universel » et d'appeler à « l'apaisement des esprits » et d'arriver à « cette humanité qu'on est en train de défigurer ». Pourquoi avoir fait le choix d'écrire sur des sujets difficiles, est-il demandé à l'écrivain ? « Il n'y a pas plus nuisible dans l'humanité que la désinformation, les manipulations. Avant, c'était diviser pour régner, maintenant, pour régner il faut faire peur. L'humanité n'arrête pas de se fracturer, la société s'individualise. Je voudrais que les gens recouvrent la chaleur humaine. » A chacun des auteurs il est demandé ce que représente l'Algérie et le Maghreb. « L'Algérie c'est mon pays natal, le Maghreb c'est l'autre rive, c'est ce qui nous unit et nous divise. On est condamné à vivre ensemble, autant le faire en harmonie, c'est ce que j'essaie de dire dans mes bandes dessinées », dit Jacques Ferrandez. « J'ai commencé à m'intéresser au Maghreb en 1947. La mélancolie que j'ai depuis, c'est la difficulté qu'ont ces trois pays (Algérie, Maroc, Tunisie) si proches, si fraternels à s'associer. Pour moi, pour les gens de ma génération, le Maghreb a été un rêve, un rêve brisé par le détournement de l'avion des dirigeants nationalistes algériens. C'est le souvenir d'une longue attente », dira Jean Lacouture. « Si nous sommes capables de grandir, alors le Maghreb se fera », estime pour sa part Yasmina Khadra. Du Maghreb, il a été question durant ces deux jours, avec la participation de quelque 150 auteurs maghrébins et français qui ont publié, en 2008, de nombreux débats organisés sous forme de tables rondes, de rencontres et de cafés littéraires, d'hommages rendus à des intellectuels de la qualité de Mohamed Charfi dont le dernier ouvrage Mon combat pour les lumières, préfacé par le maire de Paris Bertrand Delanoë, est sorti, à titre posthume samedi, de Germaine Tillion, de Driss Chraïbi et de Charles Robert Ageron. Pour la première fois, le Maghreb des livres se prolongera par le Maghreb des films du 11 au 17 février avec une « avant-première » qui sera suivie d'une véritable édition en automne prochain.