Des camions anti-émeutes sur la route nationale et des jeunes au milieu des barricades empêchant toute circulation, c'est le décor-surprise qui s'offre aux automobilistes qui n'ont rien demandé de plus que de vaquer à leurs occupations. Pourtant, nous ne sommes plus en 2001. Le climat d'émeute est toujours là et déborde sur les routes nationales au moindre accès de fièvre. Le blocage de la circulation est devenu, dans l'indifférence générale, le moyen de protestation numéro un. Si les autorités ne sont que moyennement perturbées vu qu'il n'y a pas de dommages matériels ou humains, les désagréments subis par les usagers de la route sont énormes. Le sinistre est invisible, mais chaque voiture immobilisée est un concentré de détresse et de désespérance. Le scénario se reproduit presque une fois par semaine, sur les principaux axes routiers, là où l'impact est à son maximum, de préférence à l'entrée du chef-lieu de wilaya. Les personnes prises au piège de ce genre d'action se gardent d'incriminer les protestataires. « Ils ont peut-être raison », lançait, hier, à Oued Aïssi, une vieille dame qui tirait par la main un vieil homme suffoquant sous la fumée noire provenant des pneus brûlés. Le couple voulait rejoindre à pied la ville de Tizi Ouzou, leur fourgon les ayant abandonnés à quelques centaines de mètres des barricades et des colonnes de fumée. Dans pareilles circonstances, les citoyens considèrent cela comme un autre coup dur de la vie qu'il faut subir avec stoïcisme. Une gravité de la même nature que de violentes intempéries ou une forte hausse des produits de consommation. Le citoyen s'accommode de la souffrance au quotidien et les pouvoirs publics ont fini par intégrer le climat d'émeute permanente. L'exacerbation de la protestation sociale illustre l'échec intégral de toutes les voies de communication prévues entre citoyens et administration. Au moment où l'on annonce de grands budgets pour le développement local, on se rend compte que tout l'édifice institutionnel dont la vocation est de prendre en charge les préoccupations des citoyens est en totale déliquescence. Un simple problème de réfection d'un réseau d'assainissement dans un village finit sa course sur la route nationale, au milieu d'un dispositif de police impressionnant, qui couvre la voix à peine audible des représentants de l'administration. Ces derniers viennent promettre le maximum après avoir refusé le minimum pendant longtemps à d'anonymes membres de comités de village.