La réussite d'une entreprise dépend d'abord de la connaissance que nous avons des hommes et des femmes qui la composent. En effet, on parle souvent de culture d'entreprise, mais on n'évoque presque jamais l'irrationnel de l'entreprise : les amitiés qui se créent, les liens familiaux, les liens régionaux se superposent au management et dont l'importance est loin d'être négligeable. C'est, en effet, par ces canaux que passeront les opinions sur notre comportement, notre capacité à nous approprier les particularités de tel ou tel groupe, les allégeances incontournables. Combien de «chefs» n'analysent pas les difficultés qu'ils rencontrent par méconnaissance de l'histoire de chacun. Or, ces difficultés risquent de s'accroître avec les regroupements qui s'opèrent quand l'organisation apparente cache les rapports réels entre les individus venus d'horizons divers. En fait, pour mener son entreprise au succès, il faut savoir gérer les hommes et les femmes qui la composent et leur fournir les conditions de se développer, de prospérer, afin d'en tirer les meilleurs résultats possibles. Nous savons aujourd'hui que la réussite d'une entreprise n'est pas la tâche d'un seul homme, mais celle d'une équipe, mais c'est malgré tout sur sa tête que doivent se cristalliser les caractéristiques du bon manager. Le développement de l'entreprise repose d'abord sur l'étoffe du bon manager, mais comme c'est, en effet, un profil assez exigeant, on ne s'improvise pas coach. Les experts ont cerné dans le détail le portrait de cette homme et ont dégagé ses caractéristiques «managériales». Le manager doit, en effet, non seulement avoir satisfaction mais donner satisfaction aux autres. Il doit avoir, en plus de sa culture technique solide, un savoir-faire éprouvé, il doit agir en concertation, il doit avoir l'étoffe d'un parrain qui permet à tout nouvel embauché d'être introduit dans le milieu, il permet les échanges et facilite les types de relations pratiquées dans l'entreprise. Ce sont là des moyens qui conditionnent les relations futures dans son rôle de mentor. Il doit établir la confiance. Il faut savoir que la confiance est un élément humain qui ne figure pas dans les techniques du management, c'est un élément essentiel dans la connaissance du milieu au sein duquel le cadre devra évoluer. Mais cela est finalement de peu d'effet si, dans son comportement individuel, le manager est perçu comme quelqu'un d'éloigné des préoccupations de ses hommes. Le manager ne doit pas s'isoler de son personnel (par exemple aller au restaurant avec ceux qui sont en première ligne dans la mise en œuvre de la stratégie de l'entreprise), les écouter et encore les écouter pour leur démontrer que leur réussite le préoccupe plus que la sienne. Il faut souligner que tous ces critères ne sont rien s'il n'est pas un homme réaliste. Il doit sans cesse considérer sa position, sans perdre de vue son objectif final. Résumons ce qui vient d'être dit en une phrase : le manager doit établir un dialogue d'homme à homme, en étant vrai, en laissant parler son cœur et son corps, avec l'ensemble de ses partenaires, avec ce qu'il faut de compréhension, d'intelligence et de respect mutuel. S'il n'y a qu'une règle à retenir, ce sera bien celle-là. Ajoutons en point d'orgue qu'il doit être un homme de communication. En effet, une bonne communication constitue donc un facteur de réussite essentiel et permanent. Aboutir à une entreprise prospère, c'est un manager qui a fait progresser l'entreprise parce qu'il a fait progresser les hommes et les femmes qui la composent. Cette communication consiste à aller vers ses collaborateurs, à les rassurer, à manifester une compréhension des attentes de ses interlocuteurs. Une communication à l'égard de ses collaborateurs doit d'abord servir à démontrer que le responsable maîtrise l'embarcation, elle doit ensuite servir à présenter des solutions. Elle doit finalement aboutir à fixer dans certains cas lourds, les priorités. Pour cela, les options doivent être clairement présentées, ordonnées en fonction de l'intérêt de l'entreprise. Le manager doit communiquer avec beaucoup de doigté. En effet, toute communication est une affaire d'outils, mais aussi d'attitude intérieure. Il faut les deux. Il faut parvenir à offrir une image d'assurance et aussi une image d'ouverture aux suggestions des autres, ce qui pourrait paraître rechercher une chose et son contraire. Si l'on manifeste de l'inquiétude ou trop d'interrogation, on perd en crédibilité. Mais si l'on assène ses opinions comme des vérités révélées indubitables, on apparaît comme incapable de comprendre les attentes des autres. Quelle que soit la difficulté de l'opération, il faut absolument être convaincu que notre société exige de nous que nous communiquions de manière efficace pour que nos idées et nos projets, même les plus intelligents, ne sombrent pas dans l'impuissance. Le problème qui se pose concerne l'élaboration d'un nouveau mode de gestion plus moderne et mieux adapté à nos entreprises, mais c'est autour du choix du «bon» manager, qui conditionne les règles du jeu des hommes au sein de l'entreprise, que se joue le succès d'une gestion collégiale. Ce mode de gestion dans l'amélioration des performances de l'entreprise prend de plus en plus d'importance à mesure qu'il devient plus difficile de maîtriser les conséquences humaines et sociales de l'accélération du changement et que, progressivement, de ce fait, on réalise que c'est sur ce terrain que se joue et se gagne la bataille du développement. Ce mode de relations humaines permet de maintenir la créativité des individus dans la voie de l'innovation indispensable à nos entreprises. En fait, les entreprises les plus performantes sont celles où l'individu est autant valorisé que l'équipe, celles où l'affirmation de soi peut devenir complémentaire avec autrui. Il est vrai aussi que le frein le plus considérable dans nos entreprises est toujours le besoin de sécurité de tous ceux qui sont affectés par le jeu auquel ils participent. De ce point de vue, une vision trop catégorique des possibilités humaines en la matière est dangereuse et les progrès ne peuvent être qu'assez lents. Mais un minimum de rigidité est absolument indispensable pour protéger les individus contre les conséquences de leurs erreurs et de leurs insuffisances. En fait, nos entreprises ont besoin d'une nouvelle conception de l'action des managers et d'une nouvelle pratique plus moderne de leur rôle qui deviennent plus que nécessaires. Il faut que les managers cessent d'être des gestionnaires au sens traditionnel du mot, pour devenir des orienteurs, des animateurs, des accoucheurs de nouveaux systèmes de gestion. Ils doivent se préoccuper beaucoup plus du développement réel des hommes et des femmes qu'ils dirigent. Mais le style de gestion tel qu'il est pratiqué actuellement par nos managers accroît la «routinisation» des tâches d'exécution et de gestion et les emprisonne eux-mêmes dans un ensemble «trop passif». Donc, le premier investissement de l'Etat est d'assurer non seulement une formation technique et rationnelle à nos managers qui leur permet une promotion humaine, mais aussi leur assurer une formation dont dépend le développement de toute une société, une formation qui leur permet d'améliorer leur capacité psychologique, d'accepter les changements et les tensions qui en découlent, d'accepter les conflits et les compromis, de dépasser la méfiance, de s'ouvrir aux contacts et d'assumer plus de liberté. Passant d'une économie dirigée à une économie de marché, l'Etat algérien est obligé d'assouplir et de décentraliser son système économique. Il lui faut aujourd'hui réintroduire le marché et, par voie de conséquence, libéraliser son système politique, car il faut le dire, le manager algérien est, à l'état actuel, otage de ce même système politique. Le problème devient particulièrement urgent de libérer l'entreprise algérienne du politique, son succès dépend de la capacité que développe son manager de coopérer efficacement du fait de ne pas être paralysé par le poids du politique. Le manager algérien est bloqué dans sa possible évolution par cette paralysie institutionnelle, puisque les négociations et les échanges ne peuvent se faire qu'au sommet. Un tel modèle tend à étouffer le manager, à le fragiliser et à figer le jeu auquel il participe dans de faux conflits à travers lesquels aucun développement, aucun progrès ne peut se réaliser. Certes, l'avenir de nos entreprises est toujours incertain, mais peut-être y a-t-il une chance réelle d'ouverture. Dans cette conjoncture, les managers algériens vont porter finalement une terrible responsabilité, à laquelle ils sont mal préparés. C'est autour d'eux et de leur comportement face au changement que va dépendre, en effet, dans les années à venir, la signification de ce changement qui a secoué beaucoup de nos entreprises et qui a mis nos managers plus directement en cause. Si les managers algériens font face au changement, avec des capacités psychologiques personnelles tout à fait adaptées aux problèmes qu'ils auront à résoudre, avec plus d'efficacité, et acceptent d'évoluer, cette crise que traversent nos entreprises apparaîtra comme un mal nécessaire avant d'entrer dans le monde de l'économie moderne, du progrès, de la liberté et de la responsabilité.