Dur dur de trouver un travail ou un logement quand on s'appelle Saïd ou Mohamed, Ibrahima ou Keïta. Les discriminations raciales à l'embauche et à l'accession à un appartement décent ont la peau dure. La Cour des comptes tire la sonnette d'alarme et le Sénat remet en cause l'existence de la Haute Autorité contre la discrimination et pour l'égalité (HALDE) dont l'utilité même est déjà remise en question par la classe politique comme par le monde associatif. L'ex-président d'Axa, Claude Bébéar, a remis au Premier ministre son rapport «Les entreprises aux couleurs de la France» dans lequel il ne prône pas la discrimination positive. Le constat est limpide : les politiques d'intégration ont failli, par manque de volonté ou par frilosité politique. Aussi certaines entreprises ont décidé de s'impliquer, de faire œuvre citoyenne. Claude Bébéar, patron atypique dans le monde des grands entrepreneurs privés, exclut toute mesure législative et propose l'anonymat des CV. Les entreprises auront donc à juger sur les compétences et non sur les origines ethniques et religieuses des candidats. Cette proposition est déjà envisagée à titre expérimental par le sous-préfet du Rhône chargé de la politique de la Ville. La Cour des comptes est plus alarmante sur la politique d'intégration. «La situation d'une bonne partie des populations issues de l'immigration la plus récente est, en effet, plus que préoccupante. Outre qu'elle se traduit par des situations souvent indignes, elle est à l'origine directe ou indirecte de tensions sociales ou raciales graves, lourdes de menaces pour l'avenir», s'alarme Philippe Seguin, le président de la cour. L'institution demeure cependant sceptique elle aussi sur le principe de la discrimination positive, jugeant que l'opinion publique serait réfractaire. «La solution de la discrimination positive, outre son caractère matériellement problématique, pourrait souffrir aux yeux de l'opinion publique d'un manque certain de légitimité : aucune justification ne permettrait, en effet, de réserver aux immigrants un traitement plus favorable que celui dont peuvent bénéficier, par exemple, les populations placées en situation de pauvreté ou d'exclusion.» Devant l'immobilisme de l'Etat, les entreprises ont décidé de prendre les devants. 46 d'entre elles ont signé la charte de la diversité lancée le 22 octobre par l'institut Montaigne, dont le président n'est autre que Claude Bébéar. Son ancienne entreprise d'assurance a signé un partenariat avec SOS-Racisme, s'engageant ainsi à recevoir des jeunes diplômés issus de la «deuxième génération» en entretien de conseil. 113 CV ont été transmis en 2003 par SOS-Racisme, un entretien a été proposé à 70% d'entre eux et huit recrutements ont été concrétisés. Mais les initiatives demeurent cependant fort limitées. A compétences égales, la population d'origine étrangère est largement défavorisée.