Minée, dès sa création, par les divergences interarabes, la Ligue arabe n'aura finalement pas été à la hauteur de cet idéal politique. Les crises successives – dont celle générée, notamment, par la signature des accords de Camp David – ont même failli l'emporter. L'organisation doit surtout sa survie à la question palestinienne. Le combat pour la libération de la Palestine reste, en effet, le seul vrai consensus qui s'est forgé au sein de la ligue en soixante ans d'existence. Mais aussi affligeant soit-il, ce bilan humiliant n'étonne pas au regard des réelles motivations à l'origine de la mise en place de la Ligue arabe. Si les objectifs inscrits dans les textes fondateurs de cette organisation peuvent sembler généreux, il est à souligner que le projet de rassembler les pays arabes au sein d'une même structure répondait avant tout au souci des leaders égyptiens de l'époque de trouver une parade à un plan similaire parrainé par Londres. Un plan qu'ils percevaient comme une menace pour ses intérêts dans la région. Le Caire avait ainsi à l'idée surtout de mettre la ligue au service de sa politique étrangère. Dès la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques avancèrent l'idée, en effet, d'une fédération des Etats arabes pour gagner la sympathie des pays arabes. Les alliés hachémites de Londres (Amman et Baghdad) tentent alors de mettre sur pied, avec la Palestine et la Syrie, un Etat unifié du «croissant fertile». Craignant la constitution au Levant d'un ensemble susceptible de contrecarrer son influence, l'Egypte convoque alors, en mars 1945 à Alexandrie, une réunion des Etats de la région au cours de laquelle fut proclamée la naissance de la Ligue arabe. Et c'est donc tout naturellement que l'Egypte a décidé d'installer le siège de l'organisation dans sa capitale. Il y restera jusqu'en 1978, date à laquelle l'Egypte sera expulsée de la ligue suite aux accords israélo-égyptiens de Camp David. La Tunisie héritera du siège de la Ligue arabe de 1978 à 1990. L'illusion d'un monde arabe La Ligue des Etats arabes comptait, à sa création, sept pays. Vingt-deux en sont membres aujourd'hui. Le premier noyau de la ligue était constitué de l'Arabie Saoudite, de la Syrie, de la Jordanie, de l'Egypte, de l'Irak, du Liban et du Yémen du Nord. A ceux-ci s'ajoutent la Libye (1953), le Soudan (1956), le Maroc et la Tunisie (1958), le Koweït (1961), l'Algérie (1962), le Yémen du Sud (1967) unifié depuis 1991 avec le Yémen du Nord, le Bahreïn, le Qatar, les Emirats arabes unis et Oman (1971), la Mauritanie (1973), la Somalie (1974), Djibouti (1977) et les Comores (1993). L'Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) a été admise le 9 septembre 1976. L'OLP était membre à statut particulier avant cette date. Les principales instances de la ligue sont le secrétariat général (occupé depuis mai 2001 par Amr Moussa en remplacement de son compatriote Ismat Abdelmadjid). Défini comme un organe indépendant des différents Etats, le secrétariat général de la ligue est chargé d'assurer le fonctionnement administratif de la ligue. L'architecture de l'organisation comprend, quant à elle, un conseil de défense, un conseil économique, un ensemble de comités permanents et des agences spécialisées. Les organes interétatiques sont coiffés par les conférences arabes au sommet où se réunissent, une fois par an, les chefs d'Etat arabes. Ces sommets institués en 1964 n'étaient pas prévus dans le traité constitutif de l'organisation. Ils constituent néanmoins l'organe principal de prise de décision politique. Les décisions, lors des réunions, sont prises à l'unanimité. Un fonctionnement à l'origine, estime-t-on d'ailleurs, de l'inefficacité de l'organisation à produire des décisions. C'est ainsi que malgré un cahier des charges chargé, la Ligue arabe se limite aujourd'hui, sans y croire et sans y parvenir, à assurer une coordination politique de façade sur les grandes questions internationales. Et même s'il existe un «pacte de défense collective» signé depuis 1952, l'organisation panarabe se réduit à une sorte de forum juste bon à donner l'illusion qu'il existe un monde arabe. Et la démission lamentable de la Ligue arabe face aux conflits et aux agressions qui ont ravagé ses membres durant ces vingt dernières années fournit la preuve irréfutable que cette institution n'est pas indispensable.