Hélas, il fit allusion à l'écrit connu sous le titre Idir el watani, rédigé collégialement par des militants MTLD qui ne partagèrent pas toutes les idées fantaisistes des tenants de l'autorité au nom de Messali. Ils désertèrent le parti et le combat. Nous en avions discuté : nous avons admis qu'ils défendirent des principes qui étaient les nôtres… Seulement, ce n'était ni le moment ni l'intérêt de «l'indépendantisme» de soulever des idées qui ne pouvaient que nous diviser. Ce nouveau rappel en 2004, après bien d'autres, me permit de me souvenir d'un épisode de ma vie : «Je suis arrivé au cours complémentaire Sidi El Djelis en 1937 en pleines festivités françaises pour le centenaire de la prise de Constantine le 13 octobre 1837. Après une promenade, avec des amis de l'école, aux lieux des fêtes et des orgies, nous fûmes écœurés malgré notre jeune âge, et c'était peut-être le détonateur de nos idées patriotiques. Je devîns intime avec l'un des jeunes et il nous arrivait de discuter politique en adultes. Un jour Mohamed (appelons-le Mohamed) me dit froidement : «Larbi tu n'es pas musulman.» Je faisais la prière, lui non, je mettais un fez de 30 cm de hauteur, lui circulait tête nue, il se voulait musulman et il me refusait cette qualité. Quand je lui demandai des explications, il me dit naïvement : «Tu ne parles pas arabe» «Taghanate» des montagnes d'Akfadou surnageait mon caractère déjà difficile et je lui jetais à la face : «A partir d'aujourd'hui, tu me parles en arabe, je te répondrais, en taqbaïlit. Nous continuerons à dialoguer en français si nous voulons nous comprendre.» Nous restâmes amis et fidèles à nos aspirations indépendantistes, avec d'autres camarades. Deux ou trois ans plus tard, nous nous disputions, à l'arrivée du train, qui venait de l'Est du département à qui va prendre la valise d'un voyageur, du responsable du PPA, Chadli El Mekki le manchot. Nous nous retrouvâmes à l'indépendance, ayant tous les deux fait notre devoir, j'avais appris à chanter Amiss oumazigh avec des scouts et lui à prononcer, avec un fort accent, quelques notes de tamazight, appris au cours de ses déplacements aux montagnes des Aurès. Bien que je parle presque correctement l'arabe, nous continuâmes à dialoguer dans la langue que nous a imposée le colonialisme. Revenons à «Idir el watani» et osons dire la vérité : Ali Yahia Med Cid dit Rachid, que j'ai initié à nos idées PPA au lycée de Médéa durant l'année scolaire 1942-1943, déclencheur de la crise dite d'identité, a cherché à créer un parti de l'«Algérie algérienne» tandis que beaucoup des tenants d'Idir El watani se démobilisèrent et désertèrent le combat. Ils se rapprochèrent du Parti communiste algérien donc très très loin des idées indépendantistes. Marx, soignant sa tuberculose dans une chambre ensoleillée d'un hôtel d'Alger, écrivit à Engels, vers 1850 : «Il est bon que les pays commerçants colonisent ce peuple barbare (ce peuple, c'était le nôtre).» Maurice Thorez, en 1939, affirma froidement : «Ce pays est une nation en formation», c'est-à-dire que nous serions une nation quand les «pieds-noirs», descendants des rebus recrutés dans les bas-fonds des portes méditerranéennes, seront en mesure de se passer de «leur métropole» et à l'exemple de l'Afrique du Sud, les Blancs d'Alger domineraient les «Noirs blancs» d'Algérie. Amar Ouzegane, qui regrettera d'ailleurs son cri de victoire, écrivit dans Liberté, journal du Parti communiste algérien, en 1945 et les idiristes ont tous lu ce texte : «Tuez-les tous… frappez à la tête… Chadli El Mekki, Messali Hadj, Ferhat Abbas, Bachir El Ibrahimi.» Parce que nous avons osé affirmer notre revendication nationale au cours des manifestations pacifiques du 8 mai 1945. Dans sa volonté de dépasser le national, il chanta de Gaulle, Maurice Thorez, Charles Tillon qui, par leurs immondes crimes du 8 Mai 1945 lui ouvraient et ouvraient à d'autres la voie «triomphale» de l'international, ou nationalisme «arabiste», alors que nous étions et que nous sommes toujours Africains, les idiristes préférèrent le «message» du prophète Marx qui avait pour nous tant de mépris et de haine qu'il aurait refusé la constitution d'un parti marxiste «indigène». Que mes cousins Djemad Chérif, député communiste de La Soummam, et Yala Salah, responsable CGT des cheminots d'Alger, me pardonnent : je ne pouvais pas les suivre, comme ils me le demandaient avant 1945, dans «l'international», tant que je ne serai pas rassasié du «national». Nous sommes indépendants. Tout ne va pas comme nous le voulions, mais rien n'empêchera notre rêve d'une tamesga parlant tamazight de se réaliser. Oui, Ameziane N'tmourth après avoir obtenu que tamazight soit langue nationale continuera à lutter pour qu'elle devienne officielle. Ce ne serait que justice. Ce ne sont pas les cris démagogiques de Ben Bella à Tunis en 1962 qui nous feront oublier les magnifiques vers de Sanhadji Ben Badis, connus de tous : Le peuple algérien est musulman A l'arabophonie, il est lié Ceux qui disent que ses racines sont mortes ou qu'il s'en est écarté disent des mensonges Tamesga est en Afrique : elle y restera et restera musulmane. Nous en appelons au témoignage de Ben Boulaïd des Aurès et de Larbi Ben M'hidi des plateaux aurésiens. Nous en appelons au témoignage de Krim Belkacem du Djurdjura et Didouche Mourad d'Akfadou. Ils n'étaient sûrement pas moins berbères que les idiristes. Ils restèrent fidèles au MTLD et les premiers à se lancer dans le combat libérateur. Ils furent responsables de quatre zones (wilaya) sur cinq le 1er Novembre 1954. Ce furent donc ces autres héros les vrais visionnaires, et non les idiristes. Les authentiques visionnaires, ce furent les 250 militants descendus du Djurdjura, le 1er Novembre 1954, sous la direction d'Ouamrane, à affirmer que la Mitidja aussi était au combat. Gloire à tous les novembristes.