Il arrive, en l'absence de capitaux locaux, que les investisseurs étrangers sollicitent des garanties qui dépassent le simple cadre légal par lequel est organisé l'investissement. Outre les avantages classiques (exonérations fiscales et avantages sociaux), les investisseurs exigent parfois une protection spéciale à l'égard de la concurrence, par exemple sous forme de taxes douanières élevées frappant les produits concurrents. II- Les autres mesures incitatives : les instruments de l'économie de marché L'exigence d'une telle protection contraire aux conventions internationales basées sur les principes de dérégulation et de compétitivité peut avoir pour aboutissement la transformation de monopoles publics en monopoles privés. Du reste, cette manière d'opérer est opposée à la loi sur la concurrence qui sanctionne les investissements à position dominante. Aussi, le pays d'accueil devra-t-il (c'est la mission de l'Etat régulateur/protecteur) intervenir impérativement, afin d'empêcher que les règles de l'économie de marché ne se transforment en une «jungle où tous les coups sont permis et ne dégénèrent rapidement dans la prolifération d'activités informelles». (Andreff (W), 1993). Il faut préciser, cependant, que l'attitude des investisseurs (et c'est tant mieux ainsi) dépend généralement du climat de l'investissement régnant dans le pays d'accueil. Une ambiance de violence peut dissuader la venue de nombreux investisseurs. Il est à noter, néanmoins, qu'une amélioration très sensible est observée depuis un certain temps. Cela a permis d'ailleurs l'accueil de nombreux opérateurs économiques de provenance géographique diverse, d'où un regain pour l'investissement hors hydrocarbures. A titre d'illustration, il est utile d'invoquer les investissements réalisés par la firme Coca-Cola, avec la création de plus de 1000 emplois directs et les projets d'implantation de plusieurs unités de production. Au plan national, Cevital , autre prouesse technologique, est un fleuron de l'industrie agroalimentaire. L'huile produite par l'entreprise n'a pas d'égal en termes de propriétés physiques, de qualité nutritionnelle, de valeur nutritive, voire de physiologie du goût. Y compris parmi les concurrents et autres leaders mondiaux en la matière. C'est à la fois une réussite économique pour ses dirigeants (en témoigne les milliers d'emplois directs et indirects créés) et une fierté pour l'Algérie et le continent africain dans lequel elle baigne. Des pays arabes sont également vivement intéressés par le marché algérien, très porteur. Les différents projets en cours de réalisation ou déjà réalisés, téléphonie mobile (Orascom-Watania), cimenterie, secteur hôtelier, complexes d'affaires, constituent une réalité tangible, une vision pérenne, stable et constante. L'amélioration du climat des investissements, en renforçant la confiance des opérateurs économiques, donnera tout leur sens aux mesures incitatives instituées par la législation algérienne. Il importe pour l'investisseur de savoir si les lois du pays d'accueil sont incitatives et souples (mesures fiscales, sociales ou douanières favorables) et non discriminatoires. Le recours à l'investisseur étranger apparaît comme une voie incontournable tant son rôle dans la réhabilitation de l'outil de production est important. Le décret n°93-12 ainsi que l'ordonnance n°01-03 semblent bien prendre le chemin de l'attrait incitatif dont ont besoin les opérateurs. La liberté d'investissement est consacrée de manière claire ; les investisseurs étrangers ne sont plus obligés depuis l'abrogation des dispositions relatives aux sociétés d'économie mixte, de s'associer à des opérateurs algériens, selon la formule 51/49 (la part du capital étranger ne devant pas dépasser 49%). Ils pourront désormais contrôler le capital de leurs filiales à 100%, ou réaliser les investissements en partenariat avec des personnes morales de droit privé. Ce faisant, la loi sur l'investissement rejoindra le musée des textes séniles, si elle ne repose pas sur une volonté politique forte qui nécessite la mise en place de règles adéquates inhérentes à toute économie de marché, une sorte de jouvence juridique débarrassée d'un environnement pollué, sclérosant et paralysant ; ce sont en somme les règles qui assurent une concurrence loyale entre opérateurs ou encore celles qui affectent les aspects les plus importants du droit des affaires. L'obtention de cette jouvence juridique passe nécessairement, d'une part, par la mise en place de règles qui assurent le développement d'une concurrence saine et loyale entre opérateurs économiques ; d'autre part, par l'existence et l'application de normes internationalement admises, relatives au droit des affaires régissant notamment le droit des sociétés, le règlement des différends, le droit social, le régime des changes, etc. – 1 Le droit des sociétés – 2 Le règlement des différends – 3 Le droit social – 4 Le régime des changes Le droit des sociétés En matière de privatisation, par exemple, il est nécessaire de réviser quelques dispositions applicables au droit des sociétés afin d'accompagner au mieux les réformes. Il en est ainsi de celles ayant trait au fonctionnement des sociétés commerciales, telles les règles de majorité ou de l'existence de plusieurs catégories d'action. Pareille situation permet de séparer les «droits patrimoniaux» liés aux parts détenues exprimées en termes d'avantages pécuniaires, des «droits politiques» consistant en droits de vote et de contrôle. L'Etat, qui ne veut pas se dessaisir de son patrimoine immédiatement, tout en conservant la majorité des actions, pourra se dépouiller du droit de vote qu'il détient sur ses actions. Précisément, le droit algérien des sociétés connaît la formule des actions à vote multiple. Tout en étant non majoritaire en termes de capital, l'investisseur pourra nommer l'équipe dirigeante et être majoritaire en droits de vote au sein du conseil d'administration. La technique du vote multiple est particulièrement intéressante pour certains secteurs jugés sensibles ou considérés comme vitaux et structurants. Le règlement des différends Les investisseurs tiendront compte, dans leur projection d'investissement, de la possibilité offerte par le législateur algérien de régler les différends pouvant surgir à l'occasion de leur placement financier, en dehors du système judiciaire du pays d'accueil. Cela est d'autant plus important que les investisseurs étrangers nourrissent le plus souvent des doutes quant à l'indépendance du pouvoir judiciaire local, à sa compétence ou encore à son efficacité. C'est dans cette perspective, qu'intervient le décret n°93-12 ainsi que l'ordonnance n°01-03 qui prévoient que tout litige entre l'Etat et l'investisseur «sera soumis aux juridictions compétentes sauf conventions bilatérales ou multilatérales (…) relatives à la conciliation et à l'arbitrage (…) stipulant une clause compromissoire ou permettant aux parties de convenir d'un compromis par l'arbitrage ad hoc (…)». Aux conventions bilatérales conclues avec ses principaux partenaires, et qui prévoient toutes des dispositions relatives à l'arbitrage, s'ajoutent l'adhésion de l'Algérie à des conventions et autres accords internationaux. Il en est ainsi de la convention sur le règlement des différends relative aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats (CIRDI) et de la convention de New York sur la reconnaissance des sentences arbitrales. L'accord sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements signé entre l'Algérie et la France offre, par exemple, le choix à l'investisseur de soumettre le différend relatif à son investissement, à la juridiction de la partie contractante ou de solliciter l'arbitrage du CIRDI, (décret présidentiel n°94-01 du 2 janvier 1994 portant ratification de l'accord entre l'Algérie et la France sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements). Enfin, l'arbitrage international est consacré de manière on ne peut plus claire, par le nouveau code de procédure civile : «(…) Les personnes morales de droit public ne peuvent pas compromettre, sauf dans leurs relations commerciales internationales.» Les sentences d'arbitrage international, quant à elles, sont reconnues et déclarées exécutoires. Les mesures relatives au droit social L'adoption d'une législation souple en matière de droit social est d'un intérêt indubitable pour des investisseurs soucieux de flexibilité et de liberté d'action. Il est essentiel pour un acquéreur de connaître l'étendue des droits sociaux, qu'il s'agisse de la retraite, des indemnités de chômage ou de maintien de l'emploi ; ces facteurs exerceront une influence certaine sur l'éventuel engagement de futurs investisseurs. Précisément des formules contraignantes, telles que le maintien de l'emploi ou l'interdiction de licenciement pendant une période déterminée, sont de nature à décourager les investisseurs potentiels. Ces dernières restrictions, qui peuvent altérer le déroulement des réformes, étaient par exemple inscrites dans l'ordonnance n°95-22 relative à la privatisation, dont l'article 4 était rédigé comme suit : «Les opérations de privatisation (…) ne peuvent être décidées ou autorisées que si elles ont pour finalité de réhabiliter ou de moderniser l'entreprise et/ou de maintenir tout ou partie des emplois salariés (…)». L'ordonnance n°95-22 de 1995, qui a été modifiée par l'ordonnance n°01-04 du 20 août 2001 relative à l'organisation, à la gestion et à la privatisation des entreprises publiques, apporte heureusement un éclairage différent avec le nouvel article 17 qui dispose : «Les opérations de privatisation (…) pour lesquelles le ou les acquéreurs s'engagent à réhabiliter ou à moderniser l'entreprise et/ou maintenir tout ou partie des emplois salariés et maintenir l'entreprise en activité peuvent bénéficier d'avantages spécifiques, négociés au cas par cas.» Deux innovations importantes sont introduites par l'article 17 nouveau : ainsi l'acquéreur n'est plus obligé de s'engager dans des actions de réhabilitation ou de maintien de l'emploi ; il ne s'agit pour lui que d'une simple faculté. En revanche, dans la mesure où il effectue lesdites actions, il pourra alors bénéficier d'avantages spécifiques, négociés au cas par cas. Il semble donc que le refus pour l'acquéreur de prendre en considération les conditions de l'article 4 de l'ancien texte, que les opérations de privatisation ne pouvaient être autorisées que si elles avaient pour finalité de réhabiliter l'entreprise ou de maintenir l'emploi, lui fait perdre seulement les avantages spécifiques prévus par l'article 17 de l'ordonnance n°01-04. Le régime des changes Le système des changes sera d'une importance capitale pour l'investisseur dans sa décision d'investissement ou d'acquisition des entreprises publiques éligibles à la privatisation. Pratiquement toutes les mesures qui tendent à restreindre l'importation, l'utilisation, le rapatriement et autres opérations sur les devises, sont de nature à dissuader l'investisseur, candidat à l'investissement. En conclusion et au total, on peut estimer qu'aussi bien l'ordonnance relative à la privatisation que le code des investissements s'inscrivent dans l'évolution du contexte économique international et la perspective de l'insertion de l'Algérie dans l'économie mondiale. Il appartient à l'Etat algérien d'accélérer les réformes par une implication forte du citoyen et la transparence dans l'action. Il est avéré que la démocratie économique trouve péniblement son chemin sans véritable démocratie politique. Mais ne peut-on affirmer dans le même temps que la liberté politique n'aura de sens que dans le cas d'une consolidation du cadre économique devant permettre aux citoyens le libre arbitre et une vision citoyenne du monde moderne.