Après cinq années de léthargie forcée, l'association andalouse El Fakhardjia vient de reprendre ses activités au grand bonheur des mélomanes. Dans cet entretien, le président, Abdelouaheb Nefil, dresse un tableau peu reluisant de l'association. Cependant, il ne cache pas son souhait de voir cette prestigieuse association renaître de ses cendres. L'association El Fakhardjia vient de rouvrir ses portes après cinq années d'absence... Il est vrai que cela fait cinq années que les activités de l'association ont été paralysées, car elle a connu des moment très difficiles. Personnellement, je me suis retiré, car je voyais que cela n'allait pas très bien. Une personne s'est accaparée de tous les pouvoirs en voulant gérer à sa guise cette association, ce qui a découragé tous les membres et les élèves commençaient à déserter le siège, finalement, cette personne s'est retrouvée toute seule. A la suite de cette situation, des amis m'ont prié de reprendre les rênes de cette association, dont je suis l'un des quatre membres fondateurs, je ne pouvais pas refuser, d'autant que j'ai une très grande admiration pour mon maître Abderrazek Fakhardji. J'ai donc accédé à leur demande car ce n'est pas la première fois qu'on me sollicite. Cette interruption de cinq années nous a fait beaucoup de mal, j'ai repris donc les larmes aux yeux, car je connais bien son riche passé. L'association a dépéri subitement comme rongée par un cancer. Aujourd'hui, je suis à même d'affirmer que nous avons des éléments du bureau qui sont passionnés et prêts à se sacrifier pour que cette association reprenne ses titres de noblesse ce que nous allons faire même au péril de notre santé. J'ai donc repris doucement cette association depuis l'été dernier et j'espère qu'elle atteindra sa vitesse de croisière, car rappelons au passage que l'association El Fakhardjia a donné naissance à trois autres prestigieuses associations, à savoir El Andalousia, Essendoussia et El Inchirrah. Quel constat faites-vous aujourd'hui après huit mois de reprise ? Sur le plan formation, nous reprenons difficilement, nous avons une dizaine de jeunes élèves. En voyant ces enfants, dont l'âge n'excède pas les dix ans, évoluer de la sorte, cela m'encourage à fournir des efforts supplémentaires. Il est clair que l'objectif essentiel de l'association est justement d'assurer et de promouvoir la relève. Sur le plan matériel, l'état de vétusté du local est très avancé. De même que nous souffrons du manque de moyens financiers. Comme l'association était absente de la scène artistique au niveau local, il va falloir reprendre et constituer un nouveau dossier en déposant les demandes nécessaires auprès des autorités compétentes. Je suis conscient que cet aspect financier est rencontré par la quasi-totalité des autres associations. En conversant avec d'autres présidents d'association, j'ai été ébahi par le nombre de documents administratifs pour prétendre à un dépôt de dossier au niveau de la direction de la jeunesse et des sports, c'est décourageant car on ne nous facilite pas la tâche. C'est presque demander une aumône de 50 000 da. Au niveau de notre association, on a toujours fait du bénévolat, nous avons réussi, car les gens qui ont enseigné avaient cette passion de la musique. C'était pour ainsi dire viscéral, il faudrait que cette musique soit accessible à toutes les émotions. Justement, quelles sont les priorités de l'heure ? Après la réunion du bureau, les membres se sont assignés un objectif précis, à savoir assurer la formation, en plus de la classe des débutantes, nous avons la classe supérieure. Cette dernière est composée pour le moment d'une douzaine d'éléments dirigés par Sid-Ahmed Serri. Nous allons essayer d'abord de renforcer l'orchestre en greffant d'autres éléments. N'oublions pas au passage que l'association El Fakhardjia était connue par le passé pour son imposant orchestre de 50 éléments. Pour le moment, nous avons uniquement deux professeurs qui sont Hassen Ould Ali pour la classe supérieure et Youcef pour la classe débutante. Nous misons sur cette classe supérieure, car les élèves qui sont disponibles auront la lourde tâche d'assurer les cours aux classes intermédiaires. Quel regard portez-vous sur la musique andalouse ? Si la musique andalouse continue d'évoluer comme elle le fait actuellement, d'ici peu, on ne l'a reconnaîtra pas. Elle a subi tellement d'altérations et de nuisances que personnellement, je me demande si je suis à l'école d'Alger, de Tlemcen ou de Constantine. Beaucoup de repères ont été perdus ; la sanaâ d'Alger est structurée d'une telle façon qu'on ne peut pas lui rajouter un morceau de tlemcen ou de constantine. Le faire, c'est la dénaturer complètement. Je ne vibre pas de la même façon quand j'écoute un morceau gharnati. Quand j'interprète ma nouba classique çanaâ, je ressens autre chose et je suis sûr que ce que je suis en train de dire peut être vérifié par n'importe quel musicien de la gharnata ou de malouf. Actuellement, il est dommage de constater que certains présidents d'association s'empressent d'aller enregistrer dans des studios des albums qui n'ont rien à voir avec la nouba algérienne. Le faire, c'est fragmenter la mémoire de nos maîtres. Quels sont les projets en perspective ? J'aimerais que les enregistrements futurs de l'association se fassent sous la direction du grand maître. Je voudrais que ce soient des enregistrements de référence, accessibles à tous les mélomanes. Nous souhaitons créer d'autres écoles comme par le passé. Nous prévoyons d'organiser prochainement un concert.