Le sujet a réuni de nombreux juges des mineurs venus des différentes régions du pays, avec les présidents de chambre des mineurs au niveau des cours, des directeurs des centres d'accueil des mineurs et tous les intervenants dans la prise en charge de l'enfance, tels que les services sociaux, de sécurité et de la solidarité. Cette rencontre se veut une occasion pour discuter des problèmes liés à la protection de l'enfance et trouver les solutions à même de l'écarter de la délinquance, un phénomène qui prend de de l'ampleur dans notre société. En effet, selon toujours Mme Messaoudène, le nombre d'enfants délinquants arrêtés par les services de police connaît chaque année une hausse substantielle. Selon l'officier, il est passé de 10 856 en 2003 à 10 965 en 2004. La tranche d'âge la plus touchée par la délinquance est celle comprise entre 13 et 16 ans. Dans cette frange, 1251 enfants ont été mis sous mandat de dépôt, 7671 placés en liberté provisoire alors que 733 ont fait l'objet de placement dans des centres de rééducation. Les arrestations pour vol ont touché 5898 mineurs, les coups et blessures volontaires 2179, les atteintes aux biens d'autrui 254, les atteintes aux mœurs 384 et la consommation de produits nocifs pour la santé 211. «Les violences sexuelles, l'inceste, la pédophilie sont des fléaux qui existent et prennent des proportions alarmantes dans certains cas, même si notre société veut à tout prix les cacher. Nous devons joindre nos efforts pour protéger nos enfants. Sinon, c'est notre avenir qui sera compromis…», a conclu Mme Messaoudène, avant de regretter que des centres d'accueil et de tri pour le placement des enfants «ramassés» dans la rue n'existent pas. «A chaque fois qu'un enfant est pris de la rue, nous sommes obligés de le laisser à la disposition du juge des mineurs qui n'a d'autre solution que de le placer dans un centre de rééducation, où souvent cohabitent des délinquants et de simples fugueurs.» Lors de son intervention, le représentant du ministère de la Solidarité, Touri El Hachemi, a déclaré que son département est en charge de 232 centres d'accueil, dont 40 sont destinés à la prise en charge des 2274 mineures délinquants, c'est-à-dire poursuivis par la justice. Selon l'intervenant, il existe trois sortes de structure : centres spécialisés dans la protection (CSP), au nombre de 8 et qui accueillent 318 mineurs dont l'âge est compris entre 8 et 13 ans ; centres spécialisés dans la rééducation (CSR), au nombre de 28 avec 1739 pensionnaires mineurs âgés entre 14 et 18 ans ; centres sociaux de protection de la jeunesse (CSPJ), au nombre de quatre, où sont pris en charge actuellement Les facteurs de la délinquance 217 mineurs. L'intervenant a ajouté, en outre, que son département chapeaute également les 48 services d'observation et d'éducation en milieu ouvert (SOEMO), dont la mission est le suivi des mineurs en milieu ouvert au niveau des directions de l'action sociale des wilayas et dont le nombre a atteint, fin 2004, 3629 mineurs. Pour lui, il est très difficile d'aborder les problèmes de prise en charge des mineurs sans pour autant connaître les facteurs qui ont poussé à la délinquance, «dont les principales causes restent la démission de la famille de ses obligations éducatives». L'orateur a néanmoins rappelé les séquelles de la période du terrorisme, l'exode rural, les déperditions scolaires, le trafic et la consommation de drogue ainsi que la prostitution, «autant d'autres facteurs qui ont largement contribué à l'explosion de la délinquance». Il a relevé, d'autre part, que l'absence de spécialistes de la santé mentale au niveau des centres d'accueil a rendu impossible toute prise en charge psychologique des enfants traumatisés par le terrorisme ou des toxicomanes. M. Touri a estimé que le manque de spécialisation des magistrats implique «l'échec du suivi des mineurs et l'incompréhension de leurs problèmes», ajoutant qu'assigner cette mission à des magistrats ne dépassant guère 30 ans et manquant d'expérience rend vains tous les efforts déployés sur le terrain. Il a proposé plusieurs mesures à même de «protéger les mineurs et de suivre leur réinsertion au sein de la cellule familiale». Lors des débats qui ont ponctué les nombreuses interventions des juges des mineurs, l'accent a été mise sur l'importance de la coordination des efforts entre toutes les structures concernées par la prise en charge de l'enfance, et surtout le renforcement de l'arsenal juridique pour réprimer toute atteinte aux enfants. Le ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale, Djamal Ould Abbas, a profité de l'occasion pour soulever les «graves problèmes» de la prise en charge des mères célibataires, des enfants des terroristes, des enfants victimes de violences sexuelles et d'inceste, des enfants nés sans filiation… autant de sujets que la société veut à tout prix cacher. «Il est important et urgent de coordonner nos efforts pour protéger ces catégories de la population en instaurant un plan orsec, car il y va de l'avenir du pays…». Il a indiqué à propos de l'inceste que le nombre de 53 cas d'enfants victimes de ces abus reste en deçà de la réalité à partir du moment où, en 1987 déjà, les statistiques étaient de loin plus importantes. Il a indiqué que les 236 centres dépendant de son département et les 110 autres structures gérées par le mouvement associatif ne semblent pas répondre à la situation. Mme Messaoudène a, quant à elle, insisté sur l'absence de signalement de cas de mineur en danger morale par les citoyens et propose qu'il y ait dans le prochain texte de protection de l'enfance une sanction à leur égard afin d'obliger les gens à dénoncer tout acte de violence à l'égard des enfants. Plusieurs juges des mineurs ont insisté sur la révision de certains textes devenus caducs eu égard à l'évolution de la société. Rencontre sur la toxicomanie A signaler que les travaux de cette journée ont été ouverts par le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, qui a affirmé dans un long discours que l'élaboration en cours de la loi sur la protection de l'enfant par une commission ad-hoc relevant de son département «tracera la politique générale de l'Etat sur la protection de l'enfant de toute forme d'exploitation et de délinquance en lui garantissant toutes les conditions de protection et de vie décente conformes à son âge (…). Le juge des enfants est l'une des principales instances mises sur pied par le législateur algérien et décidée par les Nations unies pour gérer les affaires en relation avec les enfants, et ce, par la consécration d'une instance judiciaire et des magistrats chargés spécialement des affaires des mineurs». Il a annoncé, par ailleurs, la tenue prochaine d'une conférence internationale sur la toxicomanie chez les jeunes, phénomène, a-t-il dit, «largement répandu en milieu des jeunes». En fin de journée, plusieurs recommandations ont été adoptées pour clore les travaux, premiers du genre, selon les participants.