La délinquance les guette à chaque coin de rue. Les chiffres qu'avancent les différentes institutions en charge de la santé morale de la jeunesse sont effarants. Qu'on en juge: 6314 mineurs arrêtés sont âgés entre 16 et 18 ans, tandis que 3556 autres ont entre 13 et 16 ans. Selon le bilan dressé par la Direction générale de la Sûreté nationale (Dgsn) pour l'année 2004, le nombre de délinquants mineurs ayant commis des délits a atteint les 10 965 contre 10 856 relevés en 2003. Les chiffres du premier trimestre 2005, pas encore connus, doivent être plus alarmants au vu de la progression du phénomène. «On ne peut malheureusement pas fixer le nombre exact de ces enfants vu que leur nombre ne cesse de croître de jour en jour», a déclaré, hier, la commissaire de police et responsable de la brigade des mineurs, Mme Messaoudène Khira. Faite à l'occasion de la journée d'étude sur l'activité des juges des mineurs et la prise en charge des enfants mis en cause qu'a organisée le ministère de la Justice, la déclaration de la fonctionnaire de la Dgsn en dit, en effet, long sur l'étendue des dégâts. Les sévices sexuels sont un autre gravissime danger qui guette la santé morale des mineurs en Algérie. Pour l'heure, avouent les professionnels présents à la journée d'étude, le phénomène n'est pas vraiment perceptible, «il est même prématuré d'en parler», affirment-ils, mais le fléau n'en n'est pas moins présent et interpelle l'ensemble de la société, insiste-t-on. Les cas de pédophilie enregistrés par la Dgsn sont de l'ordre de 1386 affaires dont 53 cas d'inceste. Mais le pire dans ce genre de situation c'est que les victimes finissent parfois par passer de vie à trépas. Pour l'année dernière, 20 enfants ont été violés avant d'être assassinés. En fait, relèvent les spécialistes, la première cause des cas de délinquance juvénile, ainsi que ceux d'abus sexuels dont ils sont victimes est en rapport avec les maux sociaux. En effet, abandonnés, délaissés à leur sort, ces enfants ne trouvent que la rue pour les accueillir. Etant donné que la société les a condamnés à l'errance, ils tombent toujours dans le traquenard de la violence. S'ils ne la subissent pas, ils la font subir. Cette violence est contrecarrée par une répression qui, souvent débouche sur une mise en liberté provisoire. Ainsi, selon les statistiques de la Dgsn, 1251 parmi les 10.856 délinquants arrêtés, ont été mis en détention préventive. Le reste, 7671 jeunes ont bénéficié de la liberté provisoire et seulement 733 ont été mis dans des centres de rééducation. Selon Mme Messaoudène, le phénomène de la délinquance juvénile en Algérie est apparu durant les années 80 avant de s'exacerber pendant les années de braise. «La violence terroriste a laissé des séquelles indélébiles chez ces enfants», affirme-t-elle. La perte des parents, kidnappés ou massacrés, est souvent la source de ce mal qui ne cesse de ronger cette frange fragile de la société. Et, à défaut d'une prise en charge, ces enfants se retrouvent désarmés et nus devant la dureté de la vie. La lutte pour la survie intervient alors. Dans ce cas, tous les moyens sont permis, à commencer par le vol. D'ailleurs la Dgsn a relevé 5838 cas de vols et 2179 cas de violence physique commis par ces jeunes. La toxicomanie est, pour ces jeunes, l'ultime étape à franchir avant d'atteindre le point de non-retour. La Direction générale de la Sûreté nationale fait état de 211 toxicomanes arrêtés en 2004. Toutefois, ce chiffre ne reflète guère la triste réalité. «Nous n'avons pas assez de moyens pour accueillir tous les délinquants qui se trimballent à travers les rues de nos villes», a déploré Mme Messaoudène. Cela, en dépit des 232 établissements spécialisés répartis à travers le territoire national, dont parle le ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale, M.Djamel Ould Abbès. Dans son intervention, ce dernier a indiqué que ces établissements ont reçu 2274 mineurs en 2004, alors que ce nombre ne dépassait pas les 1613 mineurs en 2003. Les chiffres vont crescendo et la prise en charge, elle, se fait désirer. Les représentants du ministère délégué chargé de la Famille, ont mis l'accent sur la nécessité de préserver la famille de toute dislocation; l'une des causes principales incitant l'enfant à quitter le domicile parental. A souligner, en ce sens, que le nouveau code de la famille dispose que le domicile conjugal revient à la mère et aux enfants. D'autre part, le ministère de la Justice, dans la cadre des réformes entreprises, prépare le projet de loi de la protection de l'enfant. Une commission multisectorielle est à pied d'oeuvre.