Silence honteux, silence coupable. Plus de 21 ans après l'assassinat à Paris de l'opposant Me Ali Mecili, les autorités d'Alger persistent sur la voie du déni de justice. Deux décades durant, la justice algérienne, peu ou pas du tout concernée par l'affaire Mecili, s'est efforcée de réinventer le crime politique impuni et d'entraver par sa démission caractérisée la manifestation de la vérité. Malgré des éléments probants de la culpabilité de Abdelmalek Amellou, assassin présumé de Mecili, aucune enquête judiciaire n'a été officiellement ouverte. Aucune suite positive n'a été donnée aux deux commissions rogatoires internationales délivrées par la justice française. La première, en mars 1988, la seconde dix ans après, en 1998. Pis, l'assassin présumé, qui expédia froidement de trois balles dans la tête le militant nationaliste, brillant officier des services de renseignements de l'ALN, six pieds sous terre, bénéficie de la bienveillante indifférence des autorités algériennes. Pour ne pas dire plus. Par ailleurs, six mois seulement ont suffi à Alger pour libérer son « soldat Hassen » des tenailles de la justice française, qui l'accusait énergiquement d'avoir commandité l'exécution de l'avocat des droits de l'homme et cheville ouvrière de l'opposition démocratique, le 7 avril 1987. Pourquoi la justice algérienne se désintéresse-t-elle du « cas Mecili » ? Le traitement inique réservé à cette affaire ne fait pas en soi « une exception », estime Me Bouchachi, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) « L'affaire Mecili est une affaire politique. Et comme la justice algérienne n'est pas indépendante, la possibilité pour elle d'ouvrir une enquête judiciaire paraît peu vraisemblable. » Si la justice sait se montrer, selon l'avocat, prompte à poursuivre les opposants politiques, elle l'est beaucoup moins quand il s'agit de leur rendre justice. « Les assassinats politiques en Algérie existent depuis l'indépendance. Néanmoins, ce n'est un secret pour personne, les autorités s'interdisent systématiquement d'ouvrir des enquêtes judiciaires, alors que c'est du devoir de la justice à chaque fois qu'un Algérien se fait assassiner. » Me Ali Yahia Abdenour va plus loin. Le président d'honneur de la LADDH considère que si la justice algérienne avait évité de poursuivre « au moins Amellou », « c'est parce que ce dernier a agi pour raison d'Etat ». « La justice algérienne ne prendra pas le risque d'auditionner Abdelmalek Amellou, car celui-ci sera amené dans le cas échéant à déballer les noms des commanditaires de ce crime, tapis au plus haut niveau de l'Etat. » C'est la « déraison » de l'Etat « algérien ». L'étouffement de l'affaire par la justice française relève quant à lui de la « raison d'Etat ». Selon l'avocat, le dénouement de ce qui est désormais appelé « l'affaire Hasseni » est la conséquence des pressions énormes exercées par le pouvoir algérien sur son « partenaire » français. Vendredi, celui qui est présenté comme le chef du protocole du ministre des Affaires étrangères algérien, Mohamed Ziane Hasseni, arrêté à Marseille en août 2008 pour complicité d'assassinat, a bénéficié d'une levée de contrôle judiciaire. Encore une fois pour « raison d'Etat », souligne Me Ali Yahia. La justice française « réputée indépendante du pouvoir exécutif » a eu à subir, d'après lui, les pressions de la chancellerie française. Il cite pour preuves d'ingérence le remplacement récent du juge d'instruction Baudoin Thouvenot – qui a relancé l'affaire Mecili – par le juge Alain Philibeaux et la demande « insolite » du parquet de Paris, faite au lendemain de la mise en examen du « diplomate » algérien, de remettre en liberté le mis en examen.