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Figure marquante de la littérature algérienne
Publié dans El Watan le 28 - 06 - 2005

L'Académie française a été fondée en 1635 par le cardinal Richelieu. Elle a son siège au 23, quai de Conti à Paris. Elle compte 40 membres élus par leurs pairs. Elle réunit en son sein des romanciers, des poètes, des historiens, des philosophes, des hommes d'Etat, des hommes d'Eglise qui ont donné leur vie aux lettres ou qui ont servi et honoré la France.
Initialement réservé exclusivement aux hommes, l'accès à l'Académie française n'a été permis aux femmes qu'en 1980 avec l'admission de la romancière belge Marghuerite Yourcenar. L'Académie française compte à présent quatre femmes parmi ses membres : Jacqueline Worms de Romilly (élue en 1988) ; Hélène Carrère d'Encausse (élue en 1990, elle fait fonction de secrétaire perpétuelle de l'Académie française) ; Florence Delay (élue en 2000) ; Assia Djebar (élue le 16 juin 2005).
Il va sans dire et encore mieux en le disant que la désignation d'Assia Djebar par le vote des académiciens français est un fait historique considérable et sans précédent.
Elle est en effet le premier écrivain arabe et par surcroît une femme à entrer à l'Académie française. Il ne faut jamais oublier quand on parle d'Assia Djebar qu'elle est également la première femme algérienne à faire partie de cette prestigieuse lignée d'écrivains algériens de langue française, tels Mohammed Dib, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, Kateb Yacine, Yasmina Khadra, Rachid Boudjedra, Mourad Bourboune, Rachid Mimouni et biens d'autres hommes de lettres qui ont passionnément servi la mère patrie en utilisant la langue vernaculaire de Racine et de Mauriac.
Que les lecteurs me permettent d'appeler leur attention sur cette coïncidence qui vaut la peine d'être constatée : l'élection d'Assia Djebar à l'Académie française a lieu à un moment où jamais l'Algérie n'a été aussi paisible et prospère, à un moment où plus que jamais s'opère la réconciliation entre l'Algérie et la France. A observer ce qui se passe depuis quelques années en Algérie, ne dirait-on pas un immense et heureux destin qui s'accomplit ?
Je vois, dans les honneurs qu'Assia Djebar reçoit, le triomphe de l'immense écrivain, mais aussi le triomphe de l'Algérie. L'admission d'Assia Djebar à l'Académie française m'a fait un double bien : comme Algérien, j'en suis très fier ; comme homme de lettres, j'en suis ravi. Comme le message des grands hommes qui ont mérité de l'humanité, l'exemple de cette femme de mérite qui a émerveillé le monde entier se transmettra à travers les siècles.
On serait tenté de se poser la question : qui est cette Algérienne qui est devenue l'une des quarante ? Assia Djebar, de son vrai nom Fatima Zohra Imalayène, est née à Cherchell le 4 août 1936. Dans son roman L'Amour, la fantaisie, elle évoque ses souvenirs d'enfance passée dans sa ville natale : «J'ai passé chacun de mes étés d'enfance dans la vieille cité maritime encombrée de ruines romaines qui attirent les touristes.» Son père instituteur avait été le condisciple de Mouloud Feraoun à l'école normale de Bouzaréah.
Assia Djebar passa à Blida et à Alger une jeunesse toute consacrée aux études. Venue dès l'âge de dix-huit ans à Paris, elle subit avec succès, une année après, le concours d'admission à l'Ecole normale supérieure de Sèvres. En 1956, elle participa à la grève des étudiants algériens et ne passa pas les examens de licence. En 1957, elle fit son entrée en littérature en publiant chez Julliard à Paris son premier roman La Soif. Une année avant, Kateb Yacine avait publié Nedjma et Léopold Sédar Senghor son recueil poétique Ethiopiques. Au moment où fut publié La Soif, Albert Camus obtint le prix Nobel de littérature, et Philippe Sollers fit paraître dans la revue de Jean Cayrol Ecrire un petit récit, Le Défi. La Soif suscita l'enthousiasme de la critique littéraire parisienne.
Un chroniqueur littéraire lui donna le nom flatteur de «Françoise Sagan de l'Algérie musulmane». Cette romancière française est l'aînée d'Assia Djebar d'une année. Elle connut le succès dès la publication de son premier roman Bonjour tristesse (1954) qui fut suivi d'Un certain sourire (1956) et en 1957 de Dans un mois, dans un an.
En 1958, Assia Djebar publia son deuxième roman Les Impatients. Sa licence d'histoire obtenue, Assia Djebar prépara à Tunis un diplôme d'études supérieures d'histoire. Bientôt mise en contact avec le FLN, elle put livrer au journal El Moudjahid des enquêtes sur des réfugiés algériens qui furent remarquées. Des fonctions d'enseignante l'attendaient : 1959-1962, elle enseigna l'histoire de l'Afrique du Nord à l'université de Rabat. En 1962, elle retourna en Algérie où en même temps qu'elle enseignait l'histoire moderne de l'Afrique à l'université d'Alger, elle publia à Paris chez le même éditeur son troisième roman Les Enfants du Nouveau Monde. Dès 1965, elle retourna à Paris où elle entreprit des activités de critique littéraire et cinématographique. Elle publia d'autres romans qui dénotent également un extraordinaire talent d'écrivain : Les Alouettes naïves, Femmes d'Alger dans leur appartement, L'Amour, La Fantaisie, Oran langue morte, Le Blanc de l'Algérie, Vaste est la prison, Loin de Médine : les filles d'Ismaël. Il est un roman d'Assia Djebar qu'on ne peut oublier : Vaste est la prison. Dès 1973, une bonne partie de l'activité d'Assia Djebar se dépense dans le cinéma avec La nouba des femmes du mont Chenoua pour lequel elle obtient le prix de la critique internationale Fipreci, à la biennale de Venise en 1979.
En 1982, elle présente à la Télévision algérienne La Zerda et Les Chants de l'oubli. D'autres prix lui furent décernés : prix Maurice Maeterlink (Bruxelles) International Literary Neutadt Prize (USA), prix international de Palmi.
Après cette appréciation rapide des romans et de l'activité cinématographique d'Assia Djebar, hâtons-nous de dire quelques mots de ses thèmes fondamentaux.
«Pourquoi écrire ? J'écris contre la mort, j'écris contre l'oubli… j'écris dans l'espoir (dérisoire) de laisser une trace, une ombre, une griffure sur un sable mouvant, dans la poussière qui vole, dans le Sahara qui remonte.»
En écrivant ces lignes publiées en 1985 dans Présence de femmes, Assia Djebar ne croyait certes pas que sa carrière littéraire la conduirait vingt années plus tard à l'Académie française. Devenue l'une des 40 immortels – ainsi désigne-t-on les membres de l'Académie française – Assia Djebar peut se rassurer qu'elle a bel et bien écrit Contre la mort et l'oubli. Par ailleurs, dans tous ses romans et ses films, Assia Djebar lutte pour la défense de la femme. Jean Dejeux, dans son dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française, a donné un aperçu des combats multiples d'Assia Djebar : «Romancière de grand talent inscrivant son œuvre dans le combat pour la reconnaissance de l'Algérienne… Assia Djebar n'a cessé de s'engager par la plume pour la conquête de l'espace, la renaissance et la libération du corps, de même que pour la renaissance au monde : liberté de voir et d'être vue, liberté de circuler dans l'espace masculin, liberté de parler avec et en face de l'homme, liberté de dévoiler le corps…»
Dénonçant l'enfermement et l'isolement des femmes, elle écrit : «Lila avait décidé de plus sortir tant que durerait sa grossesse, nullement effrayée devant les cinq à six mois d'emprisonnement auxquels elle se condamnait délibérément : ‘'Mais n'ai-je pas risqué d'être une femme cloîtrée”.» (Les enfants du nouveau monde, pp. 62-65).
Indignée des violences exercées contre la femme, elle écrit : «Mots du corps voilé, langage à son tour qui si longtemps a pris le voile» (Femmes d'Alger dans leur appartement, pp.7-9).
Dans une autre page, elle dénonça en ces termes le port du voile : «Les femmes vivent-elles, en dépit de ce son feutré ? Cette contrainte du voile abattu sur les corps et les bruits raréfie l'oxygène même aux personnes de fiction» (Femmes d'Alger).
Dans la plupart de ses romans où beaucoup de vues sont justes et fécondes, rien n'est négligé pour lutter contre la phallocratie. Dans quelques mots de moquerie gouailleuse, elle se donne le plaisir de dire dans La Soif (pp. 66-68) : «Un homme veut une femme parce qu'il a froid ; pour cette seule raison, ils cherchent tous à se frotter si souvent au plaisir. Pauvres petits vers qui tous, un beau jour, finissent par se prendre pour des dieux ! Moi, je n'aime pas les dieux.»
Assia Djebar est un artiste de talent. Elle sait peindre. Sa phrase vaut par la simplicité, la netteté. Il faut y ajouter la sensibilité, la couleur, l'émotion.
Par l'esprit, elle est fille de Mme de Staël dont le roman Corinne a présenté pour la première fois les revendications féministes. Dans son discours de réception à l'Académie française en 1836, François Guizot disait : «Quelquefois, m'abandonnant à ces espérances qui charment la vie d'un homme de lettres, et rêvant à l'honneur d'être admis au milieu de vous, la pensée m'est venue que parmi tant de glorieux héritages, il serait beau d'obtenir celui du philosophe illustre dont vous avez voulu que je prisse la place… » De même que Guizot, Assia Djebar, me semble-t-il, peut remercier ses pairs de lui avoir réservé le fauteuil d'un autre académicien aussi célèbre que le philosophe dont Guizot a pris la place. C'est Georges Vedel, bien connu au Maghreb et dans beaucoup de pays africains pour ses cours remarquables de droit constitutionnel et ses consultations juridiques judicieuses.


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