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Le maître italien du réalisme fantastique
Publié dans El Watan le 14 - 07 - 2005

Il s'était déjà fait connaître dès 1933 avec Barnaboo des montagnes, véritable socle de la pensée philosophique d'un romancier tourné vers le fantastique, à la fois merveilleux et tragique. En 1935, Dino Buzzati avait publié son deuxième ouvrage, Le Secret du Bosco Vecchio. Il y avait chez le romancier italien cette pointe d'influence anglo-saxonne, un mixage de Lovecraft pour le mystère et de Walter Scott pour le sens grandiloquent de l'aventure. œuvres de grande jeunesse qui annonçaient la pièce maîtresse de l'édifice littéraire qu'il s'attachait alors à construire.
Lorsque Le Désert des Tartares avait paru, Dino Buzzati n'était pas un inconnu du public. Pas seulement parce qu'il écrivait des romans, mais en raison de son statut de journaliste. Dino Buzzati exerçait, en effet, au sein de la rédaction du Corriere della Sera à Milan. Ce métier était presque inévitable pour ce romancier qui ne savait rien faire d'autre qu'écrire. Il était venu au journalisme par choix, mais les circonstances de la vie allaient donner un caractère bien peu romantique à cette profession que Buzzati voulait exercer comme l'un des Beaux-Arts. Le jeune romancier avait le panache, la facilité du style qui lui permettait d'être un chroniqueur talentueux du Corriere della Sera. Mais en 1940, lorsque paraît Le Désert des Tartares, le monde est en guerre, et l'Italie aussi. Buzzati est désigné par son journal pour couvrir les événements liés au conflit. Buzzati observe la conflagration depuis des bateaux de la marine de guerre italienne.
C'était une posture quelque peu ambiguë pour celui qui avait écrit Le Désert des Tartares, roman dont toute la motivation philosophique consistait à montrer le caractère dérisoire de la guerre. Buzzati, par conviction intellectuelle, est persuadé que le recours guerrier est destructeur en lui-même, car il a néanti la faculté de libre-arbitre. Dans Le Désert des Tartares, c'est l'attente de la guerre qui nourrit toute la trame du récit. L'écrivain dépeint avec une rare vérité l'univers militaire, cet enclos presque carcéral d'où des officiers de carrière guettent les indices du déclenchement de cette guerre qui, selon la phrase de Brel, dans sa chanson si fortement inspirée de Buzzati, «en fera des héros». La guerre pour le journaliste Buzzati était rien moins qu'héroïque. Car la réalité du conflit guerrier proposait d'autres lectures que celle de la fiction hautement philosophique contenue dans Le Désert des Tartares. Dans cette œuvre, Buzzati s'est appuyé sur la symbolique de la forteresse pour montrer une entité murée dans l'enfermement de certitudes que menaçait de faire voler en éclats une violence venue de l'extérieur. Chaque société secrète et porte en elle cette tentation du fort virtuellement assiégé. La puissance du roman de Dino Buzzati réside dans le fait que le récit de cet enfermement n'est pas caractéristique de la société italienne de son époque. C'est en cela qu'il y a dans Le Désert des Tartares cette part déterminante du réalisme fantastique, la marque de Dino Buzzati, qui anticipe l'évolution du monde. La Seconde Guerre mondiale a conforté l'écrivain dans ses appréhensions, son pessimisme, sur les travers de l'humanité. Dino Buzzati était sans illusion, y compris sur le journalisme qu'il avait commencé à pratiquer très jeune, en 1926, alors qu'il n'avait que 20 ans.
lIl avait déjà ce caractère scrutateur, de celui qui regarde au-delà des apparences. La littérature lui était apparue comme la forme supérieure de l'acte d'écrire. Mais, il était alors un peu freiné dans son ambition par la réflexion qu'il se faisait que tout ce qui valait d'être écrit l'avait déjà été. Ce thème de la quête d'écriture qui se heurte au trop-plein littéraire est d'ailleurs au cœur de son recueil de nouvelles Le K. Que pouvait écrire un jeune romancier après Homère,Tolstoï, Dickens ou Edgar Allan Poe par exemple.
Buzzati a répondu à cette préoccupation qui a pu l'habiter en posant le postulat que l'écriture est un acte de vie. Le romancier avait eu l'humilité de se tourner vers les prédécesseurs et de se dire que le poids d'un Dostoïevsky pesait jusqu'à l'écrasement. Le Désert des Tartares n'aurait peut-être pas été possible sans ce sens aigu qu'avait Buzzati du refus de l'ordre des choses figées. Avec ses romans, il avait percé une trouée grandissante dans la muraille des conventions. Il était tout simplement aberrant d'envisager une fin de l'écriture qui aurait atteint ses limites avec l'ordre des Anciens. Sinon il n'y aurait plus de musique après Mozart, ni de peinture après Goya, ni de pain après le premier homme qui a su pétrir la pâte qui va au four.
C'est ce sentiment du basculement vers autre chose, vers un recommencement, qui traverse aussi Le Désert des Tartares. En tout état de cause, Buzzati est foncièrement un philosophe dans ce roman à la résonance si humaine. Il y avait eu, en 1940, la guerre qui dans l'esprit de Buzzati était venue, comme dans Le Désert des Tartares, renverser des choses figées de longue date. L'écrivain n'avait pour autant aucune sympathie aux fauteurs de guerre. Dans une des nouvelles du recueil Le K, il brosse un portrait au vitriol d'Adolph Hitler, enfant dont la cruauté s'exerçait dans ce jardin public où le promenait sa mère. Cette férocité du trait, on la retrouve dans le style de Buzzati, y compris lorsque comme dans Un amour, paru en 1963, c'est de lui-même qu'il parle, dans une variante vécue de L'Ange bleu de Joseph Von Sternberg, dans une représentation théâtralisée jusqu'au tragique du binôme passion-humiliation. Dino Buzzati a su s'imposer comme l'un des auteurs majeurs de la littérature du XXe siècle. A la fin de sa vie, il s'était attaché à écrire des nouvelles, genre dans lequel il s'impose en maître avec Le K et Le Rêve de l'escalier. Miné par la maladie, Dino Buzzati est mort en janvier 1972. Avec Italo Svevo, Italo Calvino, Primo Levi et Elio Vittorini, il est parmi les principaux auteurs qui ont impulsé le souffle nouveau de la littérature italienne.


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