Hantés par les contradictions de notre monde et de notre société, les quatre écrivains ont revendiqué leur “je" dans l'écriture. La dernière rencontre littéraire, dans le cadre du Ve Festival international de la littérature et du livre de jeunesse, a réuni avant-hier, quatre auteurs algériens (3 auteurs francophones : Maïssa Bey, Anouar Benmalek et Yahia Belaskri, et un auteur arabophone : Hamid Abdelkader, et ce, en l'absence d'auteurs berbérophones) qui ont débattu autour du thème “Cinquante ans de littérature algérienne, et après ?". Les romanciers ont évoqué la singularité de leurs écritures, leur rapport – parfois douloureux – à l'histoire et leurs préoccupations littéraires, qui portent principalement sur les contradictions qui rythment notre société. “La littérature permet de mieux comprendre les complexités", soulignera Anouar Benmalek, qui a également signalé que “les considérations politiques" n'étaient plus un sujet central dans ses romans. La politique et l'histoire se retrouvent en toile de fond de ses fictions, notamment dans le Rapt qui revient sur l'affaire de Melouza et sur un fait divers (l'enlèvement d'un petit garçon), par le prisme de la fiction, en racontant l'enlèvement d'une jeune fille. L'auteur de Ô Maria a également soutenu que “chacun (les écrivains) a développé sa propre littérature. Nous sommes des agents de la description des relations sociales complexes." Maïssa Bey a défendu sa singularité dans l'écriture. Elle a appuyé les propos d'Anouar Benmalek en estimant que “les écrivains n'ont pas besoin de statut mais de lecteurs. Le statut fige l'écrivain dans une position, une posture qu'il doit défendre par la suite. Je revendique le statut de citoyenne qui observe et qui n'a plus envie d'être un témoin passif." Suite à ce constat, l'auteure de Puisque mon cœur est mort – qui a commencé à écrire au milieu des années 1990 d'où la nécessité de prendre un pseudo car “c'était une condition sine qua non pour pouvoir écrire chez moi, dans mon pays" – s'est posée la question : “Qu'est ce que je peux faire ? Et les moyens que j'avais c'était les mots". Quant à sa venue tardive à l'écriture, Maïssa Bey expliquera que c'était “la littérature qui m'a éloignée de l'écriture", car “je lisais beaucoup, trop, et j'avais une exigence de qualité littéraire forte", tout en rappelant qu'écrire, notamment pour une femme, est une manière de “se dévoiler". Hamid Abdelkader, auteur d'essais historiques et de romans, a considéré que l'écriture était une manière de “secouer" les choses, de semer le trouble dans certaines idées figées, notamment dans l'imaginaire politique algérien. Il fera remarquer que “loin de toute idée de révisionnisme, il faudrait regarder sous un autre jour, et critiquer la guerre de Libération nationale, avec lucidité." Yahia Belaskri a quelque peu contesté l'intitulé de la rencontre en s'interrogeant sur “l'algérianité de la littérature." Pour lui, “la littérature participe au ‘Roman national' mais elle agit sur l'imaginaire. Au-delà du travail sur la langue, c'est l'être humain et la bonté qui m'intéressent." La guerre dans la littérature a été le deuxième axe développé par les auteurs. Mais loin des considérations historiques, “l'écrivain part souvent de ce que Pierre Michon appelle "les vies minuscules"", dira Maïssa Bey. Les autres écrivains abonderont dans le même sens car c'est l'homme qui fait la guerre, c'est l'homme qui fait l'histoire, et c'est aussi l'homme qui fait la littérature, avec sa mémoire, ses incertitudes, ses contradictions et ses grandeurs. S K