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Pèlerinage en terres enclavées
Publié dans El Watan le 23 - 08 - 2005

Pour eux, point besoin d'une loi de finances pour survivre aux aléas du temps : les recettes proviennent des dons des villageois émigrés et de pèlerins lors de la ziara. Quant aux dépenses, elles ont trait à l'adduction en eau potable, l'assainissement et autres petites infrastructures de base afin de faire face à la dureté de la vie. Installées généralement dans des régions enclavées où les APC font office d'annexes administratives, l'aide du pouvoir local est de ce fait des plus dérisoires.
Azrou n'thor : tout près du ciel !
En ce vendredi d'août, journée de noces et de vacances, l'affluence est considérable sur un pic de montagne culminant à 1883 m d'altitude. C'est l'assensi d'azrou n'thor pour les intimes, une sorte de ziara sur un lieu mythique qu'organisent annuellement durant trois week-ends successifs d'août et à tour de rôle les villages de Zoubga, Aït Adella et Aït Atsou dans le douar des Ath Illilten, à quelque 80 km au sud-est de Tizi Ouzou.
Azrou n'thor, ou le rocher de la deuxième prière de la journée, est ce majestueux rocher qui draine vers lui des milliers de jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, des quatre coins de Kabylie et d'ailleurs. Ce vendredi, jour de l'assensi organisé par les Aït Adella, une marée humaine aux couleurs chatoyantes s'est emparée du lieu dès le lever du jour.
Les plus téméraires de ces milliers de pèlerins entament leur visite pédestre à 3 ou 4h. Les automobilistes empruntent, quant à eux, les routes escarpées en passant par le col de Tirourda, rendu tristement célèbre par des visites furtives et épisodiques des terroristes. Sur ces lieux, la sécurité est du seul ressort des villageois. Fusil en bandoulière, les vigiles du village d'Aït Adella scrutent les lieux. En dépit d'une piste cabossée de 4 à 5 km et d'un amas de poussière des va-et-vient des dizaines de véhicules, les pèlerins, par milliers, une fois sur le site auront tout le loisir de respirer l'air pur. Et sont comme pris par les vertiges des hauteurs. Dans sa nudité, la montagne se drape de sapins parfois imposants. On reste ébahi devant une telle splendeur, dont seule Dame Nature garde le secret.
A peine les premiers pas faits, l'odeur du couscous-mouton nous flatte les narines. Dans des maisonnettes de fortune, des jeunes et moins jeunes s'attellent à préparer et à servir le couscous aux pèlerins. Non loi de là, l'agraw, ou le rite de l'offrande d'argent, de bougies, de tissu ou autres, autour des sages, marabouts et l'imam du village qui prient Dieu d'exhausser les vœux des donneurs et leur apporte sa baraka.
Mais le moment magique de la visite reste indubitablement l'escalade d'un sentier escarpé et rocailleux qui mène vers le pic. A pas très lents, sous un soleil ardent, la foule se fait de plus en plus compacte, où se côtoient la robe traditionnelle et le décolleté, des vieilles et des vieux, parfois d'un âge très avancé, assistés par leur famille, et au milieu des dizaines de familles qui bivouaquent sous les sapins. Sur le belvédère, toute la Kabylie s'offre à vous. Point de jonction des trois wilayas, Bouira, Tizi Ouzou et Béjaïa, c'est le zénith. Le général Challe avait érigé un poste de commandement à quelques encablures de là. «Tout près du ciel !», s'exclame Saïd, un Algérois qui met la première fois les pieds dans cet endroit d'une splendeur à vous couper le souffle. Au pied du rocher, le bendir commence à chauffer sous des youyous stridents de femmes à donner des frissons dans le dos. L'animation devient joyeuse dans une ambiance familiale et en toute quiétude. Normal, puisque les vigiles du village veillent au grain.
Dda Ramdane, cheveux grisonnants du haut de 70 années, sage du village, nous raconte la saga de l'azrou n'thor autour d'un couscous bien garni. «C'est une tradition qui se perpétue et transmise d'une génération à une autre. C'est un lieu qu'on respecte beaucoup. Quant à l'origine du rite, personne n'est en mesure de vous l'expliquer. C'est un legs de nos ancêtres qu'on fait perpétuer», a-t-il indiqué tout de go. Et d'ajouter : «Au début, c'était réservé à notre arch (tribu), mais depuis le début des années 1990, le cérémonial avait pris des proportions grandioses. D'où la nécessité de nous préparer un à deux mois avant le cérémonial.»
Fête préparée exclusivement par les villageois, même dans son aspect sécuritaire, la recette des dons de visiteurs – autour de 600 000 DA annuellement – selon notre interlocuteur, est utilisée par le village organisateur pour l'amélioration du cadre social du village tels l'eau, l'assainissement, les routes, etc. «Rien que pour notre village, le bétonnage des routes nous a coûté 600 000 DA, l'adduction en eau potable 400 000 DA et heureusement que nos émigrés nous gratifient encore de leurs précieux dons», a indiqué, l'air dépité, le sage du village, non sans ajouter : «Dans l'Algérie d'aujourd'hui, des gens jouent avec des milliards alors qu'ils n'ouvrent même pas droit à la carte d'identité nationale.» Dda Ramdhane trouve injuste qu'une petite commune, comme celle Illilten ayant 800 chahids durant la guerre de Libération nationale, manque cruellement, près d'un demi-siècle après l'indépendance, d'infrastructures de base.
La liste des besoins est longue. Des multiples pèlerins accostés, telle une rengaine, tous n'ont cessé de mettre l'accent sur l'absence de l'Etat dans ces contrées enclavées. «Ici, les villageois ont appris à se prendre en charge depuis des lustres, alors l'Etat trouve la situation khabza», ironise Dda Ramdhane.
Mourad, les cheveux gominés, derrière des lunettes de soleil noires, trouve le lieu magique. «Je ne crois pas trop aux saints, même si j'avoue que l'endroit inspire respect et piété», a-t-il déclaré en guise d'introduction, avant de lâcher : «Il faut avouer que la plupart des jeunes viennent ici pour se rincer les yeux. Ce n'est pas chaque jour qu'on a l'occasion de voir autant de belles nanas.» Et d'ajouter : «Ne voyez pas ça d'un mauvais œil. Beaucoup de jeunes choisissent leur dulcinée dans de pareilles occasions.» De rencontres, il s'agit en fait de quelques échanges furtifs de regard ou de salamalecs. La pudeur et le respect sont de mise, tradition oblige. Mais l'impeccable organisation, encadrée par des dizaines de vigiles parfois discrets, rend l'ambiance joviale et des plus détendues où, l'espace d'une journée, les pèlerins auront droit à une escapade méritée en ces temps de disette et d'oisiveté, en plus d'un bon couscous offert par les Aït Adella.
Vuchikker : protection et plus si affinités…
Surplombant d'autres lieux mythiques, à près d'une trentaine de kilomètres de là, vuchikker est célébré annuellement par les Aït Aïssa Ouyahia tout près du chef-lieu de la commune d'Illilten. A l'entrée du site mitoyen d'un cimetière, Ali du comité de village nous convie illico presto à un couscous. L'ambiance est bon enfant. Pour estimer le nombre de visiteurs, Ali nous donne un indice : «Il est 14h et nous venons de distribuer quelque 6000 repas» non sans préciser que pas moins d'un veau et de 41 moutons ont été égorgés pour la circonstance.
La cour grouille de monde.
La gent féminine est plus imposante. L'exiguïté des lieux rend la foule compacte. Les vigiles se font discrets. Ali n'arrive pas à expliquer l'origine du rite. «ça reste un saint, mais non encore élucidé», s'est-il contenté de dire. Même la somme des dons des visiteurs ne peut être divulguée par peur de représailles du saint, nous confie ce dynamique organisateur. Un pactole estimé autour de 1 million de dinars, nous dira plus tard un villageois, sans compter les dons en bétail, vêtements et autres. A l'instar des autres saints, l'argent ramassé sert à l'entretien des lieux et aux utilités pour le village. Ali a indiqué que par la grâce de vuchikker et des dons des émigrés, le village s'est permis le luxe d'une adduction en eau potable d'un montant de 12,5 millions de dinars. Pour l'immédiat, Ali a avoué que le comité cherche âmes charitables pour l'érection d'un monument pour les 60 martyrs que compte le village de près de 1500 habitants.
Dans tous les villages de la commune, août est souvent perçu comme étant celui des mariages et des ziaras. Chaque village dispose de lieux mythiques où annuellement les gens fêtent l'événement dans la communion. Mais au-delà de l'aspect folklorique de ces rites, toutes les personnes accostées ont préféré mettre l'accent sur la dureté de leurs conditions de vie. Des jeunes flemmards qui ne songent qu'à partir sous des cieux plus cléments.
Travailleur au lycée pour la modique somme de 6400 DA par mois, Mohand, de Tifilkout, un village situé à 1 km de chef-lieu de la commune, fulmine. Il raconte son mal : dans son village, pour aménager un terrain de football pour les jeunes, chaque foyer doit débourser pas moins de 5000 DA. Soit presque sa mensualité. Le comble, c'est qu'il doit s'acquitter de cette somme pour ne pas s'attirer les foudres de ses concitoyens. «Les gens se sont tellement habitués à se prendre en charge qu'ils ont fini par ne plus solliciter l'Etat pour ce genre d'infrastructures», s'est-il indigné. Et d'ajouter : «Pis encore, depuis 2002, le gouvernement et les délégués des archs ne cessent de se vanter d'avoir arraché un programme spécial pour la Kabylie. Aujourd'hui, non seulement nous n'avons rien eu, mais pour les autres régions d'Algérie, l'argent coule à flots chez nous.»
Havre de paix, aux paysages d'une splendeur à faire rougir les plus attrayants points touristiques d'ailleurs, Illilten, à l'instar des autres localités environnantes, souffre de l'enclavement.
Dans ces contrées, l'Etat manifeste sa présence lors des élections pour solliciter la voix des villageois. Les joutes ayant opposé les jeunes insurgés aux brigades antiémeute lors des élections locales d'octobre 2002 sont vécues comme un événement hors pair.
La raison : les jeunes ont «fêté» à leur manière cette première présence policière dans la région. En dehors, c'est aux saints qu'échoit la mission de veiller sur des crêtes coiffées de villages et de hameaux et qui, de guerre lasse, ont fini par ne rien attendre.


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