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Lettre ouverte à nos amis ambassadeurs des pays de l'UE accrédités à Alger
Publié dans El Watan le 18 - 09 - 2005

La presse a rapporté que les diplomates européens seraient allés au-delà de la simple prise d'acte des explications données par le représentant du gouvernement algérien ; sollicités «à chaud» par les médias, ils auraient déclaré leur soutien au projet. Certain(s) seraient allés jusqu'à affirmer que cette charte «se situe dans le cadre d'une politique que leur(s) gouvernement(s) n'avait cessé d'appuyer et de proposer à l'Algérie» tout en précisant que le dernier mot devait revenir aux citoyens algériens.
Cependant, le représentant du pays qui préside en ce moment l'Union européenne a été plus réservé, se félicitant seulement de la coopération renforcée avec l'Algérie pour lutter contre le terrorisme transnational.
Personnellement, j'ai eu à servir mon pays en tant que professeur-chercheur en sciences médicales, recteur d'université, ministre, mais aussi ambassadeur, avant de démissionner plus tard du Sénat suite à la répression qui s'est abattue sur la Kabylie et considérant que la démocratie et les libertés étaient menacées.
En tant que responsable à l'époque, j'ai eu à entretenir d'excellents rapports avec les représentants des pays européens et j'ai eu à cet égard le privilège de promouvoir une multitude d'accords de coopération interuniversitaire au plan de la formation et de la recherche.
Aussi, après ces déclarations rapportées par la presse, j'ai pensé qu'il était de mon devoir, ne serait-ce qu'en tant qu'ancien «collègue», d'apporter quelques appréciations, mais aussi de vous soumettre quelques interrogations et éléments de réflexion sur ce propos. Que les inconditionnels algériens du oui «se rassurent» (partis de l'alliance présidentielle, ersatz d'associations d'une société civile virtuelle, opportunistes et autres intellectuels déférents…), mon interpellation ne va pas dans le sens de vous demander d'appuyer le rejet de la charte que les démocrates ont dénoncé. C'est tout simplement pour apporter une appréciation sur vos déclarations rapportées par la presse, et en même temps pour susciter une réflexion sur des interrogations majeures qui dépassent les frontières de la seule Algérie, dans la mesure où vous êtes aussi considérés comme des vecteurs objectifs de valeurs universelles, comme les droits de l'homme, les libertés, la démocratie.Du reste, l'Union européenne a érigé comme principes intangibles ces valeurs, présidant à toute signature d'accord avec les pays du Sud !
La réconciliation proposée au peuple algérien par la charte, et que certains pays «ont suggéré» à l'Algérie par le passé, compromet gravement l'avenir de l'Algérie, une Algérie moderne, tournée vers le progrès et l'universalité. es questions de forme et de fond ont été longuement développées par les démocrates algériens pour argumenter le rejet de cette charte soumise à consultation au peuple algérien, sans débat contradictoire ; vous avez eu tout le loisir de les lire à travers la presse indépendante, les médias officiels n'en soufflant mot, comme vous avez eu à constater «le rouleau compresseur» mis en œuvre par le pouvoir pour un «oui massif», pour une consultation dont les résultats sont connus à l'avance, selon «le bon rituel traditionnel» qui ferait pâlir de jalousie Naegelen lui-même.Plus grave, un doigt inquisiteur est pointé sur tous ceux qui oseraient s'opposer au projet, qualifiés d'ennemis de l'Algérie, voire de fous. Ils seraient dénoncés nom par nom entend-on dire à travers les meetings.
Même du temps du parti unique, il y eut malgré tout, en 1976, un débat autour d'un certain avant-projet de charte nationale ! En votre âme et conscience, avez-vous assisté au moindre frémissement de débat contradictoire ? Avez-vous vu à travers les médias officiels le moindre partisan du «non» s'exprimer ?
Un pays peut-il receler un seul courant, celui des «oui disards» ?
Pensez-vous que la réconciliation et la paix proposées, où les crimes imprescriptibles ne sont pas punis, où le criminel ne reconnaît pas ses crimes, les revendiquant, comme «une guerre juste» ou il ne demande pas le pardon que seul le peuple est habilité à prononcer, pensez-vous qu'elle soit bonne pour l'Algérie meurtrie ?
En votre âme et conscience, peut-on réconcilier deux projets de société diamétralement opposés ? Une telle démarche va laisser intacte et confortée la matrice idéologique du terrorisme islamiste, qui n'aura de cesse que de faire aboutir les objectifs contrariés «de la décennie noire» grâce à la résistance populaire conjuguée à celle des forces de sécurité. Car le terrorisme a été vaincu sur le terrain et bien vaincu. Le blanc seing que ce texte donne au chef de l'Etat ne risque-t-il pas de déboucher sur une amnistie générale (comme l'ont affirmé plusieurs officiels, malgré les dénégations présidentielle, tout en connaissant les contradictions des discours), amnistie que vos pays, que le monde libre, réprouve ? Ne risque-t-il pas également d'aboutir à un pouvoir absolu, que la démocratie, votre démocratie, condamne.
En fait, ce que le peuple algérien souhaite ardemment, c'est que l'Etat et ses institutions se réconcilient avec les citoyens pour une plus grande justice sociale, pour que les milliards de dollars engrangés comme cela ne s'est jamais produit servent réellement au développement pour tous, une réconciliation pour réduire la malvie et le chômage, pour une éducation et une santé de qualité pour tous, pour le respect de la dignité et des libertés démocratiques, pour une justice authentique.
En bref, faire du citoyen un être humain émancipé, participant à tous les actes de la vie de la nation, un citoyen vivant dans un Etat républicain, démocratique, moderne. Ne faudrait-il pas rappeler que certains pays occidentaux ont servi pratiquement de bases arrière au terrorisme qui a fait le malheur de mon pays, ne pensant qu'à des intérêts égoïstes et étroits ? N'avaient-ils pas voulu, à une certaine époque, nous livrer pieds et poings liés au nom de la poursuite du processus électoral (en fait un processus miné par les islamistes), à un «inéluctable processus historique» ? Ces pays n'ont-ils pas voulu semer le doute dans les esprits avec leur fameux «qui tue qui» ?
Ils l'ont finalement compris à leurs dépens le 11 septembre 2001 à New-York ou le 7 juillet 2005 à Londres. Aujourd'hui, ils ont engagé une lutte sans merci contre le terrorisme islamiste intégriste considéré enfin comme un fléau international, ce que l'Algérie n'a eu de cesse de proclamer.Aussi, plusieurs pays, des associations de la société civile, des partis politiques, des ONG, des commissions européennes et onusiennes, des intellectuels ne comprennent plus l'attitude du pouvoir algérien qui, par la bouche du chef de l'Etat, tend la main à ceux qui veulent toujours la lui couper.
N'a-t-on pas vu une certaine Autriche mise au banc de la société européenne, menacée d'embargo après le succès électoral de l'extrême droite, et ce, sans état d'âme sur le respect du processus démocratique qui l'avait portée à la victoire !Aujourd'hui, si l'on devait croire ce que rapporte la presse, vous nous préconisez la paix et la réconciliation proposées par le projet présidentiel, alors qu'au même moment :
– Londres, berceau des droits de l'homme et des libertés, a engagé à juste titre une poursuite implacable contre les terroristes et les commanditaires des attentats du 7 juillet 2005, une révision et un durcissement de ses lois, tout en procédant à des extraditions qu'elle avait toujours refusées au nom des droits de l'homme. Va-t-elle parler de réconciliation avec ceux qui ont fait couler le sang anglais ?
Washington «range» sa démocratie et ses libertés légendaires et exerce un contrôle drastique sur tous les médias ; elle a pris des mesures exceptionnelles à l'égard des voyageurs, mesures frisant parfois l'humiliation.
– Les USA vont-ils selon vous se réconcilier avec les criminels du 11 septembre, avec El Qaîda, et leur pardonner ? La guerre engagée en Afghanistan a été leur réponse.
Madrid a engagé également une lutte implacable contre les responsables des attentats, les traquant partout ; sûrement pas pour une réconciliation !
Paris pourra-t-elle se réconcilier avec les auteurs d'attentats commis sur le sol français ? Que d'yeux ont assisté, il y a quelques années, en direct à la télévision, à la mise à mort d'un terroriste abattu à la lisière d'un bois comme un sanglier. La rigueur et la vigueur du plan vigipirate est la formule engagée pour préserver la paix.
Partout, les demandes d'extradition se multiplient. La justice s'exerce impitoyablement. Dans un monde devenu de plus en plus interdépendant, il ne peut être question pour les uns de guerre totale contre El Qaîda et pour les autres de paix avec le GSPC ; le second n'étant qu'une filiale de la première.
Certains analystes parlent d'une 4e guerre mondiale contre le terrorisme, la 3e étant celle de la guerre froide ; ils vont jusqu'à s'interroger si le bourbier irakien et le pourrissement au Proche-Orient ne vont pas alimenter le terrorisme, voire créer les conditions de choc des civilisations que le monde refuse ! Pourrions-nous, pourriez-vous oublier le diplomate égyptien et les deux diplomates algériens assassinés en Irak ? Ils auraient pu être de n'importe quel pays, dont les vôtres !
Pouvez-vous appeler à une réconciliation à Londres, à Paris, à New-york, à Madrid… avec El Qaîda ? Pourriez-vous appeler à négocier avec ses commanditaires la paix et l'imposer ou la proposer à vos peuples ?
Après l'attentat du 11 septembre, tout en compatissant avec le peuple américain, n'avions nous pas écrit : «Nos 150 000 morts et vos gratte-ciels», ou encore «l'humanité entière est sur un même radeau» pour mettre en exergue la disproportion des faits et des réactions,mais aussi pour réaffirmer, encore une fois, la transnationnalité de ce fléau terroriste. L'Algérie l'avait clamé, en vain.
L'après-11 septembre lui donna raison. Ce terrorisme a voulu détruire l'Etat algérien et la République pour en faire un Etat rétrograde, moyenâgeux, avec la bénédiction de certaines monarchies, terreaux de cette idéologie fasciste, pays qui payent aujourd'hui à leur tour le prix de cette politique.Non, on ne peut pas, non vous ne pouvez pas effacer des stigmates indélébiles d'atrocités, de crimes imprescriptibles que le droit international, votre droit, condamnent. L'Algérie fait partie des peuples martyrs, un pays où un drame s'est déroulé presque à huis clos dans une indifférence incompréhensible .
Le devoir de mémoire ainsi que le devoir de vérité et de justice ont été et sont toujours parmi les principes fondamentaux des droits de l'homme au plan universel ; comme le droit international considère que les crimes imprescriptibles ne peuvent être gommés par un simple référendum ou une décision politique.
La réponse à ceux qui suggèrent la réconciliation proposée dans le projet de charte, qui le cautionnent en quelque sorte, se trouve dans les interrogations suivantes :
Peut-on oublier les massacres collectifs de Bentalha, de Raïs ?
Peut-on pardonner sans que les criminels reconnaissent leurs crimes et demandent pardon ?
Peut-on oublier les dizaines de victimes des attentats du boulevard Amirouche et de l'aéroport d'Alger, revendiqués par ceux-là même qu'on nous demande d'accueillir avec du lait et des dattes comme «de simples opposants politiques» ? Peut-on oublier ces bébés enfournés, ces citoyens, ces journalistes, ces intellectuels, ces agents des forces de sécurité abattus, égorgés, massacrés ? Peut-on oublier le drame de toutes ces femmes violées, et pardonner par un simple oui dans une enveloppe bleue, et cela sans parler des milliards de dollars de dégâts occasionnés à l'Algérie ?
Le pardon ne peut jamais être imposé par une loi, comme il ne peut en aucun cas se substituer à la justice. L'histoire, en fait, rattrape toujours les criminels, comme elle se répète et se réécrit, mais avec des acteurs et dans des contextes différents ; comme elle garde immuable la dignité de l'espèce humaine et des droits de l'homme, comme les crimes imprescriptibles restent égaux à eux-mêmes.
Le devoir de mémoire universel (et le drame algérien en fait partie) est demeuré toujours présent dans vos esprits mes chers amis ; l'histoire est riche en exemples, qu'on en juge dans ce qui suit. Après plus d'un siècle, le monde se souvient encore :
– du génocide arménien,
– du génocide tzigane,
– du génocide juif,
– du massacre d'Oradour sur Glane,
– la traque et les procès nazis,
– les procès des collaborateurs vichyssois,
– les iang-fu ou «femmes de réconfort» de l'impérialisme japonais.
Que d'ouvrages, de films, de débats y ont été consacrés jusqu'à ce jour, que de monuments érigés et de commémorations pour que la flamme du souvenir demeure vivace.
Les actes de repentance se sont succédé au plus haut niveau d'Etats à peuples (Allemagne, France, Japon).
Plus près de nous, le 11 septembre est commémoré de façon solennelle et grandiose.
Madrid rend hommage aux victimes des attentats de mars 2005 avec un grand recueillement associant des chefs d'Etat… Tout cela ne doit pas nous faire oublier les positions courageuses, comme au temps de la lutte de libération nationale, de nombreux pays, de nombreuses associations, de nombreux intellectuels ont soutenu le peuple algérien dans son combat pour la défense de la République et des libertés démocratiques. Mes chers amis, dans cette lettre ouverte, j'ai voulu m'adresser à vous de façon confraternelle, dans un contexte des plus préoccupants, pour rappeler certains faits et certaines réalités comme j'ai soulevé des interrogations majeures à la mesure des défis auxquels mon pays est confronté aujourd'hui pour son avenir. Représentants de pays démocratiques, soyez des observateurs attentifs et objectifs et tout en défendant les intérêts de vos pays et de l'Union européenne, songez avec nous aux enjeux de la concrétisation du grand ensemble euro-méditerranéen auquel nous aspirons tous.
Dans cet ensemble, l'expérience et l'exemple de l'Algérie seront déterminants, dans la mesure où le triomphe de la démocratie et l'édification d'un Etat républicain moderne où les droits de l'homme sont respectés et les libertés épanouies, auront un impact considérable dans toute la région, Maghreb et pays arabes confondus. Il ne peut y avoir de progrès sans la démocratie.
Alger, le 16 septembre 2005


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