Les résultats des dernières enquêtes ont levé le voile sur une vérité inquiétante. Non seulement l'opinion des Algériens en faveur des droits égalitaires régresse, mais les femmes sont de plus en plus nombreuses – plus d'un million et demi – à être empêchées de travailler. Les statistiques relatives à l'emploi démontrent que seulement moins de 15% des femmes en âge de travailler ont une activité professionnelle. Les femmes mariées sont les premières victimes de cet interdit, puisqu'elles ne représentent que 9,6% des femmes qui travaillent. Les femmes célibataires, divorcées ou séparées qui travaillent constituent quant à elles respectivement 12,5% et 31%. Les privilégiées qui ont la chance de trouver un emploi se heurtent souvent au harcèlement sexuel, devenu un inquiétant phénomène de société qui bloque le développement de la citoyenneté des Algériennes. La législation, restée depuis des années muette à ce sujet, a connu une réforme. Celle-ci reste toutefois en deçà de la gravité du fléau. Soutenues par le mouvement associatif féminin et les militants des droits de l'homme algériens et étrangers, les milliers de femmes harcelées n'ont eu de cesse de tirer la sonnette d'alarme sur la faiblesse des moyens de défense prévus par le code pénal qui permet aux « harceleurs » de se cacher derrière l'absence de preuves matérielles, devant la justice. Face à ce vide juridique, les Algériennes constituent la catégorie la plus sujette aux violences non seulement au sein de la famille lorsqu'elles sont célibataires mais aussi dans leur domicile conjugal et même dans la rue. Les chiffres restent très révélateurs, en dépit du fait que la violence à l'égard des femmes est depuis, au moins cinq ans, considérée comme un problème de santé publique. Aucun effort en matière n'a été consenti pour promulguer des lois allant dans le sens d'une meilleure prise en charge des victimes et d'une plus grande répression à l'encontre des auteurs. Les derniers amendements de la Constitution relatifs à l'obligation d'une plus grande représentativité politique des femmes dans les institutions élues à tous les niveaux sont restés sans suite. Le texte organique devant définir les modalités de leur application n'est toujours pas promulgué. Il faudra attendre encore des années, peut-être le prochain 8 mars, ou plutôt la prochaine échéance électorale présidentielle. Bien qu'ils constituent une avancée, les derniers amendements du code de la famille et du code de la nationalité, ne semble pas donner de résultats sur le terrain du fait de leur méconnaissance par les premières concernées : les femmes. Plus grave, dans de nombreuses régions reculées du pays et même dans certaines agglomérations urbaines, l'on continue de faire de mauvaises interprétations des textes. L'on continue ainsi à demander, par exemple, un certificat de virginité aux femmes qui sont sur le point de signer leur acte de mariage, au lieu d'un certificat de non-présence de maladies à transmission sexuelle pour les deux futurs époux, comme le prévoit la loi. Des mairies continuent également d'approuver la signature d'un deuxième contrat de mariage sans que la première épouse ait donné son accord, alors que le nouveau code le proscrit. Face à cet environnement qui bloque toute émancipation des femmes, l'avis de l'opinion publique sur les valeurs égalitaires connaît, selon les dernières enquêtes du Centre d'information et de documentation des droits des femmes et des enfants (Cidef), un inquiétant recul par rapport aux chiffres de l'année 2000. Même s'ils tirent la sonnette d'alarme à travers leur enquête, les spécialistes relèvent qu'il est encore possible d'offrir à la société de meilleurs horizons. Cela est possible, disent-ils, si les pouvoirs publics décident enfin d'opter pour un projet de société moderne à travers des lois égalitaires, mais aussi des institutions qui reflètent ce choix. Malheureusement, cette volonté n'a pas encore était affichée, laissant tout un pan de la société se battre pour une dignité quotidiennement bafouée.