Des gangs de voyous, de voleurs et de malfrats, se croyant impunis, sont arrivés à imposer leur diktat. Ils font la loi. En raison des menaces, les victimes n'osent même pas dénoncer leurs pratiques maffieuses. Le port de Bouharoun s'est transformé en un paradis pour les bandes de malfaiteurs. Les armateurs n'arrivent plus à vivre dans ce climat malsain, caractérisé selon leurs propos par l'insécurité. A l'aube, les acheteurs des casiers de sardines sont agressés par des jeunes qui font régner la terreur dans l'obscurité, au port de Bouharoun. En début de l'après-midi, dans cette atmosphère dans laquelle baigne l'impunité, les canailles arrivent à exiger aux patrons pêcheurs des casiers de poissons blancs de haute qualité, à des prix d'achat à leur convenance, sans se soumettre au rituel de la vente de poisson à quai comme à l'accoutumée. Ce n'est point de la fiction, mais bel et bien le spectacle effrayant imposé par la Camorra au port de Bouharoun, wilaya de Tipaza, sous les regards d'une foule humaine impuissante. C'est la loi de la violence et la terreur pratiquée par ces gangs dans «leur paradis», pour gagner de l'argent. Au 2e jour du Ramadhan, l'armateur Mimoun (62 ans), ayant refusé de se soumettre aux ordres, a été jeté en mer par un gang et a été menacé de mort. C'est le prix à payer pour quelqu'un qui s'aventure à faire de la résistance à cette maffia. Cela s'est déroulée sous les yeux d'une forte assistance composée de marins, de clients et de badauds. La victime, qui vient de briser la loi du silence, a saisi les services de la Gendarmerie nationale et le tribunal de Koléa. Ses collègues ont dénoncé cette énième agression. Contactées par nos soins, les victimes reconnaissent qu'une forme de terrorisme identique à celle des années 1993 et 1994 règne au port de Bouharoun. Ils témoignent certes d'une manière anonyme, mais craignent les représailles des gangs. «Ecoutez monsieur le journaliste, nous déclare un armateur fort connu dans le milieu de la pêche, ces truands sont capables de nous tuer. Nous habitons dans une petite ville et nous nous connaissons parfaitement. Tout ce que vous venez d'apprendre est vrai. Au port de Bouharoun, nous ne vivons pas en paix et je reconnais que nous avons peur de les dénoncer auprès des services de sécurité», conclut-il. A la suite de la plainte déposée par l'armateur Mimoun, les éléments de la Gendarmerie nationale ont entamé les procédures, sur instruction du magistrat du tribunal de Koléa. Passif, le monde des pêcheurs, retranché dans le silence, observe et attend l'aboutissement de la réaction des gendarmes. En cet après-midi du 10e jour de Ramadhan au port de Bouharoun, les gardiens de parking de fortune ne cesse d'utiliser des sifflets pour diriger les automobilistes. Absence d'hygiène C'est l'embouteillage des heures de pointe qui se produit au port infecte de Bouharoun. Les eaux stagnantes et les eaux usées qui ruissellent sur un sol «labouré» et sali par la boue, dégagent des odeurs nauséabondes et suffocantes. Les piétons tentent difficilement de se frayer un passage au milieu des casiers de poissons douteux installés sur le sol insalubre. Les voitures circulent très lentement pour éviter de tomber dans «les flaques d'eau noirâtre et puante». Le commerce des poissons se pratique à l'abri de tout contrôle de l'Etat. L'hygiène est totalement absente dans ce décor. La pêcherie demeure toujours inactive en dépit des aménagements effectués par la wilaya de Tipaza, à l'intérieur des hangars autrefois abandonnés. En cet après-midi, les éléments de la Gendarmerie nationale venus en renfort se mêlent au milieu de la foule dense. Les chalutiers commencent à regagner les quais du port à partir de 12h40. Beaucoup de citoyens sont soulagés par leur présence. La sécurité est assurée. Les clients peuvent murmurer aux oreilles des patrons pêcheurs les prix des casiers pleins de poissons sans risquer la menace des gangs. Les «essaims humains» tanguent d'un navire à un autre selon l'ordre d'accostage. On se méfie des larcins. Les gendarmes interpellent les personnes suspectes et les emmènent dans leur fourgon. Hormis quelques bagarres qui se déroulaient autour des casiers de sardines et de poissons, la présence des policiers et des gendarmes en cet après-midi a dissuadé les sinistres individus de «la Camorra» du port de Bouharoun. Le responsable de la gestion du port exprime son impuissance face à cette anarchie. Les mises en demeure pour la démolition des constructions illicites ne sont pas suivies d'effet. En face de nous, cela n'a pas empêché les restaurateurs fermés en ce mois de Ramadhan d'effectuer des travaux de toiture pour agrandir leurs terrasses dans l'illégalité. Même les poteaux de l'éclairage public, agressés, se retrouvent au milieu des terrasses couvertes. A proximité de la clôture de l'unité de l'Ecorep, un monticule d'immondices ne semble pas du tout gêner les personnes qui travaillent et celles qui se rendent de l'autre côté du bassin. Le laxisme de l'APC de Bouharoun et sa complicité dans la dégradation de cette importante infrastructure portuaire nationale implantée dans la wilaya de Tipaza, depuis plusieurs années, ont fait l'objet des critiques et des remarques de la wilaya de Tipaza. Le premier «élu» local, depuis 1990, immunisé contre de telles remarques, continue à faire le dos rond devant les critiques des responsables, des gens de la mer et les citoyens de Bouharoun. La présence continue des forces de la Gendarmerie nationale n'est pas considérée comme étant la meilleure solution pour vivre un quotidien paisible dans ce port, en mesure de nourrir des milliers de familles, d'animer des activités commerciales et de renflouer les caisses de l'APC. L'accostage anarchique des navires dans les bassins du port, qui viennent de bénéficier d'une opération coûteuse de dragage, la multiplication dans l'impunité des constructions illicites dans ce port, l'absence de contrôles de qualité des «poisons» mis en vente par des personnes qui ne disposent même pas de registres de commerce, l'absence de collaboration entre l'ensemble des représentants des institutions de l'Etat pour appliquer les textes réglementaires, les insouciances de l'autorité locale «usée» par plusieurs mandats, sont autant de paramètres qui ont défiguré l'infrastructure portuaire de Bouharoun et ont transformé cet espace entièrement pollué en un paradis pour les brigands. Il est 15h30. De gros nuages couvrent le ciel, le vent commence à souffler, une pluie fine commence à tomber. La mauvais temps est annoncé. C'est le moment de quitter le port de Bouharoun, un port qui ne mérite pas ce sort.