Madagascar s'enfonce dans la crise politique. Cette île de 587 040 km2, peuplée par plus de 18 millions d'habitants, est secouée, depuis décembre 2008, par un conflit politique opposant le président malgache, Marc Ravalomanana, au maire déchu de la capitale de ce pays, Andry Rajoelina. Cette crise semble très profonde. Le différend entre Marc Ravalomanana, président réélu en 2006, et l'actuel chef de l'opposition, le jeune maire (34 ans) de la capitale, Antananarivo, n'est, semble-t-il, qu'une partie visible de l'iceberg. Selon les observateurs, le terreau de la crise serait avant tout social, car, affirme-t-on, l'actuel président n'avait pas tenu ses promesses. « Si les premières années du pouvoir de Ravalomanana ont permis au pays de se relever quelque peu de la crise de 2002 (construction des infrastructures routières, croissance de 7%, inflation maîtrisée, tourisme exponentiel, protection de la biodiversité malgache améliorée), le début de son deuxième mandat en 2006 est marqué par des promesses non tenues. A cela, il faut ajouter les entraves aux libertés, la mise en place d'un pouvoir autocratique et surtout l'exacerbation de la misère dont souffre le peuple malgache », estiment ces observateurs. Mais le début de la crise était d'abord « une entrave aux libertés d'expression ». En effet, à l'origine de la situation actuelle, il y a la fermeture par le gouvernement, le 13 décembre 2008, de la télévision privée de Andry Rajoelina, Viva. C'était la goutte qui a fait déborder le vase. Andry Rajoelina accuse alors « le pouvoir de vouloir le priver de ses moyens de communication ». N'ayant pas accepté la décision du gouvernement, des dizaines de milliers de personnes se sont réunies dans le centre-ville de la capitale malgache à l'appel du maire pour protester contre le régime en place. Le bras de fer se durcit. Porté par la forte mobilisation de ses partisans, le jeune maire demande le départ du président qu'il accuse « de corruption et de dérives autocratiques ». La suite est connue. Plusieurs manifestations ont eu lieu à Antananarivo qui ont donné lieu à des heurts violents entre partisans du jeune maire et des forces de l'ordre. Des heurts qui se sont soldés par plus de 125 morts, des scènes de pillage et une crise politique qui s'est installée dans la durée : plus de trois mois d'incertitude. Les deux antagonistes n'arrivent plus à s'entendre. Organisées en février dernier par l'archevêque d'Antananarivo, principal médiateur entre les deux hommes, les tentatives de médiation n'ont pas eu les effets escomptés. Malgré l'engagement de Ravalomanana et de Rajoelina à entreprendre des actions en vue de calmer les esprits, la tension n'a toujours pas baissé. La confrontation entre les forces de l'ordre et les manifestants est toujours de mise. Un fait nouveau risque d'affaiblir davantage le président Marc Ravalomanana. Il s'agit de la désobéissance des militaires en guise de protestation contre la répression des civils. C'était dimanche dernier. Des officiers du camp CAPSAT (Corps d'administration du personnel et des services de l'armée) avaient bloqué les accès à ce camp, loin d'environ six kilomètres du centre de la capitale. Un camp considéré comme le « poumon de l'armée malgache ». Hier encore, le colonel Rakotonandrasana a appelé les autres forces de l'ordre du pays « à rejoindre son mouvement, tout en affirmant que de nombreux officiers de l'armée l'ont déjà rejoint ». Alors que le président considère ce mouvement comme une mutinerie, les militaires, eux, affirment le contraire. « Ce n'est pas une mutinerie, mais on ne peut pas accepter la répression contre la population civile », a lancé le colonel Noël Rakotonandrasana. En tout cas, le conflit est loin d'être résolu et l'opposition maintient sa mobilisation. Quel avenir pour la jeune démocratie malgache ?