Par ailleurs, ce même appareil a une importance capitale et stratégique tant pour l'individu que pour la société, en ce sens qu'il permet aux demandeurs de formation de suivre une formation et d'obtenir une qualification ou un diplôme professionnel. Il donne aussi aux différentes catégories ayant des besoins spécifiques (handicapés moteurs, jeunes délinquants…), l'occasion de s'instruire et de se former pour pouvoir s'insérer socialement. Il est juste de dire que l'ignorance et l'analphabétisme sont à l'origine de la pauvreté au sein de la société ; et lutter contre l'analphabétisme, c'est aussi lutter contre la pauvreté. Les récents rapports de l'Unesco et de l'Alesco tirent la sonnette d'alarme : l'analphabétisme s'aggrave dans les pays sous-développés, notamment dans le monde arabe. Il est clair que la lutte contre les deux fléaux majeurs, que sont l'analphabétisme et la pauvreté, est l'affaire de tous au sein d'une même société. Et cette lutte ne peut réussir et fructifier que si elle est menée dans un cadre d'une action coordonnée et concertée, mettant en synergie l'ensemble des moyens des institutions de l'Etat et de ceux de la société civile. 1- Comment et à quel niveau faut-il intervenir ? Le traitement du phénomène de l'analphabétisme doit se faire à plusieurs niveaux. Dans un premier niveau : Il faut d'abord attaquer le mal à sa racine : – La non-scolarisation des jeunes enfants en âge de l'être, c'est-à-dire ceux qui ont atteint les six ans révolus, – La déscolarisation précoce des jeunes avant la limite d'âge réglementaire. La loi portant obligation scolaire est claire à ce sujet : tout enfant (garçon et fille), qui atteint 6 ans d'âge, doit être obligatoirement inscrit en 10 années de l'enseignement de base. Il ne peut être exclu de cette école de base obligatoire avant l'âge réglementaire fixé à 16 ans révolus. C'est un droit fondamental reconnu dans le cadre de la charte des droits de l'enfant : le droit à une éducation et une scolarisation de base complète. C'est une obligation pour les parents d'inscrire leurs enfants à l'école en temps voulu et de les y maintenir tout le temps qu'il faut. C'est aussi une obligation pour l'Etat d'offrir cette possibilité à tous les enfants qui y ont droit. Et l'administration scolaire ne doit pas exclure un enfant avant l'âge limite. C'est ainsi, et seulement ainsi, qu'on arrivera à tarir la source qui alimente le réservoir des analphabètes, déjà trop plein. Un enfant peut être mal nourri ou mal vêtu, mais il ne doit en aucun cas être privé de son droit au savoir. En deuxième niveau : Il faut tout mobiliser et tout mettre en œuvre pour traiter l'énorme masse des analphabètes que compte actuellement notre population et qui serait de l'ordre de 7 millions ! Cela nécessiterait un véritable plan Marshall national pour arriver à réduire, un tant soit peu, ce nombre impressionnant d'analphabètes, qui restent un lourd fardeau pour toute la société. Pour ce faire, il y a lieu d'engager l'ensemble des organisations de masse agréées et activant dans le cadre du mouvement associatif, aux côtés des structures et institutions publiques, pour assurer une organisation des cours d'alphabétisation efficace et effective. Ces cours doivent être rapprochés le plus possible des populations qui en ont besoin. Pour cela, l'ensemble des infrastructures publiques scolaires (écoles primaires, collèges, lycées…), et de formation (centres, instituts…) doivent être utilisées en dehors des heures de cours ou de formation, pour accueillir les populations à alphabétiser. Les associations agréées, qu'elles soient à caractère éducatif, culturel ou d'animation de jeunesse…, doivent être encouragées (moyennant priorité à la subvention et autres faveurs…), à participer à l'effort de l'Etat dans toutes les opérations liées à l'alphabétisation. En ce qui concerne l'encadrement de l'alphabétisation, il faut faire appel au corps enseignant moyennant primes d'encouragement, ainsi qu'aux jeunes diplômés chômeurs, dont le nombre est important, en les recrutant dans le cadre des différents dispositifs mis en place par les pouvoirs publics (préemploi, emploi des jeunes, filet social…) en leur faisant subir au préalable, une formation de courte durée pour leur préparation au poste de travail. 2- Lier l'action d'alphabétisation à l'insertion par la formation : ou comment assurer le prolongement de l'alphabétisation par l'apprentissage d'un métier manuel ? Faire sortir des individus du tunnel de l'analphabétisme, mieux empêcher d'autres d'y tomber, est certes difficile à relever, mais que l'Etat et la société doivent obligatoirement prendre en charge et traiter en priorité. Il ne suffit plus, de nos jours, d'apprendre aux analphabètes à lire, à écrire ou à compter. Même s'ils y réussissent, cela ne leur suffira pas pour affronter les difficultés économiques de la vie quotidienne. Ils ont besoin qu'on leur apprenne à faire quelque chose de leurs mains, à apprendre un métier manuel qui leur assure une autonomie et leur facilite l'insertion sociale et professionnelle. Cela exige une coordination étroite entre les organisateurs des cours d'alphabétisation et les services de l'appareil national de formation professionnelle. Pour ce faire, les structures de formation doivent être laissées ouvertes en dehors des heures de formation pour être utilisées au profit des personnes alphabétisées. Les ateliers et les équipements des centres de formation, des annexes et des sections détachées peuvent servir à cet effet, avec un partage des frais de fonctionnement avec les collectivités locales. Quant aux formateurs des centres de formation, ils prendront en charge, en sus de leur charge horaire, l'encadrement de ces bénéficiaires moyennant des primes d'encouragement. On peut avoir recours à la formation par apprentissage, en plaçant les alphabétisés comme apprentis auprès des artisans et petites entreprises. Le rapprochement de l'offre de formation des lieux, où sont dispensés les cours d'alphabétisation, peut encourager les jeunes en milieu rural, notamment les jeunes filles et les femmes au foyer, à suivre avec profit les cours d'alphabétisation, et par la suite, ceux de formation. Quant aux formations à assurer aux alphabétisés, elles doivent être axées notamment en milieu rural, sur la vulgarisation agricole, les techniques de culture et d'arboriculture, les techniques d'élevage, les arts domestiques, la puériculture, l'éducation sanitaire, la protection de l'environnement… Il faudra, en somme, arriver à amener la famille à être productive en l'accompagnant de l'initiation, à la production jusqu'à la commercialisation et l'écoulement des produits. Il va de soi que ces actions ne peuvent réussir sans une intervention simultanée des autres secteurs étatiques pour réaliser toutes les infrastructures de base à même de désenclaver les zones isolées et de maintenir les populations en place : routes, conduites d'eau, électricité, écoles, structures sanitaires. Et c'est là une condition sine qua non pour prétendre à quelque forme de développement que ce soit. En conclusion, il a été clairement prouvé, par expérience, que l'ensemble des intervenants et opérateurs dans les différents domaines de la vie publique (collectivités locales, services publics d'éducation et de formation, services de la solidarité nationale et de l'emploi, mouvement associatif) doivent travailler en coordination étroite pour assurer une réussite complète de la triple équation suivante. – 1 Alphabétisation. Renforcement du niveau scolaire. – 2 Acquisition d'une formation ou d'un métier manuel. – 3 Accompagnement et aide à l'insertion socioprofessionnelle C'est ainsi qu'il sera possible de réussir, de façon intégrée, une réelle prise en charge des citoyens en proie à l'analphabétisme, à l'ignorance et à la pauvreté. Et c'est ainsi qu'on réussira à s'inscrire dans la logique du développement durable. Le traitement isolé d'une seule de ces trois parties ne sera que peine perdue. (*)L'auteur est Inspecteur d'orientation scolaire et professionnelle. Cadre d'administration publique.