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Les lois fondamentales des Etats arabes : des nœuds gordiens !
Publié dans El Watan le 06 - 11 - 2005

Je lui répliquais, à brûle-pourpoint, que si victoire il y avait, elle était à inscrire au combat mondial pour le recouvrement de l'indépendance, et que dans le champ de bataille où ils n'étaient pas seuls, même Israël, leur «ennemi», les «aidait» (2). Evidemment, il rejeta vivement l'allégation qu'il taxait, offusqué, de «débile».
Je m'évertuais quand même à lui rappeler que les révolutions, incarnant les forges d'Héphaïstos, comme l'était notamment la fournaise irakienne, toutes sortes d'artisans du fer, vivement intéressés, les visitaient immanquablement. Ce qu'il devrait savoir mieux que moi.
Je lui relatais alors l'histoire connue.
La France impératrice qui rechignait à reconnaître aux Algériens la paternité de la «Toussaint rouge», convaincue que par la répression sanglante de mai 1954 qu'elle avait accusé les nationalistes égyptiens d'en être les véritables instigateurs.
Pour la puissance coloniale, tous ses ennuis algériens prenaient leur source en Egypte, dirigée par Gamal Abdel Nasser. Subséquemment, la «Crise de Suez», de 1956 offrait l'occasion de solder le différend. La Grande-Bretagne et Israël, qui avaient évidemment chacun ses raisons de combattre le zaïm, étaient de la partie. Ainsi Tsahal, l'armée israélienne, ouvrit les hostilités le 29 octobre 1956. Deux jours après les troupes franco-britanniques envahissaient Port Saïd et Port Fouad. Mais sous les injonctions des Russes et des Américains, l'incursion était stoppée le 6 novembre 1956. Pour l'alliance franco-britannique, ce fut l'humiliation.
Nonobstant, la France ne lésinait ni sur les moyens ni sur les méthodes pour rendre la pareille à l'Egypte qui «n'arrêtait pas de l'agresser» ; «les chauds maquis algériens l'étayaient». Elle estimera tout de même prudent, judicieux de guerroyer par pays interposés, comme le faisait – d'après elle – son présumé vis-à-vis ; d'autant plus que le conflit israélo-arabe en offrait la clef de la solution.
C'est donc, vraisemblablement, initialement à cette fin que les chasseurs supersoniques Mystère IV A, dès leur sortie des usines de l'Hexagone, prenaient leur envol vers l'Etat hébreu, assurant à celui-ci la suprématie du ciel du Moyen-Orient. Dans la foulée, avec le concours des Britanniques, tout autant vindicatif, le gouvernement de Guy Mollet déposait sur l'autel Dimona, dans le désert du Néguev, une offrande de taille : un réacteur nucléaire (3). Et c'est ici qu'intervient mon propos. En se rendant compte que pour la coloniale franco-britannique leur pays faisait office de poste avancé implanté au cœur des territoires arabes, les Israéliens prenaient conscience qu'ils disposaient d'un atout formidable. Ils pouvaient, en dopant seulement le revanchisme des deux puissances humiliées, obtenir l'essentiel : un alignement inconditionnel. Sur le souci des Français, en particulier, Israël agira en menant un double jeu (les aveux d'Avraham Barzilaï sont édifiants à cet égard) (4) : pourchasser les fellagas du FLN et, parallèlement, les «aider» à remporter des victoires, en les renseignant sur les plans de campagne ennemis, en leur facilitant l'acquisition de l'arsenal de guérilla… y compris l'appel éloquent des responsables algériens, exhortant leurs «frères juifs» à se ranger de leur côté, inférait de cette ruse, assurément, puisqu'il ignorait le choix de la communauté israélite et que le décret Crémieux avait pleinement satisfait depuis des lustres (5). Conjugués à leur pugnacité, même mitigés, les succès remportés par les combattants du FLN/ALN faisaient enrager la France coloniale, l'incitant à fournir de plus en plus d'armement sophistiqué au pays ami qui livrait bataille pour la cause commune. Et ainsi, grâce à cette stratégie subtile séculaire, l'Etat hébreu est devenu une puissance militaire face à ses voisins arabes.
Voilà donc pourquoi et comment les Algériens ont été «aidés» par Israël dans leur lutte pour l'indépendance encore que, effectivement, la formule ne reflète pas la réalité dès lors qu'Israël menait, à travers le combat maghrébin, sa propre guerre.
Cela faisant partie de l'histoire, il s'agit maintenant de savoir si, en extrapolant à partir de ce constat spécifique, il est loisible aux Arabes et aux musulmans de cerner les enjeux – les opportunismes – que recèle l'actuelle lutte contre le terrorisme islamiste qui les concerne au plus haut point (la ligne de front se situe contre le terrorisme islamiste qui les concerne au plus haut point (la ligne de front se situe en Irak et en Afghanistan (6)), et «corollairement», s'ils peuvent tirer les leçons qui leur manquent durement pour quitter l'abominable et honteuse «condition délictueuse» dont ils sont marqués.
Dans cette situation de guerre totale, hormis la campagne que mène le principal protagoniste – les USA – décidé de prescrire ses vérités, et que la rue arabe exaltée certainement par des nids de vipères accuse de s'imposer en conquérant d'une région géostratégique, d'en avoir le strict contrôle et de prendre possession de ses richesses, l'une des dynamiques opérantes soumise aux ruses de guerre manœuvrières incriminée est évidemment la réaction des partisans du Baâth irakien résolus à effacer l'humiliation de la déconfiture.
Mise en scène
Y participent aussi les autorités arabes, cela va sans dire. Dans le but de préserver leur inamovibilité sur les trônes que les colonialismes, protectorats, «missions»… ont naguère brutalement déblayé de leurs éminentissimes beys, deys, sultans et autres «dynasties» qui y roupillaient leur sommeil léthargique, et qu'eux, roturiers ou se proclamant princes, en seigneurs de la guerre débarqués en chars dans les lieux, évacués – à la fin ! – proclamant les envahisseurs, ils ont occupé par la violence ou la rouerie pour la plupart. (7)
Soucieux de dénicher un biais pour amoindrir l'accusation qui leur fait porter le chapeau de l'extrémisme islamiste terroriste, (contrecoup de leur conduite absurde), ils s'inscrivent mesquinement en scribes spécialistes zélés de l'antiterrorisme.
Usant et abusant de toutes sortes d'artifices pour soi-disant châtier la haine qu'ont engendrée les méfaits coloniaux des Européens et amalgamée, soudainement et étrangement, à «l'angiaméricaine» (8). Quoique fétus, «armées» leur pouvoir n'est pas une simple chape de plomb. (9) Mais est-ce uniquement les Arabes et ceux qui affichent la volonté de démocratiser les occupants de ce champ de violence ? En établissant le rapprochement entre la situation mondiale actuelle et l'avènement de la révolution industrielle de la fin du XVIIIe siècle, lorsque des pays du Vieux Continent expansionnistes remettaient en question l'hégémonie britannique, nous présentons le réveil des rivalités européennes enfouies. En effet, bouleversant profondément toutes les sociétés, l'émergence brutale de la Chine (plus qu'un atelier du monde, un chantier tentaculaire) accompagnée de l'Inde (Eldorado informatique), provoque la mobilisation effrénée des puissances industrielles occidentales soucieuses de leur suprématie.
La parade appropriée à cette situation est connue pour avoir déjà servi. Pour maintenir son empire le Nord, qui s'est livré par le passé aux «conquêtes» et aux razzias des matières premières et énergétiques et des capitaux du Sud sans défense, ce Nord-là s'il n'agit pas de fron il ne reste tout de même pas les bras croisés.
Sous le paravent de «l'outrageuse» lutte globale contre l'intégrisme islamiste se poursuivrait donc la lutte pour le leadership, avec bien entendu l'entrée en scène des «ordres nouveaux»(10). Les contrariées des grands du Nord trouvant cette fois-ci encore, invariablement, leur distillation dans l'indigence des petits du Sud, le magma arabo-musulman, en particulier(11). Et ce n'est pas tout. Car il ne faut surtout pas omettre de consulter le registre particulier – qui se trouve être aussi le plus compulsé de notre époque – celui de l'Israël phénoménal !
Qui revendique «hériter sa force de sa lutte avec Dieu».
Qui, en vertu d'un tel credo, veut en imposer au monde, en cultivant, désormais, cet atavisme aux dépens de ses cousins sémites arabes.
Qui épouse sans état d'âme le projet du «christianisme darwinien» qui l'a si martyrisé.
Faire d'Israël le parangon de la politique annexionniste n'est pas outrancier. En prospectant les «causes» du bourbier du terrorisme, aucun investigateur ne parvient à éluder la question de l'activisme de cette entité, au demeurant clamé à cor et à cri par le concerné lui-même(12) et pour qui, il faut en convenir, l'islamisme intégriste nébuleux est – quelle qu'elle soit la lecture qu'on en fait – «providentiel» ! En faveur de cette thèse sur l'opportunisme israélien est évoqué, notamment, son plan d'action d'envergure prévoyant des frappes de cibles iraniennes. C'est ainsi qu'Israël a, selon l'hebdomadaire britannique le Synday Times, «dressé des stratégies pour détruire les installations nucléaires iraniennes… Son commando d'élite Shaldag et ses avions F-15 du 69e escadron s'y préparent activement. Les bombes américaines capables de percer les murs de bunker sont prêtes…». Du bluff ? Absolument pas ; c'est du déjà vu : la crise du canal de Suez !
En affichant sa volonté d'attaquer la République islamiste au motif qu'elle représente un danger pour son existence, l'Etat hébreu escompte le drainage des arsenaux que ne manqueraient pas de lui livrer les USA puisque ces derniers, accusant le régime des Mollahs de diaboliser l'Occident, d'exporter l'extrémisme et de se doter de l'arme absolue, sont prêts à tout pour le déstabiliser. Cette mise en scène reproduit parfaitement, toutes proportions gardées, le scénario de la guerre d'Algérie où Français, Britanniques et Israéliens imputaient à l'Egypte de Nasser le nationalisme arabe anticolonialiste, Israël récoltant les dividendes ! D'aucuns objecteront que la situation de cet Etat a évolué depuis que sa capacité militaire, ostentatoire, suffit à son autodéfense et même à imposer sa volonté au monde.
Il n'en est rien. Tant que le sioniste se sait concerné par l'antisémitisme (figure spéculaire du colonialisme, sublimée, en raison des «richesses» mystifiées de Salomon), il crie au loup ; il mène une guérilla de l'ombre pour surveiller l'humeur du monde, l'infléchir en sa faveur et gagner en puissance. Même l'alignement inconditionnel du «Super grand» n'adoucit pas cette défiance – existentielle(13).
Voilà pourquoi la lutte contre le terrorisme est un chantier providentiel pour l'Etat hébreu. Accréditant cette règle d'or, les aveux de l'auteur du livre L'Infiltrée, la juive d'origine irakienne qui a «vécu» au milieu d'islamistes, annoncent au monde qu'Israël est présent en chair et en os à l'intérieur des maquis inexpugnables. Qu'il est le champion du renseignement et la source incontournable des informations sur le terrorisme.
Victor Ostrovski, un autre barbouze israélite, révèle que dans les échelons décisionnaires arabes, en sus de ses coreligionnaires surdoués qui s'y affairent (ils sont 105 ethnies), des taupes autochtones espionnent pour le compte de l'Institution (Mossad), produisant la preuve que les gouvernements du Moyens-Orient et de l'Afrique du Nord sont sous l'emprise absolue d'Israël. Pour le moins, ces confessions suggèrent que quoique les dirigeants arabes fournissent comme renseignements, en coopérant, ce sera toujours le «sceau de Salomon» qui en garantira l'authenticité et la teneur, la coordination de la lutte antiterroriste revenant ainsi de facto à Israël, dans l'intérêt de l'Occident «en danger».
De là à admettre qu'Israël, l'expert sociologue des affaires arabes, est un «initiateur associé» du GMO, il n'y a pas l'ombre d'un doute. Evidemment, les déclarations des espions juifs pourraient relever de l'intox destinée à semer la discorde au sein des populations arabes et servir à investir les services de sécurité du monde(14). Mais si les auteurs de ces révélations disent vrai, alors la désolante réalité arabe témoigne de la pugnacité malveillante de leurs cousins sionistes à leur égard. Pis !
(A suivre)
Notes :
1) Comme de Gaulle évoque «l'Algérie algérienne» (novembre 1960) à la suite de ces manifestations des étudiants algérois, celles-ci sont gratifiées de «Diên Biên Phu psychologique». En 1960 les maquis algériens étaient, d'après les historiens, essoufflés.
2) Les USA aussi, il suffit de rappeler l'intervention du jeune sénateur J. F. Kennedy. Les Républiques de l'Est …
3) Ce n'est que «justice rendue», sommes-nous obligés de penser, puisque Einstein est le père spirituel de l'arme atomique.
4) Avraham Barzilaï, agent du Mossad, révèle que les services secrets israéliens ont traqué le FLN algérien durant la guerre de la Toussaint. L'unité 1131 qui a «tramé et raté», l'opération de déstabilisation du gouvernement égyptien de Nasser, du nom de code «La sale affaire», a monté une cellule à Constantine (ville de l'Est algérien).
5) Le décret Crémieux de 1870 accorda aux Israélites algériens la citoyenneté française.
6) Ainsi est qualifiée la campagne menée en Irak, quasi accomplie en Afghanistan – et en Algérie et en Egypte – motivée par l'attaque des USA, de l'Espagne, de la Grande-Bretagne… après les ignominies de Tanzanie et du Kenya … inscrite dans la traque de l'ennemi nébuleux que l'on dit se mordre la queue en Arabie Saoudite.
7) L'invité du président yéménite à ses homologues arabes à se «couper les cheveux avant que les Américains ne leur rasent complètement la tête» ou la «reddition» du président libyen sont éloquentes.
8) Comme «l'antiaméricanisme», qui cristallise de plus en plus les désillusions des populations du Sud, éloigne le pays de l'Oncle Sam de cet hémisphère et en fait un appendice du Vieux Continent colonialiste, il faut s'interroger sur ses soubassements.
9) Saddam Hussein n'est pas un cas isolé. A titre d'exemple, le roi Hassan II du Maroc en bombardant les Rifains se disait disposé à exterminer les deux tiers de ses sujets pour permettre au tiers restant de jouir des bienfaits du trône alaouite comme le lui «dicte» la charia (loi islamique).
10) Emanant de firmes internationales ou des grands groupes financiers.
11) L'opposition «alter mondialistes» à l'hégémonie de ces groupes puissants n'est pas sauve des ruses manœuvrières.
12)La mission originelle du Mossad est fixée par son initiateur Ben Gourion le 1er avril 1951 : «Pour notre Etat qui, depuis sa création ne cesse d'être assiégé par ses ennemis, le renseignement constitue la première ligne de défense. Nous devons apprendre à analyser ce qui se passe autour de nous».
13) L'affaire Jonathan Pollard (des années 1980), ou celle toute récente de Lawrence Ranklin (au demeurant scabreuse) montrent qu'Israël espionne tout le monde, y compris ses «amis».
14) Le fait qu'un agent du Mossad, avraham Barzilaï, décide de parler de la guerre menée par les services secrets israéliens contre le FLN peut évidemment constituer une diversion aux aveux de Victor Ostrovski. Mais le but est indéniablement le même : brouiller les compréhensions.


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