C'est un historien français, Gilbert Meynier, qui donne ce chiffre se basant sur le livre d'Anne-Marie Laouanchi, écrit en hommage à son mari Salah Laouanchi, responsable de la Fédération de France du FLN de 1956 à 1957. Le bilan a été fourni par les compagnies républicaines de sécurité (CRS). Devant l'ampleur des réactions qu'un tel chiffre ait pu produire dans l'opinion publique, M. Meynier a fait, récemment, une sorte de mea culpa pour « avoir pris pour seule source, celle d'une proche du FLN » (sic). Mais ça, c'est une autre histoire. L'essentiel, qui a été derrière ces massacres ? Ces actions sont-elles le fait de la DST, les services de renseignements français, ou du Mossad, ou alors les deux en même temps, dans un esprit de collaboration pour étouffer la Révolution algérienne. Quel rôle avait joué le Mossad, le service de renseignements israélien, dans ces tueries ? On vient de le savoir, il y a quelques années seulement, en 2005, lorsqu'un des agents en place a tenu à en parler dans le moindre détail lors du rassemblement mondial des juifs originaires de Constantine, à El Qods. Ce témoignage confirme l'implication du Mossad. Ces événements ont fait l'objet de recherche de la part des historiens algériens également. Dans les travaux d'investigation effectués par Mme Ouanassa Siari Tengour, présentés lors du Colloque de 2006, sur la guerre de Libération (1954-1962), qui a eu lieu à Skikda, l'auteur retrace « le contexte de crise générale » dans lequel surviennent ces massacres des 12 et 13 mai 1956, et qui ont coïncidé avec le premier jour de la fête de l'Aïd pour les musulmans. Ceux-ci « ne doivent rien au hasard. Ils sont l'aboutissement logique de pratiques dont les caractéristiques les plus visibles sont la répression, l'arbitraire et l'impunité et qui se trouvent réactivées par le déclenchement de la lutte armée, le 1er novembre 1954 ». Elle note, dans son étude, sur la base de témoignages, la situation exceptionnelle, insurrectionnelle, que suggère le dispositif policier qui y est déployé. Des milices dites « antiterroristes », — c'est-à-dire engagées contre les éléments du FLN — avaient procédé à une série d'exécutions dans le Constantinois. Le prétexte de ces tueries intervenues les 12 et 13 mai, c'est l'attentat contre un café détenu par un juif. Après l'explosion de la bombe, la réaction ne s'est pas fait attendre, la chasse à « l'Arabe » commence. Des civiles sont abattus froidement... Or si la presse de l'époque (La Dépêche de Constantine) a présenté l'auteur comme « un élément lié au FLN », ce dernier par le biais de son journal « El Moudjahid » réfute cette version en l'imputant, selon les précisions en bas de l'article de Mme Tengour, à « un homme habillé à l'européenne ». Cela n'a, évidemment, pas empêché les groupes armés de la rue de France (quartier juif) de déclencher les représailles contre les populations musulmanes. Ce sont des groupes de milices bien encadrées par une organisation, implantée au Maghreb, et affiliée au Mossad qui se sont chargés de cette sale besogne. Cela commence le 12 mai 1956. Le Mossad avait déjà entrepris d'encadrer les éléments juifs. Barzilaï, un agent du Mossad, donne, déjà, l'ordre aux membres de sa cellule de s'armer de pistolets et de patrouiller, rue de France, l'artère principale du quartier juif de Constantine. Les Français n'osaient pas intervenir, cette action les aidait à « démanteler les réseaux des militants du FLN ». Barzilaï avait été, à 29 ans, envoyé par les services secrets israéliens, en compagnie de sa femme, afin de monter des cellules opérationnelles pour faire la guerre à l'ALN. Cet enseignant d'hébreu agissait sous l'ordre de son responsable direct, Shlomo Havilio, en poste en 1956 à Paris. Les services du Mossad ont entraîné et armé des cellules de jeunes juifs de Constantine pour faire la guerre à l'ALN. Les deux agents sont présentés comme des spécialistes de la subversion, au service des services de renseignements israéliens, ils avaient opéré dans les pays arabes , en Egypte plus exactement, en montant des cellules similaires pour déstabiliser le gouvernement de Nasser en armant des juifs égyptiens. Les massacres en question interviennent dans une situation qui n'était pas, à vraiment parler, calme dans toutes les régions d'Algérie. Dans le Constantinois, une dizaine de mois auparavant, l'insurrection d'août 1955 s'est soldée par plusieurs arrestations de militants algériens. C'est une situation d'insurrection permanente avec des attentats visant les policiers français ou les représentants de l'administration coloniale. On a pu noter, à ce titre, en avril 1956, des actions qui se sont soldées par 101 assassinats dont celui qui a visé le commissaire principal San Marcelli. Les représailles feront un grand carnage parmi les populations civiles. Des historiens essaient de réfuter l'idée que le massacre des 12 et 13 mai ait été le fait seulement de ces milices essayant de montrer que « c'est le dispositif policier qui a pris la relève après le premier jour des hostilités ». Quand bien même l'hypothèse en question peut être crédible, rien n'empêche les éléments du Mossad qui « ont fait un noyautage des militaires », selon certains historiens, d'agir sous une autre couverture. Les deux communautés musulmane et israélite se sont déjà affrontées, en 1934, à la suite d'un acte de provocation d'un lieu de culte musulman (profanation d'une mosquée) considéré comme « un petit incident sans importance ». Mais, note-t-on, si l'embrasement n'a pas eu lieu, c'est que, entre les deux périodes, le contexte est totalement différent. Dans le dernier cas, on est en pleine guerre de Libération et les groupes en question sont cette fois-ci bien armés par le Mossad. * Sources : travaux de Mme Ouanassa Siari Tengour