Appliquant l'adage populaire franco-belge qui affirme que «lorsque la France a froid, la Belgique éternue», les états-majors belges ont réuni leurs experts pour prévenir tout risque de contagion. C'est que Bruxelles a aussi des quartiers ghettos et a connu des troubles. En 1992, des émeutes spectaculaires ont éclaté dans le bas de la commune bruxelloise d'Anderlecht, dans le quartier de la gare du Midi, mitoyen du centre-ville. Depuis, les responsables belges ont lancé une véritable politique de réhabilitation des quartiers rongés par la misère et la dégradation. Tout le bas d'Anderlecht, dit quartier du Curreghem, qui comprend la gare ferroviaire internationale, continue de subir un aménagement plus aéré, propre et fonctionnel. Les autres communes bruxelloises, à forte présence de communautés immigrées, comme celles de Moelenbeek ou Schaerbeek, ont bénéficié de plans urbanistiques et de financements d'urgence conséquents. Mais à côté de ces actions classiques et ciblées, les pouvoirs publics ont entamé des réformes politiques et sociales qui font la particularité belge et classent le pays en tête des pays européens où il fait bon vivre, loin devant des «géants» comme la France ou l'Allemagne. La Belgique a pris la première place au sein de l'Union européenne en termes de richesse il y a trois ans. Cette année, le pays a perdu deux places dans ce classement, au profit de la Suède et du Danemark. Le melting-pot bruxellois Bruxelles n'est pas Paris. Mais Bruxelles, ce sont 136 nationalités différentes qui vivent ensemble (chiffre du ministère de l'Intérieur). Ce sont deux langues officielles, le français et le néerlandais. Bruxelles-Capitale est une région autonome avec un gouvernement, un Parlement et de larges compétences, grâce au régime fédéral. Bien sûr, Bruxelles, capitale de l'Union européenne, siège de l'OTAN, investit un plus dans la sécurité, l'urbanisme, l'environnement… pour gagner son statut de vitrine de l'Europe. Sur le plan politique, la Belgique est sans aucun doute l'exemple type de l'intégration et du «vivre ensemble». A tous les niveaux des pouvoirs locaux ou nationaux, il y a des responsables et élus issus de l'immigration. Le patron du Parti socialiste (PS) est Elio Di Rupo, Belge d'origine italienne. Il caracole en tête des sondages de popularité. Il y a plusieurs ministres au niveau fédéral issus de l'immigration turque ou africaine. C'est la même proportion au niveau des gouvernements régionaux. Des Marocains, des Turcs, des Italiens, des Africains… Il ne se trouve pas un seul conseil qui ne comprend pas d'élus d'origine étrangère. Nous avons à ce niveau pas mal d'élus algériens, alors que la communauté en Belgique est de l'ordre de 25 000 immigrés. Cette volonté de faire de l'intégration une force de développement est probablement due à l'histoire spécifique de ce pays, où Flamands, Wallons, Bruxellois (Zinneke en termes populaires) se sont longuement affrontés pour le pouvoir et sont arrivés à la magie du compromis, d'où, à chaque fois que la négociation semble bloquée dans la diplomatie internationale, on invoque le célèbre «compromis belge». C'est ainsi, par exemple, qu'après l'affaire «Dutroux», a suivi une réforme des polices qui a regroupé la Gendarmerie et la police dans un corps de police fédérale et permis de déployer une véritable police de proximité (supprimée par Sarkozy en France), se fondant dans la vie quotidienne des quartiers. Enfin, un atout supplémentaire consiste en un véritable maillage de la société par le mouvement associatif. Ce sont ces spécificités belges, où mêmes dans les cités populaires existe une certaine mixité des communautés, qui devront faire réfléchir le pouvoir jacobin français, sur le fait que la France n'est pas le centre du monde et que nous sommes loin, très loin, de la révolution de 1789, où le pacte républicain scellé par ses fondateurs est aujourd'hui dévoyé par de honteux calculs politiciens.