Les produits étrangers se placent facilement sur le marché algérien. Plus qu'ailleurs et il ne s'agit pas uniquement de vêtements, de nourriture, de voitures ou d'autres produits manufacturés. La tendance est plutôt générale et loin d'être étonnante dans un pays où tout est en jachère. Le secteur audiovisuel, orphelin de sa seule chaîne de télévision qui manque terriblement d'animation et de couleur, ne déroge pas à la règle. Face à l'absence criante de programmes (information, sport, musique, cinéma…) adaptés à leur goût et à leur attente, des millions de passionnés du petit écran se tournent vers les nombreuses chaînes satellitaires arabes et occidentales à la gamme riche et variée. La réalité est trop apparente pour qu'elle soit occultée : sur le toit des immeubles à travers tout le territoire national trônent des assiettes paraboliques. L'Algérie figure parmi les nations les plus parabolées au monde. Les algériens des inconditionnels de canalsat, starsat, nilesat… Cette forte demande de programmes émis par les chaînes satellitaires (beaucoup plus français et arabes) a été longtemps prise en charge par les pirates qui mettent à la disponibilité des téléspectateurs nationaux toutes sortes de chaînes à des prix presque insignifiants. Souffrant d'une carence irréfragable en matière de divertissement et loisirs, de nombreux Algériens – de différentes strates sociales – sont devenus des inconditionnels de Canalsat, Starsat, Nilesat, Arabsat…Grands consommateurs de programmes de télévisions étrangères, ils suscitent l'intérêt de plusieurs groupes audiovisuels qui ont décidé ces dernières années d'investir abondamment le marché algérien. Le premier à percer le marché audiovisuel algérien – toujours fermé au privé national – est le groupe saoudien ART qui, en achetant les droits de transmission dans la zone arabe de la Coupe du monde 2006, a pu s'installer durablement en Algérie. Ses cartes, actuellement vendues à 7600 DA pour un an, ont été même subventionnées par l'Etat à l'occasion de cette compétition footballistique mondiale. Le succès du bouquet ART a encouragé d'autres groupes à venir vendre leurs produits sur le marché national. Ainsi, Al Jazeera Sports, dont la chaîne d'information est déjà largement suivie, met en vente sa carte en Algérie. Conquête de l'espace audiovisuel algérien Pour 4800 DA, le bouquet Al Jazeera Sports offre à ses téléspectateurs et surtout aux férus du foot les compétitions européennes et les championnats les plus en vue. AB Groupe a de son côté, grâce à un contenu peu coûteux, investi amplement le marché algérien, mettant en vente sa carte BIS TV ABSAT. A 13 000 DA/an, cette carte est livrée à l'acheteur sur commande. « L'offre est encore inférieure à la demande. Nous recevons beaucoup de commandes au point que nous avons du mal à les satisfaire toutes rapidement », souligne un vendeur de carte BIS à Alger-Centre. Grâce à cette carte, on capte toutes les chaînes françaises hormis Canal+ et TPS et les meilleures chaînes TNT. Profitant de cette conjoncture, le groupe Canal+ décide de prendre sa part dans ce marché qui semble être des plus porteurs en Afrique du Nord. En créant un bouquet spécial pour le Maghreb, sans les chaînes susceptibles de heurter la morale et les mœurs arabo-musulmanes, le groupe compte sur la réussite de son produit en Algérie pour optimiser ses profits. Et l'opération s'annonce déjà sous de bons auspices. La carte Canal+ se vend facilement. « A 13 000 DA pour six mois et 26 000 DA pour une année, j'ai réussi à vendre une vingtaine de cartes depuis sa mise sur marché », a indiqué un vendeur à Alger. Bien que chère, la carte Canalsat trouve preneur. L'engouement est bien visible surtout après l'intégration des programmes sportifs qui suscitent beaucoup d'intérêt chez les jeunes et les moins jeunes. Un bon nombre est prêt à débourser la moitié de son salaire pour échapper à l'« ennui institutionnel » transmis par l'Unique, (sobriquet avec lequel on désigne la télévision nationale). C'est le cas de Amine, biologiste, travaillant dans un laboratoire médical au centre d'Alger, qui affirme avoir acheté la carte d'Al Jazeera Sport et récemment celle de Canalsat. « Ces chaînes divertissent et apportent une note de fraîcheur et d'originalité. Il y en a pour tous les goûts : le sport (le foot surtout), le cinéma, l'information, la musique, les débats, les documentaires. » Des bouquets gratuits – fruit du piratage – aux chaînes payantes, les Algériens demeurent attachés à leur antenne parabolique qui leur permet de noyer leur chagrin en zappant à travers la planète numérique.