L'OMS a invité au cours de cette rencontre les gouvernements du monde entier à prendre les mesures adéquates afin de parer à la situation qui prévaudra lors de la survenue de cette pandémie. Pendant que les gouvernements des pays qui ont le respect de leurs concitoyens se mobilisent et se préparent à faire face à cette pandémie par tous les moyens disponibles aujourd'hui, sans pour autant négliger d'informer leurs citoyens des mesures prises afin de les impliquer et surtout de les rassurer, chez nous rien ne bouge, rien n'est fait. Pis, selon certains responsables, cela ne nous concerne pas, et pour d'autres, nous n'avons même pas le droit de nous informer. L'attitude de nos responsables vis-à-vis de ce phénomène et du péril qu'il représente ne peut être interprétée autrement qu'une inconscience criminelle. Le lecteur peut trouver certes mes propos intempestifs, voire exagérés mais le sont-ils vraiment par rapport à la gravité du sujet ? Ce qui nous attend une fois la pandémie installée, sans verser dans le drame, ni dans la panique mais seulement dans l'exigence de vérité, c'est des morts par dizaines de milliers, voire des centaines de milliers. – L'effondrement de l'économie nationale par la fermeture des usines et la disparition massive de la main-d'œuvre. – La menace de la famine par le manque de ravitaillement du fait de la fermeture des ports et aéroports, les zones rurales désertées entraînant une diminution, voire la disparition de la production agricole. – Des drames familiaux, la désintégration des rapports sociaux. – Des mesures de coercition, d'isolement et de mise en quarantaine avec leur lot de dérapages et d'injustices. – Des citoyens excédés par tant de désolation verront dans l'Etat et ses représentants la cause de tous leurs malheurs. – Le pouvoir bunkérisé, se mettant à l'abri de la pandémie par les moyens qu'il s'est déjà approprié, constatera impuissant les conséquences de sa politique insouciante et irresponsable. Cet exposé des faits n'est ni un scénario tiré d'un film de science-fiction ni une prévision nostradamusienne, mais bien une réalité vécue par l'humanité dans le siècle passé par la grippe espagnole, dont les spécialistes lui reconnaissent sa similitude avec la grippe aviaire. Il est clair que cette contribution qui vous est destinée messieurs «nos dirigeants» ne l'est ni pour vous provoquer ni pour vous culpabiliser et encore moins pour vous faire céder à la panique, mais plutôt pour vous faire prendre conscience et vous rappeler votre devoir en espérant contribuer à la juste prise en compte de ce fléau et à l'adoption de mesures adéquates avant qu'il ne soit trop tard. Confusion et irresponsabilité Mais au fait, sait-on de quoi il s'agit ? Les quelques réactions irrationnelles, voire incorrectes tenues par certains responsables, rendent compte de la confusion qui prédomine chez nos dirigeants ainsi que chez les citoyens d'une manière générale. Il est cependant regrettable qu'aucun épidémiologiste – soit à titre personnel, soit représentant le département de la santé – n'a eu le courage pour certains, l'honnêteté intellectuelle pour d'autres, de mettre en garde les autorités compétentes sur le danger que représenterait cette pandémie et d'informer l'opinion publique qui est en droit de savoir. Alors je prends sur moi cette responsabilité afin que vous ne puissiez pas nous dire un jour : «Nous ne savions pas.» L'Organisation mondiale de la santé (OMS) dès l'année 2000 a commencé à alerter les scientifiques sur l'existence du virus H5N1, responsable de la grippe aviaire et de son caractère hautement pathogène. Ce virus qui, aujourd'hui, décime des millions de volailles, sévissant surtout en Asie, se transmet à l'homme par le contact répété et soutenu avec la volaille. Donc, il ne touche actuellement que les professionnels dans le domaine avicole. Sur 120 personnes contaminées par le virus H5N1, 65 ont péri faute de moyens thérapeutiques efficaces, ce qui rend compte du degré élevé de morbidité et de mortalité de ce virus. Si les choses devaient en rester là, Monsieur Barkat, vous auriez raison de ne pas vous inquiéter outre mesure, comme vous le dites, l'Algérie n'étant pas un pays très prisé par le «tourisme aviaire», nous ne risquerions pas grand-chose et que le dispositif de veille et de surveillance que vous avez mis en place même déficient, voire limité serait excusable. Seulement voilà, ce n'est pas ce virus dans sa structure moléculaire actuelle qui effraie et hante les spécialistes et qui mobilise tant de gouvernements, d'institutions internationales et de laboratoires certifiés et avérés. Un problème de sécurité nationale C'est, Monsieur Barkat, une mutation qui produira une modification du génotype du virus H5N1 qui le rendrait transmissible par voie interhumaine. La question que se posent également les spécialistes n'est pas si cette mutation aura lieu, mais quand aura-t-elle lieu ? Ce virus transformé se transmettant à l'homme par l'homme, de par son caractère hautement morbide et mortel, causera, selon les estimations les plus optimistes, plus de 40 millions de morts et l'Algérie ne pourra pas être épargnée. Pour parler simple, Monsieur Barkat, ce n'est pas une affaire d'oiseaux, mais une affaire d'hommes. Ce n'est même pas une affaire de ministre mais une affaire d'Etat, car il s'agit bien d'un problème de sécurité nationale. A ce titre, c'est l'Etat dans toute sa plénitude avec à sa tête le président de la République qui est interpellé pour mettre en place dès maintenant une structure d'alerte et d'intervention efficace, capable de prendre les mesures adéquates en temps réel pour apporter toute l'aide et l'assistance nécessaires à ce genre de catastrophe. Car ne rien faire et attendre que cela arrive pour agir serait jouer avec le feu. Quoi faire et quoi préparer ? L'action devra être orientée sur deux axes : l'organisation et les moyens. Sur le premier volet, il est nécessaire, voire indispensable de mettre en place un comité Orsec pandémie. Ce comité aura la charge de mettre en place les structures d'accueil, l'organisation des secours, le suivi des opérations et enfin la coordination entre tous les intervenants. Ce comité devra comprendre les représentants des départements suivants : n La santé n L'agriculture n L'intérieur n Finances, économie et commerce n La défense n Transport et ressources en eau. Il appartiendra également à cette structure de dresser l'inventaire et la mise à disposition de tous les moyens nécessaires à ce type de fléau. Sur cette question de moyens, je voudrais insister sur deux aspects que l'Etat devra prendre en charge dans les plus brefs délais et qui sont la commande et l'approvisionnement en masques filtrants et le Tamiflu, car n'étant pas disponibles, leur obtention prendrait du temps vu que la plupart des gouvernements ont déjà fait leurs commandes. Pour ce qui est du Tamiflu, dont les laboratoires Roche détiennent la licence de production, et non le brevet, il est le seul antiviral efficace sur le marché permettant d'atténuer l'effet morbide du virus en bloquant sa multiplication et en empêchant sa diffusion dans l'organisme, à condition qu'il soit pris dans les premières 24 heures de l'infection. Même si sa production est un processus compliqué, nous avons la chance, selon M. Aoun, PDG de Saidal, de pouvoir le fabriquer à condition que les autorités s'impliquent dans un processus de négociations avec Roche ainsi que l'approvisionnement du principe actif que seuls quelques laboratoires dans le monde sont en mesure de synthétiser. Face à cet énorme défi, les pouvoirs publics ont un devoir et une énorme responsabilité particulièrement lourde et urgente. . Un devoir d'information sans susciter la panique, mais sans banaliser. Un devoir de prévention par l'installation du comité Orsec pandémie. Un devoir d'assistance en s'approvisionnant en masques filtrants et en Tamiflu en quantités suffisantes. Maintenant, vous savez de quoi il s'agit, j'ose espérer vous avoir fait prendre conscience de la réalité du danger qui menace le monde et nous menace, et que vous adopterez les mesures adéquates pour nous protéger même s'il est vrai que cela a un coût onéreux que vous pourrez mettre sur notre part des réserves accumulées par la vente de notre patrimoine minier.